La Divine Comedie Tome III: Le Paradis
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Oeuvre fondatrice de la po?sie italienne, ?pop?e po?tique et m?taphysique, ce voyage initiatique menant ? la clart? divine, s'ouvre sur la travers?e des neuf cercles de l'Enfer, sondant ? la fois la symbolique chr?tienne et les recoins les plus funestes de l'?me humaine.
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que les autres esprits de cette foule allègre.
Ce que tu crois est vrai, car tous, petits ou grands,
dans la vie où je suis, nous voyons le miroir
où le penser se montre avant qu’on l’ait pensé.
Mais pour mieux contenter la sainte charité
qui fait le seul objet de ma veille éternelle
et qui me donne soif du plus doux des désirs,
dis de ta propre voix sûre et joyeuse et ferme,
dis quel est ton vouloir et quelle est ton envie,
car ma réponse est prête et n’attend plus que toi
Alors je regardai Béatrice; elle sut
mon désir sans discours et fit en souriant
le signe qui donnait des ailes au désir.
Et je dis à l’esprit: «L’amour et l’intellect,
depuis que vous voyez l’égalité première,
ont pour chacun de vous un seul et même poids,
parce que du soleil qui vous brûle et vous baigne
la chaleur et l’éclat sont tellement égaux,
que les comparaisons seraient insuffisantes.
Pourtant, chez les mortels, l’envie et les moyens,
pour les raisons que vous, vous connaissez si bien,
ont l’aile, bien souvent, diversement puissante,
et moi, qui suis mortel, je ressens vivement
cette inégalité: c’est pourquoi je rends grâces
rien qu’avec tout mon cœur à cet accueil paterne.
Pourtant, je t’en supplie, ô vivante topaze
qui garnis de tes feux ce joyau sans pareil,
satisfais mon désir de connaître ton nom!»
«Ô feuille de ma plante, ô toi que j’attendais
avec tant de plaisir, vois en moi ta racine!» [193]
Tel fut le bref début qu’il fit à sa réponse;
et puis il poursuivit: «Celui dont est venu
le nom de tous les tiens, fait depuis plus d’un siècle
sur le premier palier le tour de la montagne.
Il était mon enfant et fut ton bisaïeul;
et ce serait raison, si par tes bonnes œuvres
tu voulais abréger cette longue fatigue [194].
Florence, dans l’enclos de ses vieilles murailles
d’où lui vient tous les jours l’appel de tierce et none,
vivait jadis en paix, plus sobre et plus pudique.
On n’y connaissait pas bracelets ou couronnes
ou ces jupons brodés ou ces belles ceintures
que l’on regarde plus que celle qui les met.
La fille qui naissait n’était pas pour son père
un objet de terreur: l’âge comme la dot
ignoraient les excès en trop peu comme en trop.
On vivait entassés dans des maisons modestes,
puisque Sardanapal [195] n’avait pas enseigné
le parti que l’on peut tirer de simples pièces.
Votre Uccellatojo n’avait pas surpassé
le mont de Marius [196]; mais comme il l’a vaincu
par la splendeur, la chute en sera de plus haut.
Bellincione Berti, de son temps, se ceignait
de cuir et d’os [197]; j’ai vu sa femme revenir
du miroir, sans avoir maquillé son visage.
Et j’ai vu les Nerli comme les Vecchio [198]
se contenter souvent de leur peau toute nue,
leurs femmes du fuseau et de leur quenouillée.
Heureuses femmes! Vous, vous saviez à l’avance
où serait votre tombe; aucune n’est restée
toute seule en son lit, à cause des Français [199].
L’une passait son temps veillant sur le berceau
et, en le balançant, employait le langage
qui fait l’amusement des pères et des mères;
l’autre, de son côté, tout en filant la laine,
racontait aux enfants les histoires anciennes
des Troyens, de Fiesole et de Rome la grande.
On eût été surpris d’y voir des Cianghella,
des Lapo Saltarello [200], plus qu’on serait de voir
aujourd’hui Cornélie ou bien Cincinnatus.
pans ce charmant repos, dans cette belle vie
de tous les citoyens, dans cette république
pleine d’honnêteté, dans ce si doux séjour
m’a fait venir Marie à grands cris invoquée;
le baptistère ancien [201] m’avait vu recevoir,
avec la foi du Christ, le nom de Cacciaguide.
Moronte et Elysée ont été mes deux frères [202];
ma femme descendait de la rive du Pô,
et c’est d’elle que vient le surnom qu’on te donne [203].
Ensuite, j’ai servi sous l’empereur Conrad [204]
et fus reçu par lui dans sa propre milice [205],
tant il avait en gré mes belles actions.
Je marchai sur ses pas contre l’iniquité
de la religion dont les sujets usurpent,
aidés par vos pasteurs, votre droit légitime.
Et c’est là que je fus par cette race immonde
détaché des liens de ton monde trompeur
dont le funeste amour avilit tant d’esprits,
et j’obtins cette paix au prix de mon martyre.» [206]
CHANT XVI
Mesquine ambition de notre pauvre sang,
si tu rends les mortels si glorieux et vains
ici-bas, sur la terre où notre amour languit,
je n’en serai jamais étonné désormais,
puisque là, dans le ciel où mauvaise envie
ne pousse pas, tu pus me rendre vain moi-même!
Mais tu n’es qu’un manteau qui bientôt reste court
et que de jour en jour il nous faut rapiécer,
car les ciseaux du temps le rognent de partout.
Par ce «vous» que dans Rome on a d’abord admis
et que ses habitants conservent moins que d’autres [207],
je repris aussitôt le fil de mon discours;
et comme Béatrice était auprès de moi,
le sourire qu’elle eut me rappelait la toux
qui du premier faux pas avertissait Genièvre [208].
Ainsi je commençai: «Vous êtes bien mon père,
vous rendez à ma voix une entière assurance;
vous me relevez tant que je suis plus que moi;
et par tant de ruisseaux se remplit d’allégresse