Romeo Et Juliette
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Les personnages de Rom?o et Juliette apparaissent pour la premi?re fois dans une nouvelle italienne de Luigi da Porta (1485-1529) qui reprenait un sujet d?j? d?velopp? dans un r?cit du Novellino de Masuccio de Salerne et trait? ensuite par Matteo Bandello dans l'une de ses Nouvelles. Mais c'est la pi?ce de Shakespeare qui fit de Rom?o et Juliette 2 personnages universels.
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Premier Capulet, s'approchant de Tybalt. – Eh bien! qu'as-tu donc, mon neveu? Pourquoi cette tempête?
Tybalt. – Mon oncle, voici un Montague, un de nos ennemis, un misérable qui est venu ici par bravade insulter à notre soirée solennelle.
Premier Capulet. – N'est-ce pas le jeune Roméo?
Tybalt. – C'est lui, ce misérable Roméo!
Premier Capulet. – Du Calme, gentil cousin! laisse-le tranquille; il a les manières du plus courtois gentilhomme; et, à dire vrai, Vérone est fière de lui, comme d'un jouvenceau vertueux et bien élevé. Je ne voudrais pas, pour toutes les richesses de cette ville, qu'ici, dans ma maison, il lui fût fait une avanie. Aie donc patience, ne fais pas attention à lui, c'est ma volonté; si tu la respectes, prends un air gracieux et laisse là cette mine farouche qui sied mal dans une fête.
Tybalt. – Elle sied bien dès qu'on a pour hôte un tel misérable; je ne le tolérerai pas!
Premier Capulet. – Vous le tolérerez! qu'est-ce à dire, monsieur le freluquet! J'entends que vous le tolériez… Allons donc! Qui est le maître ici, vous ou moi? Allons donc! Vous ne le tolérerez pas! Dieu me pardonne! Vous voulez soulever une émeute au milieu de mes hôtes! Vous voulez mettre le vin en perce! Vous voulez faire l'homme!
Tybalt. – Mais, mon oncle, c'est une honte.
Premier Capulet. – Allons, allons, vous êtes un insolent garçon. En vérité, cette incartade pourrait vous coûter cher: Je sais ce que je dis… Il faut que vous me contrariiez!… Morbleu! c'est le moment!… (Aux danseurs.) À merveille, mes chers cœurs!… (À Tybalt.) Vous êtes un faquin… Restez tranquille, sinon… (Aux valets.) Des lumières! encore des lumières! par décence! (À Tybalt.) Je vous ferai rester tranquille, allez! (Aux danseurs.) De l'entrain, mes petits cœurs!
Tybalt. – La patience qu'on m'impose lutte en moi avec une colère obstinée, et leur choc fait trembler tous mes membres… Je vais me retirer; mais cette fureur rentrée, qu'en ce moment on croit adoucie, se convertira en fiel amer (Il sort.)
Roméo, prenant la main de Juliette. – Si j'ai profané avec mon indigne main cette châsse sacrée, je suis prêt à une douce pénitence: permettez à mes lèvres, comme à deux pèlerins rougissants, d'effacer ce grossier attouchement par un tendre baiser.
Juliette. – Bon pèlerin, vous êtes trop sévère pour votre main qui n'a fait preuve en ceci que d'une respectueuse dévotion. Les saintes mêmes ont des mains que peuvent toucher les mains des pèlerins; et cette étreinte est un pieux baiser
Roméo. – Les saintes n'ont-elles pas des lèvres, et les pèlerins aussi?
Juliette. – Oui, pèlerin, des lèvres vouées à la prière.
Roméo. – Oh! alors, chère sainte, que les lèvres fassent ce que font les mains. Elles te prient; exauce-les, de peur que leur foi ne se change en désespoir.
Juliette. – Les saintes restent immobiles, tout en exauçant les prières.
Roméo. – Restez donc immobile, tandis que je recueillerai l'effet de ma prière. (Il l'embrasse sur la bouche.) Vos lèvres ont effacé le péché des miennes.
Juliette. – Mes lèvres ont gardé pour elles le péché qu'elles ont pris des vôtres.
Roméo. – Vous avez pris le péché de mes lèvres? ô reproche charmant! Alors rendez-moi mon péché. (Il l'embrasse encore.)
Juliette. – Vous avez l'art des baisers.
La Nourrice, à Juliette. – Madame, votre mère voudrait vous dire un mot. (Juliette se dirige vers lady Capulet.)
Roméo, à la nourrice. – Qui donc est sa mère?
La Nourrice. – Eh bien, bachelier sa mère est la maîtresse de la maison, une bonne dame, et sage et vertueuse; j'ai nourri sa fille, celle avec qui vous causiez; je vais vous dire: celui qui parviendra à mettre la main sur elle pourra faire sonner les écus.
Roméo. – C'est une Capulet! ô trop chère créance! Ma vie est due à mon ennemie!
Benvolio, à Roméo. – Allons, partons; la fête est à sa fin.
Roméo, à part. – Hélas! oui, et mon trouble est à son comble.
Premier Capulet, aux invités qui se retirent. – Ça, messieurs, n'allez pas nous quitter encore: nous avons un méchant petit souper qui se prépare… Vous êtes donc décidés?… Eh bien, alors je vous remercie tous… Je vous remercie, honnêtes gentilshommes. Bonne nuit. Des torches par ici!… Allons, mettons-nous au lit! (À son cousin Capulet.) Ah! ma foi, mon cher, il se fait tard: je vais me reposer (Tous sortent, excepté Juliette et la nourrice.)
Juliette. – Viens ici, nourrice! quel est ce gentilhomme, là-bas?
La Nourrice. – C'est le fils et l'héritier du vieux Tibério.
Juliette. – Quel est celui qui sort à présent?
La Nourrice. – Ma foi, je crois que c'est le jeune Pétruchio.
Juliette, montrant Roméo. – Quel est cet autre qui suit et qui n'a pas voulu danser?
La Nourrice. – Je ne sais pas.
Juliette. – Va demander son nom. (La nourrice s'éloigne un moment.) S'il est marié, mon cercueil pourrait bien être mon lit nuptial.
La Nourrice, revenant. – Son nom est Roméo; c'est un Montague, le fils unique de votre grand ennemi.
Juliette. – Mon unique amour émane de mon unique haine! Je l'ai vu trop tôt sans le connaître et je l'ai connu trop tard. Il m'est né un prodigieux amour, puisque je dois aimer un ennemi exécré!
La Nourrice. – Que dites-vous? que dites-vous?
Juliette. – Une strophe que dent de m'apprendre un de mes danseurs. (voix au-dehors appelant Juliette.)
La Nourrice. – Tout à l'heure! tout à l'heure!… Allons nous-en; tous les étrangers sont partis.