Belle Catherine
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— Messire... des hommes approchent à la faveur de la nuit. J'entends des pas aux alentours, des pas que l'on essaie d'étouffer !
— Nombreux ?
— Je ne saurais évaluer, Messire... mais certainement plus de vingt hommes.
Instinctivement, Catherine s'agrippa à la main de son mari. De l'autre elle serra l'enfant contre elle, reprise par la peur.
Il sentit son angoisse car il serra doucement les doigts tremblants et sa voix mordante ne trahit aucun trouble.
— Eh bien mais... qu'ils approchent. Escornebœuf !... Tu vas te poster à l'entrée avec tes hommes ! Toi aussi, Gauthier
! Personne, je pense, ne passera. Quant à moi, je suffirai à venir à bout de Monsieur que voilà dont la vie ne vaudra plus un maravédis... C'est bien ainsi que l'on dit en Castille ? ajouta-t-il avec un sourire menaçant à l'égard de son prisonnier...
si ses hommes se montrent trop menaçants !
Villa-Andrado haussa les épaules d'un air excédé.
— Ils n'approcheront pas ! Chapelle, mon lieutenant, est loin d'être stupide. Il sait la manière de débusquer un sanglier de sa bauge... Quant à me tuer froidement, comme tu m'en fais menace, je n'en crois rien. Tu n'as jamais égorgé un homme désarmé, Montsalvy, je te connais... et Chapelle aussi ! Le plus mauvais caractère de toute l'armée française, mais la plus parfaite expression de la chevalerie.
Le ton railleur de l'Espagnol ôtait beaucoup de poids à ce compliment qu'Arnaud, d'ailleurs, dédaigna.
— J'ai peut-être changé... d'autant plus que j'ai femme et enfant !
Non... Les hommes comme toi ne changent pas ! Madame, ajouta-t-il à l'adresse de Catherine, dont les yeux inquiets allaient de l'un à l'autre des deux adversaires, dites à votre époux qu'il va commettre une sottise. Depuis que je sais votre présence, je ne suis plus votre ennemi ! Je connais, moi aussi, les règles de la chevalerie et ce qu'un noble Castillan doit à une dame de votre rang... et de votre beauté !
— Messire, répondit Catherine d'une voix tremblante, ce que fait mon époux est, pour moi, bien et sagement fait. C'est à lui qu'il appartient de décider et s'il choisit de mourir ici, je mourrai sans regrets avec lui.
— N'avez-vous mis un fils au monde que pour l'en retirer si tôt ?
La jeune femme n'eut pas le loisir de répondre. Sara s'était dressée avec un cri de terreur, écho du hurlement de douleur de l'un des Gascons. A l'entrée de la grotte, une grêle de flèches s'abattit. L'une d'elles était entrée dans la poitrine du soldat. Mais ces flèches avaient ceci de particulier qu'elles portaient toutes, en guise d'empennage, un paquet d'étoupe enflammé. Bien que Gauthier et Escornebœuf se fussent précipités pour les éteindre, elles étaient si nombreuses qu'en un instant la grotte s'illumina jusqu'aux arêtes vives de sa voûte et s'emplit d'une épaisse fumée. Catherine serra convulsivement son fils contre son cœur.
— Ils veulent nous enfumer, ou même nous brûler vifs ! gronda Gauthier.
Mais Arnaud avait bondi, si rapide que Villa- Andrado n'eut pas le loisir de parer l'attaque. L'Espagnol se retrouva, les deux bras paralysés par la poigne de fer du chevalier tandis que, sur sa gorge, se faisait sentir le désagréable contact d'une lame nue.
— Crie-leur d'arrêter ! gronda Montsalvy, ou, foi d'Auvergnat, je te saigne comme un poulet, chevalerie ou non ! On ne prend pas tant de précautions avec les bêtes puantes.
Malgré le danger, Villa-Andrado parvint à sourire.
— Je veux bien... mais cela ne servira à rien, je le crains. Tant que je ne l'aurai pas rejoint, Chapelle continuera son attaque. Après tout... il estime depuis longtemps qu'il saurait, aussi bien que moi-même, mener mes hommes. Ma mort lui donnerait de l'avancement.
La dague s'approcha encore, mordit légèrement la peau où parut un filet de sang. Catherine, les yeux piqués par la fumée, se mit à tousser, portant à son comble l'exaspération d'Arnaud.
— Fais quelque chose, alors, ou tu es mort !
— Je ne crains pas la mort si elle présente une quelconque utilité, mais j'ai horreur des choses vaines ! Allons dehors, toi et moi. En me voyant, Chapelle cessera son tir de peur de m'atteindre. Il accepterait, sans doute, que tu me tues, mais ne prendrait pas le risque de le faire lui-même.
Sans répondre et sans déplacer sa dague, Montsalvy poussa l'Espagnol au-dehors. Catherine tendit une main pour le retenir, mais ils étaient déjà à la sortie, éclairés par les flammes des dernières torches volantes. Les flèches cessèrent de tomber.
— Porte-moi dehors, cria Catherine à Gauthier, je veux rester avec mon époux !
La jeune femme étouffait. Elle était à deux doigts de s'évanouir, mais le Normand hésitait. Les deux hommes étaient hors de vue. Elle entendit cependant la voix de l'Espagnol qui criait :
— Arrête, Chapelle ! C'est un ordre ! Cesse de tirer !
Puis une autre voix, grossière et éraillée par trop d'ordres hurlés au cours d'une vie entière.
— Pas plus d'un quart d'heure, Messire ! Ensuite, j'attaquerai de nouveau, dussiez-vous y laisser la vie ! Je sais qu'il y a des femmes. Dites à ces gens que, s'ils ne vous lâchent pas, je ne leur ferai ni grâce ni quartier. Les hommes seront écorchés vifs, les femmes éventrées après avoir distrait les soldats. Et puis... je dirai un De Profundispour votre âme.
Une quinte de toux si violente secoua Catherine que Gauthier n'hésita plus. Il confia l'enfant à Sara, puis, enlevant la jeune femme dans ses bras avec les manteaux, les couvertures et même une bonne partie de la paille, il la transporta à l'air libre, hors de la grotte. Elle aspira avidement l'air froid de la nuit. Le Normand la déposa sur une roche plate où Sara vint la rejoindre avec le bébé. D'où elle était, elle pouvait entrevoir le torrent écumant et, entre les arbres, des silhouettes imprécises qui jetaient parfois un éclair d'acier. La lune se levait derrière les croupes montagneuses, précisant de plus en plus le paysage. Elle vit aussi Arnaud, maîtrisant toujours l'Espagnol, debout tous deux à quelques pas. La voix pressante de Villa- Andrado lui parvint :
— Me tuer serait pour toi une faible satisfaction, Montsalvy, et un mince réconfort au moment où mes hommes violeront ta femme sous tes yeux. Ce sont des Navarrais et des Basques, des montagnards à demi sauvages qui n'aiment que le sang et ignorent la pitié. Tu es dans une impasse dont, seul, je peux te tirer.
— Comment ?
La voix d'Arnaud était toujours aussi inflexible et, d'où elle était, Catherine pouvait maintenant voir clairement son profil net, découpé par le rayon de lune. Le groupe étrange qu'il formait avec VillaAndrado se détachait sur le fond plus sombre des bois en pente et, brusquement, elle eut peur, pour elle et pour l'enfant, de l'orgueil d'Arnaud. Il ne céderait pas
! même au prix de leurs vies.
— Rends-moi la liberté ! Bientôt il sera trop tard. Ils flairent le sang et rien ne les arrêtera, pas même moi, si Chapelle les lance.
Comme pour lui donner raison, la voix rugueuse du lieutenant leur parvint et l'angoisse mordit Catherine si violemment qu'elle faillit crier.
— Le temps passe, Messire ! Il n'en reste plus beaucoup ! dit Chapelle.
L'Espagnol reprit, plus pressant :
— Je te l'ai dit, à cause de ta femme, de ton fils, je renonce à faire acte d'ennemi. J'en donne ma parole de Castillan et de chevalier. Je me souviendrai seulement que nous avons, jadis, combattu côte à côte...
La dague quitta enfin le cou de Villa-Andrado, mais ne s'abaissa que faiblement.
— Tu le jures sur la croix ?
— Je le jure sur la croix et sur le nom sacré de Notre-Seigneur qui est mort pour tous les hommes !
Alors seulement le bras de Montsalvy retomba. Sa main gauche libéra les poignets qu'il avait tenus serrés tout ce temps. Un grand soupir allégea la poitrine oppressée de Catherine.
— C'est bien. Tu es libre, mais puisses-tu brûler une éternité en enfer si tu m'as trompé, dit Arnaud.