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Les Voyages De Gulliver

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Les Voyages De Gulliver
Название: Les Voyages De Gulliver
Автор: Swift Jonathan
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Voyages De Gulliver - читать бесплатно онлайн , автор Swift Jonathan

Qui ne conna?t pas les voyages de Gulliver aux pays des hommes minuscules – Lilliput – au pays des g?ants – Brobdingnag – ? l'?le volante de Laputa ou au pays des chevaux intelligents – les Houyhnhnms. Au del? de la po?sie et de la beaut? de l'imaginaire, Swift nous propose une r?flexion profonde, mais pessimiste, sur la soci?t? et la politique de son temps.

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Le capitaine me pressa plusieurs fois de mettre bas mes peaux de lapin, et m’offrit, de me prêter de quoi m’habiller de pied en cap; mais je le remerciai de ses offres, ayant horreur de mettre sur mon corps ce qui avait été à l’usage d’un yahou. Je lui permis seulement de me prêter deux chemises blanches, qui, ayant été bien lavées, pouvaient ne me point souiller. Je les mettais tour à tour, de deux jours l’un, et j’avais soin de les laver moi-même. Nous arrivâmes à Lisbonne, le 5 de novembre 17 15. Le capitaine me força alors de prendre des habits, pour empêcher la canaille de nous tuer dans les rues. Il me conduisit à sa maison, et voulut que je demeurasse chez lui pendant mon séjour en cette ville. Je le priai instamment de me loger au quatrième étage, dans un endroit écarté, où je n’eusse commerce avec qui que ce fût. Je lui demandai aussi la grâce de ne dire à personne ce que je lui avais raconté de mon séjour parmi les Houyhnhnms, parce que, si mon histoire était sue, je serais bientôt accablé des visites d’une infinité de curieux, et, ce qu’il y a de pis, je serais peut-être brûlé par l’Inquisition.

Le capitaine, qui n’était point marié, n’avait que trois domestiques, dont l’un, qui m’apportait à manger dans ma chambre, avait de si bonnes manières à mon égard et me paraissait avoir tant de bon sens pour un yahou, que sa compagnie ne me déplut point; il gagna sur moi de me faire mettre de temps en temps la tête à une lucarne pour prendre l’air; ensuite, il me persuada de descendre à l’étage d’au-dessous et de coucher dans une chambre dont la fenêtre donnait sur la rue. Il me fit regarder par cette fenêtre; mais au commencement, je retirais ma tête aussitôt que je l’avais avancée: le peuple me blessait la vue. Je m’y accoutumai pourtant peu à peu. Huit jours après, il me fit descendre à un étage encore plus bas; enfin, il triompha si bien de ma faiblesse, qu’il m’engagea à venir m’asseoir à la porte pour regarder les passants, et ensuite à l’accompagner dans les rues.

Dom Pedro, à qui j’avais expliqué l’état de ma famille et de mes affaires, me dit un jour que j’étais obligé en honneur et en conscience de retourner dans mon pays et de vivre dans ma maison avec ma femme et mes enfants. Il m’avertit en même temps qu’il y avait dans le port un vaisseau prêt à faire voile pour l’Angleterre, et m’assura qu’il me fournirait tout ce qui me serait nécessaire pour mon voyage. Je lui opposai plusieurs raisons qui me détournaient de vouloir jamais aller demeurer dans mon pays, et qui m’avaient fait prendre la résolution de chercher quelque île déserte pour y finir mes jours. Il me répliqua que cette île que je voulais chercher était une chimère, et que je trouverais des hommes partout; qu’au contraire, lorsque je serais chez moi, j’y serais le maître, et pourrais y être aussi solitaire qu’il me plairait.

Je me rendis à la fin, ne pouvant mieux faire; j’étais d’ailleurs devenu un peu moins sauvage. Je quittai Lisbonne le 24 novembre, et m’embarquai dans un vaisseau marchand. Dom Pedro m’accompagna jusqu’au port et eut l’honnêteté de me prêter la valeur de vingt livres sterling. Durant ce voyage, je n’eus aucun commerce avec le capitaine ni avec aucun des passagers, et je prétextai une maladie pour pouvoir toujours rester dans ma chambre. Le 5 décembre 17 15, nous jetâmes l’ancre sur la côte anglaise, environ sur les neuf heures du matin, et, à trois heures après midi, j’arrivai à Redriff en bonne santé, et me rendis au logis. Ma femme et toute ma famille, en me revoyant, me témoignèrent leur surprise et leur joie; comme ils m’avaient cru mort, ils s’abandonnèrent à des transports que je ne puis exprimer. Je les embrassai tous assez froidement, à cause de l’idée de yahou qui n’était pas encore sortie de mon esprit.

Du premier argent que j’eus, j’achetai deux jeunes, chevaux, pour lesquels je fis bâtir une fort belle écurie, et auxquels je donnai un palefrenier du premier mérite, que je fis mon favori et mon confident. L’odeur de l’écurie me charmait, et j’y passais tous les jours quatre heures à parler à mes chers chevaux, qui me rappelaient le souvenir des vertueux Houyhnhnms.

Dans le temps que j’écris cette relation, il y a cinq ans que je suis de retour de mon voyage et que je vis retiré chez moi. La première année, je souffris avec peine la vue de ma femme et de mes enfants, et ne pus presque gagner sur moi de manger avec eux. Mes idées changèrent dans la suite, et aujourd’hui je suis un homme ordinaire, quoique toujours un peu misanthrope.

Chapitre XII

Invectives de l’auteur contre les voyageurs qui mentent dans leurs relations. Il justifie la sienne. Ce qu’il pense de la conquête qu’on voudrait faire des pays qu’il a découverts.

Je vous ai donné, mon cher lecteur, une histoire complète de mes voyages pendant l’espace de seize ans et sept mois; et dans cette relation, j’ai moins cherché à être élégant et fleuri qu’à être vrai et sincère. Peut-être que vous prenez pour des contes et des fables tout ce que je vous ai raconté, et que vous n’y trouvez pas la moindre vraisemblance; mais je ne me suis point appliqué à chercher des tours séduisants pour farder mes récits et vous les rendre croyables. Si vous ne me croyez pas, prenez-vous-en à vous-même de votre incrédulité; pour moi, qui n’ai aucun génie pour la fiction et qui ai une imagination très froide, j’ai rapporté les faits avec une simplicité qui devrait vous guérir de vos doutes.

Il nous est aisé, à nous autres voyageurs, qui allons dans les pays où presque personne ne va, de faire des descriptions surprenantes de quadrupèdes, de serpents, d’oiseaux et de poissons extraordinaires et rares. Mais à quoi cela sert-il? Le principal but d’un voyageur qui publie la relation de ses voyages, ne doit-ce pas être de rendre les hommes de son pays meilleurs et plus sages, et de leur proposer des exemples étrangers, soit en bien, soit en mal, pour les exciter à pratiquer la vertu et à fuir le vice? C’est ce que je me suis proposé dans cet ouvrage, et je crois qu’on doit m’en savoir bon gré.

Je voudrais de tout mon cœur qu’il fût ordonné par une loi, qu’avant qu’aucun voyageur publiât la relation de ses voyages il jurerait et ferait serment, en présence du lord grand chancelier, que tout ce qu’il va faire imprimer est exactement vrai, ou du moins qu’il le croit tel. Le monde ne serait peut-être pas trompé comme il l’est tous les jours. Je donne d’avance mon suffrage pour cette loi, et je consens que mon ouvrage ne soit imprimé qu’après qu’elle aura été dressée.

J’ai parcouru, dans ma jeunesse, un grand nombre de relations avec un plaisir infini; mais depuis que j’ai vu les choses de mes yeux et par moi-même, je n’ai plus de goût pour cette sorte de lecture; j’aime mieux lire des romans. Je souhaite que mon lecteur pense comme moi.

Mes amis ayant jugé que la relation que j’ai écrite de mes voyages avait un certain air de vérité qui plairait au public, je me suis livré à leurs conseils, et j’ai consenti à l’impression. Hélas! j’ai eu bien des malheurs dans ma vie; je n’ai jamais eu celui d’être enclin au mensonge:

…Nec, si miserum fortuna Sinonem

Finxit, vanum etiam mendacemque improba finget.

(Vigile, Enéide, liv. II.)

Je sais qu’il n’y a pas beaucoup d’honneur à publier des voyages; que cela ne demande ni science ni génie, et qu’il suffit d’avoir une bonne mémoire ou d’avoir tenu un journal exact; je sais aussi que les faiseurs de relations ressemblent aux faiseurs de dictionnaires, et sont au bout d’un certain temps éclipsés, comme anéantis par une foule d’écrivains postérieurs qui répètent tout ce qu’ils ont dit et y ajoutent des choses nouvelles. Il m’arrivera peut-être la même chose: des voyageurs iront dans les pays où j’ai été, enchériront sur mes descriptions, feront tomber mon livre et peut-être oublier que j’aie jamais écrit. Je regarderais cela comme une vraie mortification si j’écrivais pour la gloire; mais, comme j’écris pour l’utilité du public, je m’en soucie peu et suis préparé à tout événement.

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