Le Joyau des sept etoiles
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Dans un élan bien féminin, avec une bouche affaissée de pitié, des yeux flamboyant de colère, des joues en feu, Margaret voila le corps de la robe magnifique qu'elle avait sur les bras. On ne voyait plus que le visage. Il était plus saisissant que le corps; car il ne paraissait pas mort, mais vivant. Les paupières étaient baissées, mais les longs cils noirs, recourbés, reposaient sur les joues. Les narines, dressées avec fierté, traduisaient le repos qui surpasse celui de la mort, quand on l'observe sur un être vivant. Les lèvres, pleines et rouges, bien que la bouche n'eût pas été ouverte, laissaient apparaître une rangée des plus petites perles blanches qu'on puisse rêver. Ses cheveux, d'une luxuriante abondance et d'un noir brillant comme l'aile d'un corbeau, étaient rassemblés en grandes masses sur le front blanc, que traversaient quelques mèches bouclées comme les vrilles de la vigne. J'étais stupéfait par sa ressemblance avec Margaret, bien qu'ayant déjà l'esprit préparé par ce que Mr. Corbeck m'avait rapporté des déclarations de son père. Cette femme – je ne pouvais penser à elle comme à une momie ou à un cadavre – était l'image de Margaret, telle qu'elle m'était apparue la première fois que je l'avais vue. La ressemblance était accentuée par le bijou qu'elle portait dans les cheveux, le «Disque et les Plumes», et que Margaret avait elle aussi porté. C'était également un bijou resplendissant: une pierre admirable au reflet de clair de lune, insérée entre deux pierres de lune ciselées.
Mr. Trelawny était bouleversé. Il était tout à fait à bout. Lorsque Margaret se précipita dans ses bras pour le réconforter, je l'entendis lui dire d'une voix brisée:
– C'est comme si tu étais morte, mon enfant!
Il y eut un long silence. Je pouvais entendre au-dehors le grondement du vent, qui prenait à présent les proportions d'une tempête, et les vagues qui se brisaient violemment en dessous.
Mr. Trelawny rompit le silence:
– Plus tard, il faudra que nous essayions de découvrir le procédé d'embaumement utilisé. Il ne ressemble pas à ce que je connais. On ne semble pas avoir ouvert le corps pour en extraire les organes; ils ont dû rester intacts à l'intérieur. En outre, il n'y a aucune humidité dans les tissus; mais elle a été remplacée par autre chose, comme si de la cire ou de la stéarine avait été injectée dans les veines par un procédé délicat. Je me demande s'il est possible qu'à cette époque, on ait utilisé la paraffine. Elle aurait pu, par un procédé quelconque, être injectée dans les veines, où elle se serait solidifiée.
Margaret, après avoir jeté un drap blanc sur le corps de la Reine, nous demanda de la transporter dans sa propre chambre, et elle l'étendit sur son lit. Puis elle nous renvoya, en disant:
– Laissez-la seule avec moi. Il y a encore beaucoup d'heures à passer et cela ne me plaît pas de la laisser couchée là, toute nue en pleine lumière. C'est peut-être les Noces auxquelles elle se préparait: les Noces de la Mort. Et au moins, elle portera ses belles robes.
Quand un peu plus tard elle me ramena dans sa chambre, la Reine morte était vêtue de la robe de fin linon aux broderies d'or; tous ses magnifiques bijoux étaient en place. Des bougies étaient allumées autour d'elle, des fleurs blanches étaient déposées sur sa poitrine.
La main dans la main, nous sommes restés un moment à la contempler. Puis, en poussant un soupir, Margaret la couvrit d'un de ses propres draps d'un blanc de neige. Elle se détourna; et après avoir refermé doucement la porte de la chambre, elle vint avec moi rejoindre les autres qui s'étaient réunis dans la salle à manger. Une fois là, nous avons commencé à parler de ce qui s'était passé, et de ce qui allait suivre.
À mesure que les heures se succédaient, le temps s'écoulait de plus en plus lentement. Les hommes commençaient, sans s'en apercevoir, à somnoler un peu. Je me demandais si dans le cas de Mr. Trelawny et de Mr. Corbeck qui s'étaient déjà trouvés soumis à l'influence hypnotique de la Reine, la même torpeur se manifestait. Le Dr Winchester avait des périodes de distraction qui devenaient de plus en plus longues et fréquentes.
Quant à Margaret, cette incertitude l'affectait énormément, comme il fallait s'y attendre chez une femme. Elle devenait de plus en plus pâle; à tel point qu'aux alentours de minuit, je me pris à être très inquiet pour elle. J'obtins qu'elle m'accompagne dans la bibliothèque, et là, j'essayai de la faire rester allongée un petit moment sur le sofa. Comme Mr. Trelawny avait décidé que l'expérience serait tentée à la septième heure après le coucher du soleil, exactement, ce serait donc aussi près que possible de trois heures du matin. En réservant une heure entière aux derniers préparatifs, nous avions encore deux heures à attendre. Je lui promis de rester près d'elle et de la réveiller à l'heure qu'elle me fixerait; mais elle ne voulut pas entendre parler de repos. Elle me remercia avec gentillesse, et en souriant. Mais elle m'assura qu'elle n'avait pas sommeil, et qu'elle était tout à fait capable de veiller jusque-là; que c'étaient seulement l'indécision et l'énervement de l'attente qui la rendaient pâle. Je fus bien obligé de m'incliner, mais je la tins pendant plus d'une heure dans la bibliothèque à parler de choses et d'autres. Si bien qu'à la fin, quand elle insista pour aller rejoindre son père, j'eus l'impression d'avoir au moins fait quelque chose pour l'aider à passer le temps.
Nous trouvâmes les trois amis attendant patiemment dans la salle à manger, silencieux. Avec un courage bien masculin, ils se contentaient de rester sans rien faire, conscients d'avoir fait jusque-là tout ce qui était en leur pouvoir.
Et ainsi nous attendîmes.
En entendant sonner deux heures, nous nous sentîmes un peu ragaillardis. Toutes les ombres qui s'étaient accumulées sur nos têtes pendant les longues heures précédentes parurent se disperser instantanément, et nous allâmes tous à nos différentes tâches avec entrain et empressement. Nous vérifiâmes tout d'abord si toutes les fenêtres étaient bien fermées; car à présent la tempête faisait rage au point de nous faire craindre qu'elle ne bouleverse nos plans qui, après tout, nécessitaient un calme complet. Nous préparâmes nos masques respiratoires pour les mettre quand on approcherait du moment fatidique. Nous avions depuis le début décidé de nous en servir, car nous ne savions pas si quelque fumée nocive ne se dégagerait pas du Coffre Magique quand il serait ouvert. L'idée qu'il pourrait ne pas s'ouvrir ne venait en effet à l'esprit d'aucun de nous.
Alors, sous la direction de Margaret, nous transportâmes, de la chambre de cette dernière à la caverne, le corps de la Reine Tera toujours vêtue de sa toilette de mariée.
Étrange spectacle, étrange expérience. Ce groupe d'hommes graves emportant loin des bougies allumées et des fleurs blanches ce corps blanc immobile, qui prit l'aspect d'une statue d'ivoire lorsque, pendant le transport, la robe tomba.
Nous l'étendîmes dans le sarcophage, et nous plaçâmes dans la position convenable sur sa poitrine la main coupée. La Pierre aux Sept Étoiles, que Mr. Trelawny avait extraite du coffre, fut posée sous cette main. Tandis que nous l'arrangions, elle parut flamboyer et étinceler. L'électricité éclairait d'une lumière froide le grand sarcophage préparé pour la tentative finale – La Grande Expérience, aboutissement des recherches de deux savants voyageurs poursuivies pendant toute une existence. De nouveau, la ressemblance frappante entre Margaret et la momie, accentuée par l'extraordinaire pâleur de la première, conférait à l'ensemble une étrangeté supplémentaire.