Aventures De Trois Russes Et De Trois Anglais Dans LAfrique Australe
Aventures De Trois Russes Et De Trois Anglais Dans LAfrique Australe читать книгу онлайн
Les Aventures de trois Russes et de trois Anglais (1872) mettent en sc?ne six astronomes dont la t?che est de mesurer une portion de m?ridien terrestre. Il s'agit donc plus de g?od?sie que d'astronomie, mais historiquement, ce genre de travail a toujours ?chu aux astronomes. Les h?ros utilisent la m?thode de triangulation expos?e en d?tail dans l'Astronomie Populaire d'Arago. On retrouve le th?me des grandes exp?ditions scientifiques des Picard, Lacaille, Maupertuis, Bouguer, Godin, La Condamine, M?chain, Delambre, Arago… commandit?es par l'Acad?mie des sciences, aux ?poques o? le m?tier d'astronome ?tait un m?tier dangereux.
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
Cependant le colonel Everest, voulant hâter l’arrivée de sa petite troupe au Ngami, résolut de joindre directement la station qu’il occupait avec le Scorzef, par un seul triangle. Le sommet du mont, terminé par une sorte de pic très-aigu, pouvait être visé très-exactement, et se prêtait ainsi à une bonne observation. Il était dès lors inutile d’attendre la nuit, inutile, par conséquent, d’envoyer en avant un détachement de marins et d’indigènes pour fixer un réverbère au sommet du Scorzef.
Les instruments furent donc installés, et l’angle formant le sommet du dernier triangle déjà obtenu dans le sud fut de nouveau mesuré à cette station même pour plus de précision.
Mokoum, très-impatient d’arriver aux rives du Ngami, n’avait fait établir qu’un campement provisoire. Il espérait bien, avant la nuit, avoir atteint le lac désiré; mais il ne négligea aucune des précautions habituelles, et il fit battre les environs par quelques cavaliers. Sur la droite et sur la gauche s’élevaient des taillis qu’il était prudent d’éclairer. Cependant, depuis la chasse aux oryx, on n’avait vu aucune trace de Makololos, et l’espionnage dont la caravane avait été l’objet semblait avoir été abandonné. Néanmoins, le défiant bushman voulait être sur ses gardes, afin de parer à tout.
Tandis que le chasseur veillait ainsi, les astronomes s’occupaient de construire leur nouveau triangle. D’après les relevés faits par William Emery, ce triangle les porterait bien près du vingtième parallèle, auquel devait s’arrêter la pointe terminale de l’arc qu’ils étaient venus mesurer dans cette portion de l’Afrique. Encore quelques opérations au delà du Ngami, et très-vraisemblablement le huitième tronçon de la méridienne serait obtenu. Puis, vérification faite des calculs au moyen d’une base nouvelle, directement mesurée sur le sol, la grande entreprise serait achevée. On comprend donc quelle ardeur soutenait ces audacieux, qui se voyaient sur le point d’achever leur œuvre.
Et pendant ce temps, comment avaient opéré les Russes de leur côté? Depuis six mois que les membres de la commission internationale s’étaient séparés, où se trouvaient, en ce moment, Mathieu Strux, Nicolas Palander, Michel Zorn? Les fatigues les avaient-ils éprouvés avec autant de rigueur que leurs collègues d’Angleterre? Avaient-ils souffert de la privation d’eau, des accablantes chaleurs de ces climats? Sur leur parcours qui se rapprochait sensiblement de l’itinéraire de David Livingstone, les régions avaient-elles été moins arides? Peut-être, car il existait depuis Kolobeng, des villages et des bourgades tels que Schokuané, Schoschong et autres, peu éloignés sur la droite de la méridienne, dans lesquels la caravane russe avait dû pouvoir se ravitailler. Mais aussi n’était-il pas à craindre que, dans ces régions moins désertes, et par conséquent battues sans cesse par les pillards, la petite troupe de Mathieu Strux n’eût été très-exposée? De ce que les Makololos semblaient avoir abandonné la poursuite de l’expédition anglaise, ne fallait-il pas conclure qu’ils s’étaient jetés sur les traces de l’expédition russe?
Le colonel Everest, toujours absorbé, ne pensait pas ou ne voulait pas penser à ces choses, mais sir John Murray et William Emery s’entretenaient fréquemment du sort de leurs anciens collègues. Leur serait-il donné de les revoir? Les Russes réussiraient-ils dans leur entreprise? Le même résultat mathématique, c’est-à-dire la valeur du degré de longitude dans cette partie de l’Afrique, serait-il identique pour ces deux expéditions, qui auraient poursuivi simultanément, mais séparément, l’établissement du réseau trigonométrique? Puis, William Emery songeait à son compagnon, dont l’absence lui semblait si regrettable, et il savait bien que Michel Zorn ne l’oublierait jamais.
Cependant, la mesure des distances angulaires avait commencé. Pour obtenir l’angle qui s’appuyait à la station, il s’agissait de viser deux mires dont l’une était formée par le sommet conique du Scorzef.
Pour l’autre mire, sur la gauche de la méridienne, on choisit un monticule aigu, qui n’était situé qu’à la distance de quatre milles. Sa direction fut donnée par l’une des lunettes du cercle répétiteur.
Le Scorzef, on l’a dit, était relativement fort éloigné. Mais les astronomes n’avaient pas eu le choix, ce mont isolé étant le seul point culminant de la contrée. En effet, aucune autre hauteur ne s’élevait ni dans le nord ni dans l’ouest, ni au delà du lac Ngami, que l’on ne pouvait encore apercevoir. Or, cet éloignement du Scorzef allait obliger les observateurs à se porter considérablement sur la droite de la méridienne; mais, après mûres réflexions, ils comprirent qu’ils pouvaient procéder autrement. Le mont solitaire fut donc visé avec un soin extrême au moyen de la seconde lunette du cercle répétiteur, et l’écartement des deux lunettes donna la distance angulaire qui séparait le Scorzef du monticule, et, par conséquent la mesure de l’angle formé à la station même. Le colonel Everest, pour avoir une approximation plus grande, fit vingt répétitions successives en modifiant la position de ses lunettes sur le cercle gradué; de cette façon, il divisa par vingt les erreurs possibles de lecture, et il obtint une mesure angulaire dont la rigueur était absolue.
Ces diverses observations, malgré l’impatience des indigènes, furent faites par l’impassible Everest avec le même soin qu’il y eût apporté dans son observatoire de Cambridge. Toute la journée du 21 février se passa ainsi, et ce fut seulement à la tombée du jour, vers cinq heures et demie, lorsque la lecture des limbes devint difficile, que le colonel termina ses observations.
«À vos ordres, Mokoum, dit-il alors au bushman.
– Il n’est pas trop tôt, colonel, répondit Mokoum, et je regrette que vous n’ayez pu achever vos travaux avant la nuit, car nous aurions tenté de transporter notre campement sur les bords du lac!
– Mais qui nous empêche de partir? demanda le colonel Everest. Quinze milles à faire, même dans une nuit obscure, ne sauraient nous arrêter. La route est directe, c’est la plaine elle-même, et nous ne pouvons craindre de nous égarer.
– Oui!… en effet… répondit le bushman, qui semblait se consulter; peut-être pouvons-nous tenter l’aventure, quoique j’eusse préféré marcher en plein jour sur ces terres qui avoisinent le Ngami! Nos hommes ne demandent qu’à se porter en avant et à atteindre les eaux douces du lac. Nous allons partir, colonel.
– Quand il vous plaira, Mokoum!» répondit le colonel Everest.
Cette décision approuvée de tous, les bœufs furent attelés aux chariots, les chevaux montés par leurs cavaliers, les instruments replacés dans les véhicules, et à sept heures du soir, le bushman, ayant donné le signal du départ, la caravane, aiguillonnée par la soif, marcha droit au lac Ngami.
Par un certain instinct de batteur d’estrade, le bushman avait prié les trois Européens de prendre leurs armes et de se pourvoir de munitions. Lui-même, il portait le rifle dont sir John lui avait fait présent, et les cartouches ne manquaient pas à sa cartouchière.
On partit. La nuit était sombre. Un épais rideau de nuages voilait les constellations. Cependant l’atmosphère, dans sa couche la plus rapprochée du sol, était dégagée de brumes. Mokoum, doué d’une grande puissance de vision, observait sur les flancs et en avant de la caravane. Quelques mots qu’il avait dits à sir John prouvaient à l’honorable Anglais que le bushman ne considérait pas la contrée comme très-sûre. Aussi, de son côté, sir John se tenait prêt à tout événement.