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Belle Catherine

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Belle Catherine
Название: Belle Catherine
Дата добавления: 15 январь 2020
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Belle Catherine читать книгу онлайн

Belle Catherine - читать бесплатно онлайн , автор Бенцони Жюльетта

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— Bonjour, ma chère ! lança-t-elle aimablement. Heureuse de vous voir arrivée !

Après quoi elle reprit de plus belle le récit de sa chasse qui s'était soldée par deux hérons et six lièvres. Elle conclut enfin :

— Tout ceci pour vous dire qu'après une pareille journée je meurs de faim. Passons à table !

— Un moment ! coupa sèchement Catherine. Avant de passer à table, je désire savoir à quelle table je vais m'asseoir; celle de mes hôtes ou celle de mes geôliers ?

L'intrépide chasseresse qui n'était autre qu'Anne de Sillé, la grand-mère de Catherine de Rais que le vieux Craon avait épousée un an après le mariage de Gilles, considéra la jeune femme avec une véritable stupeur teintée d'une vague admiration.

— Par le ventre de ma mère ! commença-t-elle.

Mais le vieux Craon avait froncé les sourcils tandis

que sa lèvre inférieure s'allongeait en une lippe de mauvais augure.

— Des geôliers ? fit-il. Où diable avez-vous pris cela ?

Le ton était sec et la mine peu rassurante, mais Catherine était trop en colère pour se laisser intimider. Froidement, elle considéra le vieux seigneur.

— J'ai pris cela dans le simple fait qu'une heure à peine après mon arrivée j'ai vu arrêter sous mes yeux mon écuyer, au mépris de toutes les lois de l'hospitalité.

— Cet homme a frappé un sergent de la garnison. C'est, il me semble, un geste suffisamment discourtois pour mériter une sanction.

Je l'eusse prise moi-même si son geste n'eût été motivé par de bien étranges paroles. On l'a empêché de s'occuper de nos montures sous prétexte qu'elles étaient désormais votre propriété et que, d'ailleurs, je ne risquais pas d'en avoir besoin, étant ici pour beaucoup plus longtemps que je ne l'imaginais. N'importe quel serviteur un peu dévoué se fût rebellé devant pareille prétention, Messire, et, si vous voulez mon sentiment, votre sergent n'a eu que ce qu'il méritait...

Jean de Craon haussa les épaules.

— Les hommes d'armes ne sont pas toujours très intelligents, fit-il maussade. Il ne faut pas attacher d'importance à ce qu'ils disent.

— Dans ce cas, il y a pour vous un moyen bien simple, Messire, de me prouver votre bonne volonté. Faites relâcher mon écuyer, faites préparer mes mules ; je vous ferai ensuite toutes les excuses que vous voudrez... et je partirai dès ce soir avec mes serviteurs.

— Non !

Le mot claqua dans le silence tendu qui avait suivi les derniers mots de Catherine. La jeune femme était consciente des respirations retenues des deux femmes, de leurs yeux inquiets allant d'elle-même au vieux sire. Sa gorge se contracta sous le choc. Elle avala péniblement sa salive mais ne broncha pas. Elle parvint même à sourire dédaigneusement.

— Comment dites-vous cela, Messire ? Vous avez, en vérité, une bien curieuse façon de concevoir l'hospitalité ! C'est donc que je suis prisonnière ?

Claudiquant légèrement, Jean de Craon s'avança vers la jeune femme, demeurée toute droite, dans sa robe noire, au seuil de la porte. Quand il parla, sa voix s'était adoucie considérablement.

Comprenez-moi bien, dame Catherine, puisque aussi bien il faut parler net et mettre les choses au point. Ce château appartient à mon petit-fils. Il en est le maître et pour tous ceux qui vivent entre ses murs... même pour moi, c'est sa volonté, et sa volonté seule, qui fait ici la loi. J'ai reçu, vous concernant, des ordres précis : sous aucun prétexte, vous ne devez quitter Champtocé avant son retour. Non, ne me demandez pas pourquoi, je l'ignore ! Tout ce que je sais, c'est que Gilles compte vous trouver ici lorsqu'il reviendra de la guerre et je ne le décevrai pas. Au surplus, rassurez-vous, votre attente, sans doute, sera courte. Les combats qui se déroulent actuellement au nord de Paris sont trop violents pour qu'une trêve n'intervienne pas avant l'hiver. L'Anglais, plus que nous-mêmes encore, a besoin de souffler. Gilles reviendra bientôt. Et... ne doit-il pas ramener quelqu'un de particulièrement cher à votre cœur ?

Une soudaine bouffée de chaleur monta au visage de Catherine. Sa colère devant l'injuste emprisonnement de Gauthier lui avait, un court instant, fait oublier Arnaud et elle s'en voulait comme d'une profanation. Mais la pensée de l'homme qu'elle aimait la détendit un peu. Il était bien vrai qu'Arnaud devait venir ici tout droit et son cœur s'affolait de joie à la seule idée de le revoir, d'entendre sa voix. Si elle partait, ce revoir serait éloigné du temps qu'il faudrait au jeune homme pour la rejoindre.

Sans qu'elle s'en doutât, Jean de Craon suivait sur son visage le cheminement de la pensée. Quand elle releva les yeux vers lui, il offrit son poing fermé avec une galanterie surannée.

— Vous voyez bien qu'il vous faut être raisonnable. Venez-vous à table ?

Mais elle ne posa pas sa main sur celle qu'on lui offrait.

— C'est bien, dit-elle enfin avec peine. Je resterai. Mais, au moins, faites-moi rendre Gauthier...

Pour être atténué, le refus de Craon n'en fut pas moins catégorique.

— Je ne puis, dame Catherine ! Les lois de ce château sont sévères et formelles. Quiconque frappe un homme de sa garde doit passer en jugement... en jugement équitable, rassurez-vous ! Quand Gilles est ici, il tient chaque semaine son banc seigneurial et lui seul peut juger d'un fait qui concerne ses hommes d'armes.

Tout ce que je peux vous promettre, c'est que ce Gauthier ne sera pas maltraité, qu'il sera nourri convenablement et détenu en prison honnête. Pour lui aussi, l'attente sera brève.

Il n'y avait rien à ajouter à cela. Catherine le comprit. Elle était momentanément vaincue et décida d'en accepter l'apparence. Mais la révolte grondait en elle et, ramassant gracieusement, à deux mains, les longs plis de velours de sa robe, elle se dirigea vers la table servie, passant, hautaine et fière, devant Craon qui, lentement, laissa retomber sa main.

Des écuyers s'avançaient, portant des bassins pleins d'eau et des serviettes de lin blanc. Les convives prirent place en silence sur un seul côté de la longue table et se livrèrent aux ablutions rituelles. Puis le chapelain qui venait d'entrer marmotta un rapide bénédicité ; après quoi les premiers plats firent leur apparition. Anne de Craon dévorait littéralement, en femme que le grand air a creusée, mais, de temps en temps, elle coulait vers Catherine un regard intrigué, non dépourvu de sympathie. Elle devait aimer les caractères bien trempés. La jeune femme, cependant, touchait à peine aux mets qui lui étaient servis. Bien droite sur son siège, les yeux au loin, elle roulait machinalement entre ses doigts une boulette de pain, essayant, de toute sa volonté, de lutter contre l'angoisse insidieuse qui se glissait en elle. C'était au souvenir d'Arnaud qu'elle se raccrochait éperdument. Arnaud et sa force, Arnaud et son invincible courage, Arnaud, la meilleure lame de France avec le connétable de Richemont, Arnaud... et son caractère impossible, son rire éclatant, son orgueil intraitable, mais aussi ses baisers fous, ses mains tendres et les mots passionnés qu'il savait si bien lui dire. Lui saurait la défendre, la protéger lorsqu'il serait là. Les murs, si fort soient-ils, ne sauraient la retenir quand Arnaud serait auprès d'elle. Qui oserait s'opposer à la volonté d'un Montsalvy ?

Cependant, Anne de Craon s'étirait et bâillait sans retenue.

— Eh bien, moi, je vais dormir. Je veux, à l'aube, courir le sanglier. Barthélémy a relevé des traces de solitaire de l'autre côté de la Rosne.

La vieille dame trempa ses mains dans le bassin d'or que lui tendait un page, les essuya à une serviette rouge puis, sans plus s'occuper de son invitée forcée, prit le bras de son époux et se dirigea vers la porte. Sa petite-fille la suivit et Catherine leur emboîta le pas. Mais, comme elles quittaient la zone très éclairée de la longue table et marchaient côte à côte, Catherine sentit qu'une main effleurait la sienne dans les plis épais de sa robe et glissait entre ses doigts un petit billet étroitement plié. Elle eut un coup au cœur, une soudaine bouffée de joie et se hâta de refermer la main sur le message. Au seuil de la salle, on échangea gravement des révérences, des souhaits de bonne nuit. Puis, précédé de porteurs de flambeaux, chacun des convives de cet étrange dîner rentra chez soi.

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