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Belle Catherine

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Belle Catherine
Название: Belle Catherine
Дата добавления: 15 январь 2020
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Belle Catherine читать книгу онлайн

Belle Catherine - читать бесплатно онлайн , автор Бенцони Жюльетта

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L'étonnement de Catherine qui n'avait jamais rien vu de semblable fit sourire Jacques Cœur. Il caressa de la main la nef rouge et doré qui naviguait sur les quelques vagues bleues du portulan.

— Je songe à voyager, dit-il. Les fourrures et même les tissus de mon associé Pierre Godart ne me suffisent plus. Mais parlons de vous. Tenez, asseyez- vous là, sur ces coussins, et dites-moi par quel miracle vous êtes ici, d'où venez-vous...

et pourquoi vous êtes si pâle ! Depuis tant de mois je vous croyais morte, dame Catherine !

Ses mains, doucement, rejetaient en arrière le capuchon grossier, dégageant la tête de la jeune femme qui apparut dans la pleine lumière des bougies avec ses nattes serrées et ses yeux las.

— N'avez-vous donc point lu les édits du Roi... ou entendu corner aux carrefours que je suis une criminelle recherchée et que...

— Si, coupa Jacques, je sais tout cela, mais je n'arrivais pas à comprendre ce qui avait pu se passer. On vous accuse d'avoir entraîné à votre suite le capitaine de Montsalvy et de l'avoir fait passer à l'ennemi. Mais, par ailleurs, des bruits couraient sous le manteau que vous étiez morte, à Rouen... en même temps que Jehanne la Pucelle dont Dieu ait l'âme de lumière.

Le rire nerveux de Catherine donna la pleine mesure de ce qu'elle avait enduré. Elle n'en pouvait plus d'avoir peur, de trembler au moindre hoqueton, au moindre casque entrevu. Le chemin défoncé, le trot incessant du cheval l'avaient brisée et il n'était plus une fibre de son corps qui ne lui fît mal.

— Vous ne dites donc pas comme les autres, maître Jacques ? Vous ne dites donc pas que c'était une sorcière et qu'on a bien fait de la brûler ?

— Il faut avoir l'esprit bien troublé ou l'âme bien basse pour oser dire pareille chose ! Il faut... et le pelletier baissa la voix jusqu'au murmure, il faut être messire de La Trémoille ou bien messire Regnault de Chartres, l'archevêque de Reims, et le malheur veut qu'ils soient, l'un et l'autre, les maîtres de l'esprit comme de la conscience du Roi. C'est La Trémoille qui règne pour la plus grande infortune de la France, non Charles VII. Mais que voulez-vous exactement de moi, dame Catherine ?

Elle leva vers lui un regard humide dont l'expression de douleur alla éveiller au fond du cœur de Jacques des fibres qui, depuis longtemps, n'avaient pas vibré. La souffrance avait affiné encore le visage de Catherine, l'avait modelé d'ombres touchantes et lui avait donné une expression d'animal aux abois devant laquelle n'importe quel homme de cœur ne pouvait que souhaiter offrir sa protection.

— Voulez-vous nous cacher, moi et mes deux serviteurs ? Je suis traquée, recherchée, dépouillée en grande partie... et j'attends un enfant. Pouvez-vous m'aider aussi à trouver l'un des capitaines du Roi, La Hire ou Xaintrailles... à moins qu'ils ne soient, eux aussi, retenus en prison.

— Pourquoi donc y seraient-ils, sinon de l'Anglais ?

— Arnaud de Montsalvy y est bien, lui !

— Arnaud de Montsalvy est passé aux Anglais, rétorqua Cœur sèchement.

— C'est un mensonge infâme ! s'écria Catherine en frappant le sol du pied. Arnaud a tout tenté pour sauver Jehanne, comme je l'ai fait moi-même. Nous sommes entrés dans Rouen, oui, et nous y avons vécu... mais nous en sommes sortis cousus dans un sac et par le moyen de la Seine. Si c'est là ce que vous appelez passer aux Anglais !

Dans son indignation et sa peine, elle s'était mise à trembler de tout son corps. Le marchand saisit les deux mains glacées dans les siennes qui étaient chaudes et compréhensives.

— Calmez-vous, mon amie, je vous en conjure, calmez-vous ! Il y a mille choses qu'il vous faut m'expliquer. D'abord, je vais vous faire donner une boisson chaude. Vous êtes transie. Macée, ma femme, est à vêpres. Quand elle reviendra, elle vous installera car, bien entendu, nous vous gardons. Vous avez bien fait de venir ici et je suis heureux que vous ayez songé à nous. Attendez-moi un moment.

Il disparut et Catherine demeura seule de nouveau. Elle appuya sa tête lasse au dossier de son siège. Quelque chose se détendait en elle, s'apaisait. Enfin elle avait touché au port. C'en était fini pour un temps des chemins grands ou petits, du froid, de la peur, de la pluie et du vent, des nuits sans fin au bout desquelles il fallait voyager sans trop savoir si un abri surgirait du jour levant. Sa gorge se contracta en songeant à Arnaud, au fond de sa geôle, mais elle savait son courage indomptable, son orgueil. Et puis, elle mettait maintenant une confiance illimitée dans cet homme qui, si simplement, l'avait accueillie, lui offrait un refuge.

Maître Jacques Cœur revint au bout d'un moment portant précautionneusement un bol fumant qu'il tendit à la jeune femme. Catherine referma avec bonheur ses doigts frileux autour de la faïence chaude. Une odeur à la fois poivrée et réconfortante montait du récipient.

— Du vin avec de la cannelle, dit le pelletier. Buvez bien chaud. Ensuite vous me raconterez... Rassurez-vous pour vos serviteurs, ils sont à la cuisine où ma vieille Mahaut s'occupe d'eux.

Catherine trempa ses lèvres dans le breuvage brûlant et, tout de suite, se sentit mieux. Une jambe posée sur le coin de la table, Jacques Cœur la regardait avec attention, le menton dans la main. Quand elle eut fini, elle reposa l'écuelle. Un peu de rose était monté à ses joues et elle esquissa un sourire.

— Je vais tout vous dire maintenant. C'est un peu long, mais je me sens bien mieux.

Elle noua ses mains autour de ses genoux et commença son récit. Elle parlait d'une voix calme dont le ton un peu bas était étrangement émouvant. Cœur l'écoutait, immobile. Sa silhouette un peu penchée se découpait vigoureusement sur le rayonnement doux des chandelles, sans plus bouger qu'une statue de bois, mais le regard attentif ne quittait pas le visage de la narratrice.

Catherine achevait son histoire quand un bruit de voix retentit en bas, aussitôt suivi d'une sorte de roulement de tonnerre. Quelqu'un montait l'escalier quatre à quatre. Le pelletier se leva et se tourna vers la porte, souriant à Catherine qui, déjà, mettait la main à son capuchon.

— N'ayez pas peur ! Je crois que cette visite, que j'ai demandée tout à l'heure, est pour vous.

Dans l'encadrement sombre de la porte, une haute forme masculine apparaissait : larges épaules sous un manteau de cheval noir négligemment rejeté en arrière pour montrer un court pourpoint de daim et des chausses collantes de même couleur et, dessus, un visage à la fois dur et joyeux, de vifs yeux bruns et le flamboiement d'une courte tignasse indisciplinée d'un roux agressif. Avec un cri de joie, Catherine bondit sur ses pieds et courut vers l'arrivant. C'était Xaintrailles ! Xaintrailles aux cheveux rouges ! L'ancien et fidèle compagnon de Jehanne, le meilleur ami d'Arnaud !

En la reconnaissant, il avait poussé un véritable rugissement. Puis, l'enlevant de terre sans trop de douceur, il l'avait embrassée à plusieurs reprises avant de la reposer à terre, mais sans la lâcher. La tenant devant lui au bout de ses longs bras, il avait crié :

— Par les tripes du Pape ! D'où sortez-vous, Catherine ? Vous avez autant d'apparence qu'un chat mouillé, mais, bon Dieu ! ça fait du bien de vous revoir. Qu'avez-vous fait de Montsalvy ?

— Arnaud ?... Est-ce que vous ne savez pas ?

Les mains du capitaine se crispèrent sur les épaules

de la jeune femme et son visage se convulsa sous la poussée d'une énorme colère.

— Savoir quoi ? Ce que ces édits imbéciles colportent par le royaume ? Que Montsalvy est passé à l'Anglais ? Lui ?

L'honneur et la loyauté faits homme ? Un héros d'Azincourt ? Un des hommes de Jehanne ? Mon ami ?...

C'était, visiblement, ce titre-là qui, selon Xaintrailles, conférait le plus de renom à Montsalvy. Mais Catherine n'avait pas envie de sourire. Elle détourna la tête.

— D'autres le croient. Messire de Rais...

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