Les Fleurs Du Mal
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XVII
Sonnet pour s’excuser de ne pas accompagner un ami à Namur.
Puisque vous allez vers la ville
Qui, bien qu’un fort mur l’encastrât,
Défraya la verve servile
Du fameux poète castrat;
Puisque vous allez en vacances
Goûter un plaisir recherché,
Usez toutes vos éloquences,
Mon bien cher Coco-Malperché.
(Comme je le ferais moi-même)
À dire là-bas combien j’aime
Ce tant folâtre Monsieur Rops,
Qui n’est pas un grand prix de Rome,
Mais dont le talent est haut comme
La pyramide de Chéops!
XVIII
Monsieur Auguste Malassis
Rue de Mercélis
Numéro trente-cinq bis
Dans le faubourg d’Ixelles,
Bruxelles.
(Recommandée à l’Arioste
De la poste,
C’est-à-dire à quelque facteur
Versificateur)
Amœnitates Belgicae
Venus Belga
(Montagne de la Cour)
Ces mollets sur ces pieds montés,
Qui vont sous des cottes peu blanches,
Ressemblent à des troncs plantés
Dans des planches
Les seins des moindres femmelettes,
Ici, pèsent plusieurs quintaux,
Et leurs membres sont des poteaux
Qui donnent le goût des squelettes.
Il ne me suffit pas qu’un sein soit gros et doux:
Il le faut un peu ferme, ou je tourne casaque.
Car, sacré nom de Dieu! je ne suis pas Cosaque
Pour me soûler avec du suif et du saindoux.
La propreté des demoiselles belges
Elle puait comme une fleur moisie
Moi, je lui dis (mais avec courtoisie):
«Vous devriez prendre un bain régulier
Pour dissiper ce parfum de bélier.»
Que me répond cette jeune hébétée?
«Je ne suis pas, moi, de vous dégoûtée!»
– Ici pourtant on lave le trottoir
Et le parquet avec un savon noir!
La propreté belge
«Bains». – J’entre et demande un bain. Alors le maître
Me regarde avec l’œil d’un bœuf qui vient de paître,
Et me dit: «Ça n’est pas possible, ça, sais-tu,
Monsieur!» – Et puis, d’un air plus abattu:
«Nous avons au grenier porté nos trois baignoires.»
J’ai lu, je m’en souviens, dans les vieilles histoires,
Que le Romain mettait son vin au grenier; mais,
Si barbare qu’il fût, ses baignoires, jamais!
Aussi, je m’écriai: «Quelle idée, ô mon Dieu!»
Mais l’ingénu: «Monsieur, c’est qu’on venait si peu!»
L’amateur des beaux-arts en Belgique
Un ministre qu’on dit le Mecenas flamand,
Me promenait un jour dans son appartement,
Interrogeant mes yeux devant chaque peinture,
Parlant un peu de l’art, beaucoup de la nature,
Vantant le paysage, expliquant le sujet,
Et surtout me marquant le prix de chaque objet.
– Mais voilà qu’arrivé devant un portrait d’Ingres,
(Pédant dont j’aime peu les qualités malingres)
Je fus pris tout à coup d’une sainte fureur
De célébrer David, le grand peintre empereur!
– Lui, se tourne vers son fournisseur ordinaire,
Qui se tenait debout comme un factionnaire,
Ou comme un chambellan qui savoure avec foi
Les sottises tombant des lèvres de son roi,
Et lui dit, avec l’œil d’un marchand de la Beauce:
«Je crois, mon cher, je crois que David est en hausse!»
Une eau salutaire
Joseph Delorme a découvert
Un ruisseau si clair et si vert
Qu’il donne aux malheureux l’envie
D’y terminer leur triste vie.
– Je sais un moyen de guérir
De cette passion malsaine
Ceux qui veulent ainsi périr:
Menez-les au bord de la Senne,
Voyez – dit ce Belge badin
Qui n’est certes pas un ondin -
La contrefaçon de la Seine.
– «Oui – lui dis-je – une Seine obscène!»
Car cette Senne, à proprement
Parler, où de tout mur et de tout fondement
L’indescriptible tombe en foule
Ce n’est guères qu’un excrément
Qui coule.
Les belges et la lune
On n’a jamais connu de race si baroque
Que ces Belges. Devant le joli, le charmant,
Ils roulent de gros yeux et grognent sourdement.
Tout ce qui réjouit nos cœurs mortels les choque.
Dites un mot plaisant, et leur œil devient gris
Et terne comme l’œil d’un poisson qu’on fait frire;
Une histoire touchante; ils éclatent de rire,
Pour faire voir qu’ils ont parfaitement compris.
Comme l’esprit, ils ont en horreur les lumières;
Parfois sous la clarté calme du firmament,
J’en ai vu, qui rongés d’un bizarre tourment,
Dans l’horreur de la fange et du vomissement,
Et gorgés jusqu’aux dents de genièvre et de bières,
Aboyaient à la Lune, assis sur leurs derrières.
Épigraphe pour l’atelier de M. Rops, fabricant de cercueils à Bruxelles
Je rêvais, contemplant ces bières
De palissandre ou d’acajou,
Qu’un habile ébéniste orne de cent manières:
«Quel écrin! et pour quel bijou!
Les morts, ici, sont sans vergogne!
Un jour, des cadavres flamands
Souilleront ces cercueils charmants.
Faire de tels étuis pour de telles charognes!»
La nymphe de la senne
«Je voudrais bien – me dit un ami singulier,
Dont souvent la pensée alterne avec la mienne, -
Voir la Naïade de la Senne;
Elle doit ressembler à quelque charbonnier
Dont la face est toute souillée.»
– «Mon ami, vous êtes bien bon.
Non, non! Ce n’est pas de charbon
Que cette nymphe est barbouillée!»
Opinion de M. Hetzel sur le faro
«Buvez-vous du faro?» – dis-je à monsieur Hetzel;
Je vis un peu d’horreur sur sa mine barbue,
– «Non, jamais! le faro (je dis cela sans fiel!)
C’est de la bière deux fois bue.»
Hetzel parlait ainsi, dans un Café flamand,
Par prudence sans doute, énigmatiquement;
Je compris que c’était une manière fine
De me dire: «Faro, synonyme d’urine!»
«Observez bien que le faro
Se fait avec de l’eau de Senne»
– «Je comprends d’où lui vient sa saveur citoyenne.
Après tout, c’est selon ce qu’on entend par eau!»
Un nom de bon augure
Sur la porte je lus: «Lise Van Swiéten»
(C’était dans un quartier qui n’est pas un Eden)
– Heureux l’époux, heureux l’amant qui la possède,
Cette Ève qui contient en elle son remède!
Cet homme enviable a trouvé,
Ce que nul n’a jamais rêvé,
Depuis le pôle nord jusqu’au pôle antarctique
Une épouse prophylactique!