Maximilien Heller
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"Le roman populaire a donn? naissance au roman policier, et cette transition s'op?re sous nos yeux comme par magie, gr?ce ? un auteur presque oubli?, Henry Cauvain (1817 – 1899) et ? son merveilleux roman Maximilien Heller. Ce r?cit est excellent, entre autres raisons, parce qu'il est relativement bref et ne s'encombre d'aucune intrigue amoureuse. Il comporte un criminel de g?nie, un crime en chambre close remarquablement expliqu? compte tenu de l'?poque, et un enqu?teur r?solument priv?!On peut y faire des comparaisons amusantes. Heller aime les chats, comme Sherlock Holmes. Il prend de l'opium pour s'endormir – comme Holmes. Comme lui, il proc?de par d?ductions logiques. Il a un confident qui raconte l'histoire, et qui est m?decin, comme le Watson de Holmes… Tout pourrait laisser croire que Cauvain, imbib? de Gaboriau, a ?galement lu Conan Doyle et lui a emprunt? personnages, techniques et d?tails! Or Maximilien Heller date de 1871, alors que la premi?re aventure de Sherlock Holmes ne sera publi?e que seize ans plus tard!"
Les aventures d'un d?tective amateur sur les traces de Sherlock Holmes: comme lui, il a une forte personnalit?, une facult? de concentration intellectuelle extraordinaire qui souvent l'emp?che de dormir: c'est pourquoi il prend de l'opium.
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– Ceci est toute une histoire, me répondit Maximilien Heller en se renversant dans son fauteuil. Je conviens que j’aurais moi-même cherché bien longtemps la solution du problème qui vous embarrasse, et que je ne l’aurais peut-être jamais trouvée, si je n’avais été merveilleusement secondé par les circonstances.
«Je vous ai dit que je fus autrefois avocat et que je plaidai quelques causes.
«C’était en 1832. Je faisais alors mon stage, et j’avais cette ardeur et ce zèle qui dévorent, d’ordinaire, les jeunes gens qui débutent au barreau.
«Une des premières défenses que l’on me confia d’office fut celle d’un certain Jules Lanseigne, compromis dans une mystérieuse affaire dont la justice n’a jamais bien pénétré le secret. Il s’agissait d’une association de malfaiteurs qui avaient, à plusieurs reprises, terrifié les habitants de Paris par des vols d’une audace inouïe. Ils étaient si habilement conduits, que ce ne fut qu’après de longues années, et grâce au génie d’un célèbre policier d’alors, qu’ils purent être arrêtés.
«Encore tous ces hommes ne tombèrent-ils pas sous la main de la justice. Trois prévenus seulement comparurent aux assises. C’étaient Jacques Pichet, Paul Robert et Jules Lanseigne, dit Petit-Poignard.
«Le chef qui les dirigeait avec une si prodigieuse habileté échappa à toutes les recherches; les prévenus refusèrent obstinément de faire connaître son nom. On sut seulement qu’il était désigné dans la bande par le sobriquet de Boulet-Rouge. On trouva aussi sur l’un d’eux des lettres écrites en hiéroglyphes presque indéchiffrables dont quelques-uns seulement furent devinés par l’illustre policier qui avait arrêté ces bandits.
«Le premier accusé fut condamné à mort, le second à vingt ans de travaux forcés, et mon client, contre lequel des preuves concluantes manquèrent, à cinq années de prison seulement.
«Ce procès m’avait vivement intéressé, et j’avais eu, avec le chef de la police de sûreté dont je vous parle, de fréquents entretiens. Il me raconta, avec un grand luxe de détails, tous les incidents et toutes les péripéties de la lutte qu’il soutenait depuis quatre ans contre ces malfaiteurs, lutte qui avait fini par amener trois d’entre eux sur les bancs de la Cour d’assises.
«Hélas! le pauvre homme mourut sans avoir eu la consolation d’arrêter le chef de la bande, et je crois que ce chagrin hâta sa fin. Il m’avait expliqué avec une lucidité merveilleuse les signes hiéroglyphiques trouvés sur ces malfaiteurs; et c’est grâce à ses leçons et à mes souvenirs que j’ai pu déchiffrer ce rébus.
«Je vais vous l’expliquer en deux mots:
«D’abord vous remarquerez que nous n’avons ici qu’un fragment de lettre, un post-scriptum, ce qu’indiquent ces deux lettres P.-S. Le corps de la lettre a malheureusement été consumé par la flamme.
«Voici la signature: ce signe veut dire Boulet Rouge. C’est le sceau de cet adroit bandit qui fut, à lui seul, plus fort et plus habile que la police tout entière.
veut dire: écris.
«Voici le signe qu’adopta Petit-Poignard (c’est, je vous l’ai dit, le sobriquet de mon ancien client Jules Lanseigne).
«DZ. Ces messieurs mettaient leurs lettres en chiffres et leurs chiffres en lettres. D, qui est la quatrième lettre de l’alphabet, veut dire 4, et Z, la dernière, signe 0. – Donc 40.
«.(V). Ces deux parenthèses entre deux points signifient une rue de Paris. Ils avaient catalogué ainsi toute la capitale. Chaque rue, chaque passage, chaque impasse étaient désignés par un signe particulier:.(). veut donc dire rue. Restait à déchiffrer l’initiale V. Le premier nom qui se présenta à mon esprit fut celui de Vaugirard. La suite de mon récit vous prouvera que cette supposition était vraie.
«Voici enfin le dernier signe . Celui-ci m’a donné beaucoup plus de peine, et ce n’est qu’après m’être longtemps creusé la tête que j’ai trouvé ce qu’il veut dire. J’ai cherché loin, ainsi qu’il arrive souvent, le sens qui aurait dû m’apparaître le premier. Enfin, et après des réflexions et des tâtonnements sans nombre, j’ai traduit ce signe: Louis.
«Voulez-vous maintenant l’explication de la phrase entière? La voici:
Boulet-Rouge
P. S. – Écris-moi chez Petit-Poignard, 40, rue de Vaugirard; – mon nom d’emprunt est Louis.
«Cependant il fallait vérifier mes suppositions. Le n° 40 de la rue de Vaugirard est l’hôtel du Renard-Bleu. Je me déguisai le mieux que je pus, – et vous devez vous apercevoir que j’ai quelque talent dans ce genre, – puis j’allai me promener en long et en large sur le trottoir en face de l’hôtel, observant avec attention tous ceux qui entraient ou sortaient.
«Enfin, et après une demi-heure d’attente, je vis s’avancer un petit homme un peu replet, à la physionomie lourde et intelligente, en qui je reconnus, du premier coup d’œil, mon ancien client, Jules Lanseigne, dit Petit-Poignard. L’ancien voleur, sorti de prison depuis deux ans, avait choisi, pour se réhabiliter aux yeux de la société, la profession d’aubergiste.
«Il entra dans l’hôtel, je le suivis, et au moment où il allait monter l’escalier je lui frappai sur l’épaule.
«Il tressaillit, et, se retournant, me dit d’un ton bourru:
«- Que me voulez-vous?
«- Vous êtes bien Jules Lanseigne, n’est-ce pas?»
Il fronça les sourcils et me regarda en dessous.
«-Oui, répondit-il en hésitant… Pourquoi me demandez-vous cela?
«- J’ai deux mots à vous dire en particulier; veuillez m’accorder un instant d’entretien.»
«L’aubergiste, que je savais fort lâche, pâlit visiblement et parut vouloir songer à la retraite. Mon costume noir et la grande barbe dont j’avais orné mon menton me faisaient sans doute regarder par lui comme un homme de la rue de Jérusalem.
«Mais, pour empêcher qu’il ne m’échappât, je le pris par le bras, j’ouvris la porte de la petite salle du rez-de-chaussée, et, après m’y être enfermé avec lui, je mis la clef dans ma poche.
«Il claqua des dents. Je le surveillai du coin de l’œil, et comme il essaya de porter la main sous son gilet:
«- Prenez garde!… lui dis-je vivement: vous voyez que je vous connais, puisque du premier coup je vous ai appelé par votre nom, et je sais que vous jouez du poignard avec une grande dextérité, bien que le 18 août 1832 vous n’ayez été condamné qu’à cinq ans de prison, faute de preuves contre vous.»
«Je tirai un pistolet de ma poche.
«- Mettez-vous ici», continuai-je, en plantant une chaise à un bout de la table.