La Perle de lEmpereur
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— C’est difficile de l’être quand on est russe et de nos jours. Elle au moins a de quoi vivre, il me semble ?
— On dirait mais ce qu’elle voudrait retrouver, ce sont ses bijoux qui lui ont été volés…
— Vraiment ? Eh bien, le gars qui a fait le coup n’a pas perdu sa journée ! Le vieux Sergueï la couvrait littéralement de diamants, de saphirs, d’émeraudes et de perles. Jamais de rubis : il disait que leur couleur ne s’accordait pas avec ses yeux. Je crois bien qu’elle avait plus de bijoux que la tsarine.
— Jamais de rubis ? Vous en êtes sûr ?
Karloff haussa les épaules :
— Je vous dis ce qu’on m’a dit. Tenez, voilà votre rue Greuze.
— Arrêtez-moi au numéro 7.
— Je vous attends ?
— Très volontiers ! Je n’en aurai pas pour longtemps. Au fait, ajouta-t-il avec un sourire, c’est là qu’habite la comtesse.
L’ancien colonel de cosaques se retourna pour considérer son passager :
— Là ? Il n’y a pas longtemps alors ? Dans le milieu des taxis on sait tout et j’ai entendu dire qu’elle habitait une des plus belles maisons du quai d’Orsay.
— Elle a dû déménager. À tout à l’heure ! On ira prendre quelque chose pour se réchauffer avant que vous ne me rameniez…
Il eut quelque peine à se faire ouvrir. Le concierge devait avoir le sommeil dur ! Enfin le système d’ouverture daigna se déclencher et il put pénétrer dans la maison en criant le nom de la comtesse comme il était d’usage dans les immeubles parisiens… Mais se faire ouvrir la porte de l’appartement fut une autre histoire. Une voix rude bien que féminine répondit assez vite à son coup de sonnette mais Aldo dut parlementer tant bien que mal jusqu’à ce que la voix de Mme Abrasimoff se fît entendre derrière le vantail :
— Que voulez-vous ? demanda-t-elle sur un ton où vibrait la colère.
— Savoir comment vous allez. Vous avez disparu si brusquement !
— Je vais bien, merci. Et ne me dites pas que vous vous souciez de ma santé. Vous avez mis du temps à vous en inquiéter…
— Quand une femme désire s’écarter, il peut être indiscret de lui courir après.
— C’est pourtant ce que vous faites… à retardement. Alors allez-vous-en et laissez-moi dormir.
Une sorte de sourd grondement se faisait entendre, signe certain que l’aimable Tamar n’était pas loin et prête à jouer les chiens de garde.
— Je voudrais vous parler. Est-ce si difficile ?
— Très. Qu’avez-vous à me dire ?
— Rien à travers la porte… mais je suis peu disposé à en bouger.
Il y eut un petit conciliabule entre les deux femmes et, finalement, le bruit d’une chaîne qu’on retirait se fit entendre : la porte s’ouvrit.
— Entrez ! grogna la fille de Gengis Khan.
L’entrée était obscure mais la fine silhouette de Tania se découpait sur le seuil éclairé du salon. Elle était encore tout habillée et ne sortait certainement pas de son lit. Aldo la suivit.
Elle alla se pelotonner près de la cheminée, où le feu était allumé, sur un amoncellement de coussins jetés au pied d’un des absurdes fauteuils Louis XVI. Un verre embué contenant un liquide transparent qui ne devait pas être de l’eau était posé à côté. Elle s’en empara aussitôt et le vida d’un trait :
— C’est une mauvaise habitude de boire seule ! remarqua doucement Morosini. Cela donne en général de tristes résultats.
— Vous en voulez ?
Se retournant sur son lit de coussins, elle pécha derrière elle une bouteille de vodka, ordonna à son visiteur d’aller se chercher un verre dans un cabaret posé sur une table et le remplit avant d’en faire autant pour le sien :
— Cul sec ! intima-t-elle en joignant le geste à la parole avant de jeter le verre et de se laisser aller dans ses coussins avec un étirement plein de lassitude et de grâce.
— Alors ? Qu’avez-vous à me dire ?
Aldo ne répondit pas immédiatement. Il la regardait en pensant que c’était une bonne chose d’être marié – et marié à Lisa ! – parce que cette femme était diablement séduisante avec ses grands yeux pâles embrumés par l’alcool et cet allongement de son corps qui en accusait le galbe et laissait voir à la limite de la peau, une jambe ravissante dans un bas de fine soie noire.
— Eh bien, soupira-t-elle. Vous ne dites rien ?
Elle le tentait délibérément et en d’autres temps il eût peut-être cédé. Faire l’amour est une excellente façon d’oublier un moment ses soucis mais quelque chose lui disait qu’avec cette femme ceux-ci pourraient s’en trouver aggravés. Et puis le respectable père d’Antonio et d’Amelia ne se roulait pas par terre – même avec des coussins ! – en compagnie d’une belle inconnue douteuse !
— Je me posais une question, répondit-il enfin, mais le mieux est que je vous la pose à vous : pourquoi avez-vous tellement peur du marquis d’Agalar ?
L’effet fut magique : aussitôt la sirène retrouva la terre ferme et tous ses dangers. Elle pâlit et ses doigts minces s’entrelacèrent, se serrèrent, bien qu’elle essayât de donner le change :
— Pourquoi pensez-vous que j’en ai peur ? Et d’où le connaissez-vous ?
— Je ne le connais pas, fit paisiblement Aldo, mais vous allez y remédier. Quant à en avoir peur : dites-moi donc pourquoi vous avez simulé une quinte de toux dès l’instant où il a pénétré dans le restaurant.
— C’était une vraie quinte de toux !
— Opportune, alors ? Elle s’est arrêtée pile quand vous êtes sortie. Vous avez confié votre serviette à la dame-pipi et vous avez réclamé un taxi que vous êtes allée attendre dans la rue. Vrai ou faux ?
— Vrai…
Elle admettait en ne disant rien de plus. Assise à présent dans ses coussins elle jouait nerveusement avec l’un de ses bracelets. Aldo s’assit près d’elle mais sur le tapis et en tailleur. Il prit, dans son étui d’or, une cigarette qu’il alluma et plaça d’autorité entre les lèvres de la jeune femme avant de se servir.
— Si vous me disiez la vérité, Tania ? Il me semble que cela vous ferait du bien. Qui est ce type d’abord ?
Elle tira quelques bouffées avec une sorte d’avidité puis soupira :
— Mon amant jusqu’à ces temps derniers. Et aussi mon ami. Du moins je le croyais…
— Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
Elle raconta alors sa rencontre avec José d’Agalar à l’une des grandes soirées de Paris organisées au bénéfice du Comité de secours aux réfugiés russes. Un ami commun les avait présentés et, pendant des semaines, ils ne s’étaient plus quittés. Agalar se disait passionnément amoureux et il avait faite sienne la quête de son amie à la recherche des bijoux envolés.
— J’étais tellement heureuse ! exhala la jeune femme. Il m’en a retrouvé deux. Pas les plus importants, bien sûr, mais c’était déjà un début. Et il a réussi à les avoir pour un prix vraiment doux…
— Parce qu’il vous les a fait payer ?
— Quoi qu’on en dise, il n’a guère de fortune. C’est sa famille qui est très riche. Quant à moi, il était normal que je dédommage un peu les innocents possesseurs de ces bijoux volés. Et puis je l’aimais à un point que vous n’imaginez pas. Je songeais même à l’épouser quand il m’a fait comprendre qu’il n’y tenait pas, préférant rester célibataire pour ne pas offenser les siens qui lui tenaient en réserve une fiancée quasi princière…
— Première blessure ? fit Aldo.
— Bien entendu. Je suis, moi aussi, de noble maison et je ne voyais pas pourquoi le duc, son père, ne m’accepterait pas. Je l’ai dit et pendant un temps il s’est écarté de moi : il boudait. Mais je le répète, j’étais folle de lui. Et puis, un jour, il a levé pour moi un coin du voile quand il m’a demandé de l’aider, personnellement, dans le recouvrement de mes trésors… et de quelques autres. Il m’indiquerait les maisons intéressantes et je devrais m’y faire recevoir – ce qui évidemment m’est très facile ! –, y nouer des liens d’amitié, ce qui me permettrait de lui communiquer tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin sans que jamais il apparaisse lui-même…