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Les pistolets de Sans Atout

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Les pistolets de Sans Atout
Название: Les pistolets de Sans Atout
Автор: Boileau-Narcejac
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les pistolets de Sans Atout - читать бесплатно онлайн , автор Boileau-Narcejac

Invit? ? passer un mois de vacances ? Londres chez son ami Bob Skinner, Sans Atout craignait de trouver le temps long! Les ?v?nements vont vite le rassurer. D'abord, en mettant Tom, un automate ob?issant ? la voix, sur son chemin; ensuite, en faisant dispara?tre le p?re de Bob, l'inventeur de Tom; puis en faisant appara?tre un myst?rieux visiteur. Mais au fait, que sont devenus les pistolets de duel qui appartenaient au grand-p?re de Bob? Et quel ?trange r?le peut jouer Miss Mary? Les vacances de Sans Atout promettent d'?tre riches en p?rip?ties…

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— Si vous voulez me donner votre nom?

— Ce n'est pas la peine. Monsieur Skinner ne me connaît pas. Je repasserai. J'aurai peut-être plus de chance.

Il s'arrêta sur le seuil de la salle à manger et jeta un coup d'œil dans le bureau dont Bob avait oublié de refermer la porte. Puis il remit son chapeau et sortit, accompagné par Bob.

— Drôle de bonhomme, dit celui-ci, un instant plus tard. Il a un curieux accent. Une fois, j'ai entendu un fermier irlandais qui avait à peu près le même. Et tu as vu comme il regardait partout! Encore un inventeur, sans doute. Ils sont tous dingues.

— Oh! Bob! Pas ton père!

— Bien sûr que si, mon père aussi! Il est formidable. Il a peut-être du génie. Mais il marche un peu «à côté de ses pompes».

Ils éclatèrent de rire.

— C'est mon professeur de math qui dit ça, reprît Bob. Et toi aussi, tu marcheras à côté de tes souliers. Au fond, tu es déjà un type comme papa… Allez, viens voir monsieur Tom.

Ils revinrent dans le bureau et Bob sortit de la vitrine la marionnette.

— Tu as la permission? demanda François.

— On ne fait rien de mal… N'est-ce pas, monsieur Tom?… Avez-vous passé une bonne nuit?… Ce qu'il peut m'agacer, avec ses airs de se moquer du monde!

Bob se laissa tomber dans l'unique fauteuil et poussa un profond soupir.

— Quand tu penses que ce machin vaut des millions! Moi, je te répète ce que dit papa. Il paraît que nous allons devenir riches. Tu comprends! Miss Margrave a une grosse fortune, et papa a son amour-propre. Il ne veut rien devoir à personne. Mais qui est-ce qui irait dépenser des millions pour faire la causette avec M. Tom, hein?… Si tu entendais tous ces projets! Un jour, on construit une usine. Un autre jour, on traite avec les Américains… Est-ce que tu vis, toi aussi, dans une autre planète?

— J'aimerais bien, dit François.

— Moi pas. Je tiens sans doute de ma mère. J'aime ce qui est solide, ce qui est sûr. Il y a des jours où ces marionnettes me rendent malade.

Il sauta sur ses pieds.

— J'entends la Morris. Précipitamment, il enferma M. Tom dans la

vitrine. Puis il entraîna François au-devant de l'ingénieur.

— Papa, tu as eu une visite.

Il décrivit l'homme. M. Skinner écarta les bras.

— Je ne vois pas, dit-il. Mais puisqu'il doit revenir, ne nous cassons pas la tête… Mrs. Humphrey? Où êtes-vous? Nous allons prendre le thé tout de suite.

Il saisit familièrement le bras de François.

— Mon cher garçon, je ne sais pas ce que vous avez l'intention de faire plus tard, mais je ne vous conseille pas de choisir une carrière comme la mienne. Les gens ne comprennent rien. Il faut se battre sans arrêt… Une tasse de thé sera la bienvenue… Bob, va aider Mrs. Humphrey.

Il accrocha son imperméable au portemanteau du vestibule, puis s'effaça devant François.

— Après vous, monsieur Sans-Atout… Vous savez, votre surnom m'amuse beaucoup… J'y pensais, en revenant. Il pourrait très bien s'appliquer à moi aussi. Je possède d'excellentes cartes et je m'efforce d'en tirer le meilleur parti. Asseyez-vous.

Mrs. Humphrey servit le thé.

— Bob, tu vas laisser un peu de tarte pour les autres, oui?

François s'était imaginé qu'il allait tomber dans une famille anglaise traditionnelle, un peu gourmée, un peu ennuyeuse. Les Skinner le prenaient vraiment au dépourvu. Mais il se sentait parfaitement à l'aise et aussi bien accordé avec Bob qu'avec son père. Il observait les mains de son hôte, des mains maigres, aux doigts très longs, très minces, et sans cesse en mouvement. Elles étaient habitées par un esprit mobile, inquiet, tandis que les grosses pattes de Bob révélaient une nature sans détour.

«Tel père, tel fils! Quelle erreur! songeait-il. Mais Bob fait peut-être exprès de ne pas ressembler à son père. Il y a entre eux un conflit caché.»

Le téléphone sonna dans le bureau, et l'ingénieur s'excusa. Il laissa la porte ouverte et l'on entendit sa voix, dans la pièce voisine.

— Je suis bien tranquille, murmura Bob. Il va encore nous laisser tomber. Quand on veut sortir, il y a toujours quelqu'un qui a besoin de le voir.

— Allô… Parlez plus fort, que diable!.. Ah! C'est vous, Merrill; je ne reconnaissais pas votre voix… Quoi?… Que je retourne vous voir?… Maintenant?… Ça ne peut pas attendre?… Comment?… Je vous l'ai dit tout à l'heure: je dois emmener les enfants au concert… Ah! Je vous entends très mal…

— Qu'est-ce que je disais, fit Bob, placidement.

Il attrapa le dernier morceau de tarte et lécha les gouttes sucrées qui lui poissaient les doigts.

— … Et vous ne pouvez pas me dire ça par téléphone?… Bon… Eh bien, dans une heure. Non, je ne peux pas arriver avant… Je viens à peine de rentrer… Merci.

Quand M. Skinner reparut, il semblait las et maussade.

— Je me demande bien ce qu'il peut me vouloir… Je suis désolé, mon cher François. Je manque à tous mes devoirs. M. Merrill, je vous l'ai dit, est mon bailleur de fonds. Vous le rencontrerez sûrement… Un homme très agréable, mais, comme il tient les cordons de la bourse, il a tendance à croire que tout le monde est à ses ordres… J'aurais d'ailleurs tort de me plaindre, car il m'a fait un contrat magnifique. Seulement, les contrats, c'est comme les menottes. Vous êtes attaché. Vous avez perdu votre liberté… M. Merrill veut me revoir, donc je dois repasser le voir, toute affaire cessante… Eh bien, j'irai tout à l'heure… Buvons notre thé sans nous presser.

— On ne va plus au concert? demanda Bob, avec une feinte indifférence.

— Oh, mais si! Je vous y conduirai en voiture. Je ne pourrai pas rester avec vous, mais vous êtes assez grands pour rentrer tout seuls. Vous prendrez un taxi.

M. Skinner avala une deuxième tasse de thé.

— Surveillez l'heure, dit-il, et quand le moment sera venu, venez me sortir de mon bureau, manu militari.

Il s'en alla précipitamment.

— M. Merrill, dit Bob, hargneusement. Toujours M. Merrill!

— C'est un banquier? demanda François.

— Pas du tout. Il fabrique des frigidaires. Mais attention! A la chaîne… Dans une usine grande comme une gare. Il s'est entiché de ces automates, et il va en commencer la fabrication en série. J'ai vu les dépliants: L'Audio-Visuel par la joie! Tu parles! Moi, ça ne me fait pas rigoler!.. Mrs. Humphrey, s'il vous plaît… Il n'y a plus rien à manger?… Apportez-nous des toasts… Merci!

— Tu devrais être content, non? dit François.

Bob prit un morceau de sucre et le croqua, tout en réfléchissant.

— C'est vrai. Je devrais être content; mais quand je vois papa dépenser toutes ses forces à construire des jouets… non, il y a quelque chose qui ne va pas. Je ne sais pas t'expliquer ça, mais je le sens… C'est comme si papa était plus enfant que moi.

Mrs. Humphrey apporta les toasts, soigneusèment empilés sur une assiette.

— Sers-toi, dit Bob.

— Tu manges trop, observa François.

Bob haussa les épaules.

— C'est ce que prétend le médecin. Il m'a fait tout un exposé. D'après lui, l'obésité a des causes psychiques. Mais quoi! Je ne suis pas obèse. Je suis gras. Ce n'est pas pareil!

Il beurra méticuleusement un toast, puis l'enduisit de miel.

— Du miel d'Ecosse! C'est comme si tu avais la lande dans la bouche.

Le carillon sonna six coups.

— Faudrait peut-être se préparer, dit-il. Je connais papa. Quand il a le nez dans ses dossiers, pour l'arracher de là…

Il chercha le mot français: «… C'est dur aille!».

— Est-ce que je dois me changer? demanda François.

— Non. Les spectacles, ici, commencent tôt pour que n'importe qui puisse y assister, après le travail de la journée. Personne ne se met en frais.

— Ton père te laisse sortir seul, quelquefois?

— Mais tout le temps. J'ai quinze ans, mon vieux!

Avant de se lever, il donna un dernier coup de langue sur sa cuillère encore gluante de miel. Les deux garçons frappèrent à la porte du bureau.

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