Phedre
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Ph?dre [Jean Racine], trag?die en cinq actes et en vers de Jean Racine, cr??e en 1677.
Inspir?e d’Euripide et, dans une moindre mesure, de S?n?que, Ph?dre de Racine est une ?uvre dramatique hors du commun, ? laquelle le po?te a donn? quelques-uns de ses plus beaux vers. Centr?e autour de la figure de l’h?ro?ne, cette trag?die raconte la trouble passion de Ph?dre pour son beau-fils, Hippolyte. Celui-ci, au d?but de la pi?ce, annonce ? son confident Th?ram?ne qu’il part ? la recherche de son p?re, Th?s?e, dont on annonce la mort. La sc?ne de d?claration voil?e de Ph?dre ? Hippolyte, ? l’acte II, suscite l’indignation du jeune homme, qui est ?pris d’Aricie. Devant ce refus, Ph?dre cherche ? se venger. Au retour du roi Th?s?e, sur les conseils insidieux de sa suivante ?none, elle rejette la responsabilit? de sa faute sur Hippolyte. Son p?re, furieux, r?clame et obtient le ch?timent de ce dernier; mais il d?couvre, un peu tard, par Aricie, qu’Hippolyte ?tait ?pris d’elle seule. La pi?ce se cl?t sur le r?cit de Th?ram?ne qui relate la mort sanglante d’Hippolyte, suivie de celle de Ph?dre qui s’empoisonne en r?v?lant, tortur?e de remords, la v?rit?.
Bien des vers de Ph?dre sont rest?s c?l?bres, notamment ceux qui d?peignent l’h?ro?ne maudite, «la fille de Minos et de Pasipha?» (I, 1). Enti?rement sous l’emprise de la fatalit? (rouage essentiel de la trag?die antique mais aussi point de doctrine de la th?orie jans?niste de la pr?destination, ? laquelle adh?rait Racine), la passion d?vastatrice qu’incarne le personnage de Ph?dre est sublim?e par la noblesse parfaite de l’alexandrin racinien – «J’ai voulu, devant vous exposant mes remords / Par un chemin plus lent descendre chez les morts.» (V, 7). Si la pi?ce n’a pas eu ? souffrir de la concurrence de la Ph?dre de Jacques Pradon (1644-1698), compos?e la m?me ann?e pour nuire au po?te, elle a rencontr? l’hostilit? de la Cour, qui la jugeait scandaleuse.
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La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte!
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t'échapper.
Voilà mon coeur. C'est là que ta main doit frapper.
Impatient déjà d'expier son offense,
Au-devant de ton bras je le sens qui s'avance.
Frappe. Ou si tu le crois indigne de tes coups,
Si ta haine m'envie un supplice si doux,
Ou si d'un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras prête-moi ton épée.
Donne.
OENONE
Que faites-vous, Madame? Justes Dieux!
Mais on vient. Evitez des témoins odieux;
Venez, rentrez, fuyez une honte certaine.
SCENE VI – HIPPOLYTE, THERAMENE
THERAMENE
Est-ce Phèdre qui fuit, ou plutôt qu'on entraîne?
Pourquoi, Seigneur, pourquoi ces marques de douleur?
Je vous vois sans épée, interdit, sans couleur?
HIPPOLYTE
Théramène, fuyons. Ma surprise est extrême.
Je ne puis sans horreur me regarder moi-même.
Phèdre… Mais non, grands Dieux! qu'en un profond oubli
Cet horrible secret demeure enseveli.
THERAMENE
Si vous voulez partir, la voile est préparée.
Mais Athènes, Seigneur, s'est déjà déclarée.
Ses chefs ont pris les voix de toutes ses tribus.
Votre frère l'emporte, et Phèdre a le dessus.
HIPPOLYTE
Phèdre?
THERAMENE
Un héraut chargé des volontés d'Athènes
De l'Etat en ses mains vient remettre les rênes.
Son fils est roi, Seigneur.
HIPPOLYTE
Dieux, qui la connaissez,
Est-ce donc sa vertu que vous récompensez?
THERAMENE
Cependant un bruit sourd veut que le Roi respire.
On prétend que Thésée a paru dans l'Epire.
Mais moi qui l'y cherchai, Seigneur, je sais trop bien…
HIPPOLYTE
N'importe, écoutons tout, et ne négligeons rien.
Examinons ce bruit, remontons à sa source.
S'il ne mérite pas d'interrompre ma course,
Partons; et quelque prix qu'il en puisse coûter,
Mettons le sceptre aux mains dignes de le porter.
ACTE III
SCENE I – PHEDRE, OENONE
PHEDRE
Ah! que l'on porte ailleurs les honneurs qu'on m'envoie.
Importune, peux-tu souhaiter qu'on me voie?
De quoi viens-tu flatter mon esprit désolé?
Cache-moi bien plutôt, je n'ai que trop parlé.
Mes fureurs au-dehors ont osé se répandre.
J'ai dit ce que jamais on ne devait entendre.
Ciel! comme il m'écoutait! Par combien de détours
L'insensible a longtemps éludé mes discours!
Comme il ne respirait qu'une retraite prompte!
Et combien sa rougeur a redoublé ma honte!
Pourquoi détournais-tu mon funeste dessein?
Hélas! quand son épée allait chercher mon sein,
A-t-il pâli pour moi? me l'a-t-il arrachée?
Il suffit que ma main l'ait une fois touchée,
Je l'ai rendue horrible à ses yeux inhumains;
Et ce fer malheureux profanerait ses mains.
OENONE
Ainsi dans vos malheurs ne songeant qu'à vous plaindre,
Vous nourrissez un feu qu'il vous faudrait éteindre.
Ne vaudrait-il pas mieux, digne sang de Minos,
Dans de plus nobles soins chercher votre repos,
Contre un ingrat qui plaît recourir à la fuite,
Régner, et de l'Etat embrasser la conduite?
PHEDRE
Moi régner! Moi ranger un Etat sous ma loi,
Quand ma faible raison ne règne plus sur moi!
Lorsque j'ai de mes sens abandonné l'empire!
Quand sous un joug honteux à peine je respire!
Quand je me meurs!
OENONE
Fuyez.
PHEDRE
Je ne le puis quitter.
OENONE
Vous l'osâtes bannir, vous n'osez l'éviter.
PHEDRE
Il n'est plus temps. Il sait mes ardeurs insensées.
De l'austère pudeur les bornes sont passées.
J'ai déclaré ma honte aux yeux de mon vainqueur,
Et l'espoir, malgré moi, s'est glissé dans mon coeur.
Toi-même, rappelant ma force défaillante,
Et mon âme déjà sur mes lèvres errante,
Par tes conseils flatteurs tu m'as su ranimer.
Tu m'as fait entrevoir que je pouvais l'aimer.
OENONE
Hélas! de vos malheurs innocente ou coupable,
De quoi pour vous sauver n'étais-je point capable?
Mais si jamais l'offense irrita vos esprits,
Pouvez-vous d'un superbe oublier les mépris?
Avec quels yeux cruels sa rigueur obstinée
Vous laissait à ses pieds peu s'en faut prosternée!
Que son farouche orgueil le rendait odieux!
Que Phèdre en ce moment n'avait-elle mes yeux!
PHEDRE
OEnone, il peut quitter cet orgueil qui te blesse.
Nourri dans les forêts, il en a la rudesse.
Hippolyte, endurci par de sauvages lois,
Entend parler d'amour pour la première fois.
Peut-être sa surprise a causé son silence,
Et nos plaintes peut-être ont trop de violence.
OENONE
Songez qu'une barbare en son sein l'a formé.
PHEDRE
Quoique Scythe et barbare, elle a pourtant aimé.
OENONE
Il a pour tout le sexe une haine fatale.
PHEDRE
Je ne me verrai point préférer de rivale.
Enfin tous tes conseils ne sont plus de saison.
Sers ma fureur, OEnone, et non point ma raison.
Il oppose à l'amour un coeur inaccessible:
Cherchons, pour l'attaquer, quelque endroit plus sensible.
Les charmes d'un Empire ont paru le toucher;
Athènes l'attirait, il n'a su s'en cacher;
Déjà de ses vaisseaux la pointe était tournée,
Et la voile flottait aux vents abandonnée.
Va trouver de ma part ce jeune ambitieux,
OEnone. Fais briller la couronne à ses yeux.
Qu'il mette sur son front le sacré diadème;
Je ne veux que l'honneur de l'attacher moi-même.
Cédons-lui ce pouvoir que je ne puis garder.
Il instruira mon fils dans l'art de commander.
Peut-être il voudra bien lui tenir lieu de père.
Je mets sous son pouvoir et le fils et la mère.
Pour le fléchir enfin tente tous les moyens:
Tes discours trouveront plus d'accès que les miens.
Presse, pleure, gémis, peins-lui Phèdre mourante,
Ne rougis point de prendre une voix suppliante.
Je t'avoûrai de tout; je n'espère qu'en toi.
Va, j'attends ton retour pour disposer de moi.