Monsieur Lecoq

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Monsieur Lecoq
Название: Monsieur Lecoq
Автор: Gaboriau ?mile
Дата добавления: 16 январь 2020
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Monsieur Lecoq - читать бесплатно онлайн , автор Gaboriau ?mile

Le pr?curseur, fran?ais, de Sherlock Holmes…

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– Monsieur le procureur impérial n’a pu m’accompagner, reprit M. d’Escorval, il n’a pas le don d’ubiquité, et je doute qu’il lui soit possible de venir me rejoindre. Commençons donc nos opérations…

Jusqu’ici la curiosité des assistants était déçue, aussi le commissaire fut-il l’interprète du sentiment général, lorsqu’il dit:

– Monsieur le juge d’instruction a sans doute interrogé le coupable, et il doit savoir…

– Je ne sais rien, interrompit M. d’Escorval, qui parut fort surpris de l’interpellation.

Il s’assit sur cette réponse, et pendant que son greffier rédigeait les préliminaires de tout procès-verbal de constat, il se mit, lui, à lire le rapport écrit par Lecoq.

Blotti dans l’ombre, pâle, ému, fiévreux, le jeune policier s’efforçait de surprendre sur l’impassible visage du magistrat un indice de ses impressions.

C’était son avenir qui se décidait, qui allait dépendre d’un oui ou d’un non.

Et ce n’était plus à une intelligence obtuse comme celle du père Absinthe qu’il s’adressait, mais à une perspicacité supérieure.

– Si encore, pensait-il, je pouvais plaider ma cause!… Mais qu’est la phrase écrite, comparée à la phrase parlée, mimée, vivante, palpitante de l’émotion et des convictions de qui la prononce…

Bientôt il se sentit rassuré.

La figure du juge d’instruction gardait son immobilité, mais il hochait la tête, en signe d’approbation, et même, par instants, un détail plus ingénieux que les autres lui arrachait une exclamation: «Pas mal!… très bien!…»

Lorsqu’il eut achevé:

– Tout ceci, dit-il enfin au commissaire, ne ressemble guère à votre rapport de ce matin, qui présentait cette ténébreuse affaire comme une bataille entre quelques misérables vagabonds.

L’observation n’était que trop juste, et le commissaire n’en était pas à regretter d’être resté chaudement au lit, s’en remettant absolument à Gévrol.

– Ce matin, répondit-il évasivement, j’avais résumé les impressions premières… elles ont été modifiées par les recherches ultérieures, de sorte que…

– Oh! interrompit le juge, je ne vous fais aucun reproche, je n’ai que des félicitations à vous adresser, au contraire… On n’agit pas mieux ni plus vite. Toute cette information révèle une grande pénétration, et les résultats en sont surtout exposés avec une clarté et une précision rares.

Lecoq eut comme un éblouissement.

Le commissaire, lui, hésita une seconde.

La tentation lui venait de confisquer l’éloge à son profit.

S’il la repoussa, c’est qu’il était honnête et que de plus il ne lui déplaisait pas de faire pièce à Gévrol, pour le punir de sa légèreté présomptueuse.

– Je dois avouer, dit-il enfin, que l’honneur de cette enquête ne me revient pas.

– Dès lors, à qui l’attribuer, sinon à l’inspecteur du service de la sûreté?

Ainsi pensa M. d’Escorval, non sans surprise, car ayant déjà employé Gévrol, il était loin de lui soupçonner l’ingéniosité, le style surtout, du rapport.

– C’est donc vous, lui demanda-t-il, qui avez si rondement conduit cette affaire?

– Ma foi, non!… répondit l’homme de la Préfecture, je n’ai pas tant d’esprit que ça, moi!… Je me contente de relever ce que je découvre, et je dis: Voilà. Je veux bien être pendu si toutes les imaginations de ce rapport existent ailleurs que dans la cervelle de celui qui l’a fait… Des blagues, quoi!

Peut-être était-il de bonne foi, étant de ces gens que l’amour-propre aveugle à ce point que, les yeux crevés par l’évidence, ils la nient.

– Cependant, insista le juge, les femmes dont voici les empreintes ont existé!… Le complice qui a laissé sur un madrier ces flocons de laine est un être réel… Cette boucle d’oreille est un indice réel, palpable…

Gévrol se tenait à quatre pour ne pas hausser les épaules.

– Tout cela, dit-il, s’explique sans qu’il soit besoin de chercher midi à quatorze heures. Que le meurtrier ait un complice… c’est possible. La présence des femmes est naturelle, partout où il y a des filous, on rencontre des voleuses. Quant au diamant, que prouve-t-il?… Que les coquins avaient fait un bon coup, qu’ils étaient venus ici partager le butin, et que du partage est venue la querelle…

C’était une explication, et si plausible, que M. d’Escorval garda le silence, se recueillant avant de prendre une détermination.

– Décidément, déclara-t-il enfin, j’adopte l’hypothèse du rapport… Quel en est l’auteur?

La colère rendait Gévrol plus rouge qu’un homard.

– L’auteur, répondit-il, est un de mes agents que voici, un fort et adroit, monsieur Lecoq!… Allons, malin, approche qu’on te voie…

Le jeune policier s’avança, les lèvres contractées par ce sourire de satisfaction qu’on appelle familièrement «la bouche en cœur.»

– Mon rapport n’est qu’un sommaire, monsieur, commença-t-il, mais j’ai certaines idées…

– Vous me les direz si je vous interroge, interrompit le juge.

Et sans se soucier du désappointement de Lecoq, il prit dans le portefeuille de son greffier deux imprimés qu’il remplit et qu’il tendit à Gévrol, en disant:

– Voici deux mandats de dépôt… faites prendre, au poste où ils sont consignés, l’inculpé et la maîtresse de ce cabaret, et qu’on les conduise à la Préfecture, où on les tiendra au secret.

Cet ordre donné, M. d’Escorval se retournait déjà vers les médecins, quand le jeune policier, au risque d’une rebuffade nouvelle, intervint.

– Oserais-je, demanda-t-il, prier monsieur le juge de me confier cette mission?

– Impossible, je puis avoir besoin de vous ici.

– C’est que, monsieur, j’aurais aimé pour recueillir certains indices, une occasion qui ne se représentera pas…

Le juge d’instruction comprit peut-être les intentions du jeune agent.

– Soit donc, répondit-il, mais en ce cas vous m’attendrez à la Préfecture où je me transporterai dès que j’aurai terminé ici… Allez!…

Lecoq ne se fit pas répéter la permission; il s’empara des mandats et s’élança dehors.

Il ne courait pas, il volait à travers les terrains vagues. Des fatigues de la nuit, il ne ressentait plus rien. Jamais il ne s’était senti le corps si dispos et si alerte, l’esprit si net et si lucide.

Il espérait, il avait confiance, et il eût été parfaitement heureux, s’il eût eu affaire à un tout autre juge d’instruction.

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