Monsieur Lecoq
Monsieur Lecoq читать книгу онлайн
Le pr?curseur, fran?ais, de Sherlock Holmes…
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
C’était: Dans la poche droite du pantalon: du tabac à fumer, une pipe de bruyère et des allumettes.
Dans la poche gauche: un porte-monnaie de cuir très crasseux, en forme de portefeuille, renfermant sept francs soixante centimes, et un mouchoir de poche en toile, assez propre, mais sans marque.
Et rien autre!…
Le commissaire se désolait, lorsque, tournant et retournant le porte-monnaie, il découvrit un compartiment qui lui avait échappé, par cette raison qu’il était dissimulé sous un repli du cuir.
Dans ce compartiment était un papier soigneusement plié. Il le déplia et lut à haute voix ce billet:
«Mon cher Gustave,
«Demain, dimanche soir, ne manque pas de venir au bal de l’Arc-en-Ciel, selon nos conventions. Si tu n’as plus d’argent, passe chez moi, j’en laisse à mon concierge qui te le remettra.
«Sois là-bas à huit heures. Si je n’y suis pas déjà, je ne tarderai pas à paraître.
«Tout va bien,
«LACHENEUR.»
Hélas!… qu’apprenait-elle, cette lettre! Que le mort s’appelait Gustave; qu’il était en relations avec Lacheneur, lequel lui avançait de l’argent pour une certaine chose, et que de plus ils s’étaient rencontrés à l’Arc-en-Ciel quelques heures avant le meurtre.
C’était peu, bien peu!… C’était quelque chose, cependant; c’était un indice, et dans ces ténèbres absolues, il suffit parfois, pour se guider, de la plus chétive lueur.
– Lacheneur!… grommela Gévrol, le pauvre diable prononçait ce nom dans son agonie…
– Précisément, insista le père Absinthe, et même il voulait se venger de lui… Il l’accusait de l’avoir attiré dans un piège… Le malheur est que le dernier hoquet lui a coupé la parole…
Lecoq se taisait. Le commissaire de police lui avait tendu la lettre, et il l’étudiait avec une incroyable intensité d’attention.
Le papier était ordinaire, l’encre bleue. Dans un des angles était un timbre à demi-effacé ne laissant distinguer que ce nom: Beaumarchais.
C’était assez pour Lecoq.
– Cette lettre, pensa-t-il, a certainement été écrite dans un café du boulevard Beaumarchais… Lequel? je le saurai, car c’est ce Lacheneur qu’il faut retrouver.
Pendant que, réunis autour du commissaire, les hommes de la Préfecture tenaient conseil et délibéraient, les médecins abordaient la partie délicate et véritablement pénible de leur tâche.
Avec le secours de l’obligeant père Absinthe, ils avaient dépouillé de ses vêtements le corps du faux soldat, et, penchés sur leur «sujet,» comme les chirurgiens du «cours d’anatomie,» les manches retroussées, ils l’examinaient, l’inspectaient, l’évaluaient physiquement.
Volontiers le jeune docteur-artiste eût enjambé des formalités très ridicules selon lui, et tout à fait superflues; mais le vieux avait de la mission du médecin-légiste une opinion trop haute pour faire bon marché du plus menu détail.
Minutieusement, avec la plus scrupuleuse exactitude, il notait la taille du mort, son âge présumé, la nature de son tempérament, la couleur et la longueur de ses cheveux, relatant l’état de son embonpoint et le degré de développement de son système musculaire.
Ensuite, ils passèrent à l’examen de la blessure.
Lecoq avait bien vu. Les docteurs constatèrent une fracture à la base du crâne. Elle ne pouvait, déclarait leur rapport, avoir été produite que par l’action d’un instrument contondant à large surface, ou par un choc violent de la tête contre un corps très dur, d’une certaine étendue.
Or, nulle arme n’avait été retrouvée, autre que le revolver, dont la crosse n’était pas assez forte pour produire une telle blessure.
Il fallait donc, de toute nécessité, qu’il y ait eu une lutte corps à corps entre le faux soldat et le meurtrier, et que ce dernier, saisissant son adversaire par le cou, lui eût fracassé la tête contre le mur.
La présence d’ecchymoses très petites et très nombreuses autour du cou donnait à ces conclusions une vraisemblance absolue.
Ils ne relevèrent d’ailleurs aucune autre lésion; pas une contusion, pas une égratignure, rien.
Ne devenait-il pas dès-lors évident, que cette lutte si acharnée, mortelle, avait dû être excessivement courte.
Entre l’instant où la ronde avait entendu un cri et le moment où Lecoq avait vu par la découpure du volet tomber la victime, tout avait été consommé.
L’examen des deux autres individus «homicidés», pour parler la langue de la médecine légale, exigeait des précautions différentes sinon plus grandes.
Leur position avait été respectée; ils gisaient en travers de la cheminée comme ils étaient tombés, et leur attitude devait fournir des indices précieux.
Elle était telle, cette attitude, qu’il ne pouvait même venir à l’idée que leur mort n’eût pas été instantanée.
Tous deux étaient étendus sur le dos, les jambes allongées, les mains largement ouvertes.
Pas de crispations, de torsions de muscles, nulle trace de combat, ils avaient été foudroyés.
Leur physionomie, à l’un et à l’autre, exprima l’épouvante arrivée à son paroxysme. Ce qui devait faire présumer, l’opinion de Devergie admise, que le dernier sentiment de leur existence avait été non la colère et la haine, mais la terreur…
– Ainsi, disait le vieux docteur, je suis autorisé à imaginer qu’ils ont dû être stupéfiés par quelque spectacle absolument imprévu, étrange, effrayant… Cette expression terrifiée que je leur vois, je ne l’ai surprise qu’une fois, sur les traits d’une brave femme, morte subitement du saisissement qu’elle éprouva en voyant entrer chez elle un de ses voisins qui s’était déguisé en fantôme, pour lui faire une bonne farce.
Ces explications du médecin, Lecoq les buvait, pour ainsi dire, et il cherchait à les ajuster aux vagues hypothèses qui surgissaient du fond de sa pensée.
Mais qui pouvaient être ces individus, accessibles à une telle peur?
Garderaient-ils comme l’autre le secret de leur identité?
Le premier que les docteurs examinèrent avait dépassé la cinquantaine. Ses cheveux étaient rares et blanchissaient; toute sa barbe était rasée, à l’exception d’une grosse touffe rousse et rude qui s’épanouissait sous son menton très proéminent.
Il était misérablement vêtu, d’un pantalon qui s’effiloquait sur des bottes lugubrement éculées, et d’une blouse de laine noire toute maculée.
Celui-là, le vieux docteur le déclara, avait été tué d’un coup de feu tiré à bout portant: la largeur de la plaie circulaire, l’absence de sang sur les bords, la peau rétractée, les chairs dénudées, noircies, brûlées, le démontraient avec une précision mathématique.