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Le Fauteuil Hante

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Le Fauteuil Hante
Название: Le Fauteuil Hante
Автор: Leroux Gaston
Дата добавления: 16 январь 2020
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Le Fauteuil Hante - читать бесплатно онлайн , автор Leroux Gaston

L'Acad?mie fran?aise est le th??tre de drames r?p?t?s. Un ? un les candidats ? la succession de Mgr d'Abbeville s'?croulent, morts, en pronon?ant leur discours de r?ception. Les Immortels ne le sont plus! Ils restent trente-neuf. Un refoul? de l'Acad?mie aurait-il le pouvoir de jeter un mauvais sort? Monsieur le Secr?taire perp?tuel, Hippolyte Patard, et Monsieur Gaspard Lalouette, marchand d'antiquit?s, m?nent leur enqu?te en tremblant de peur… et en nous faisant bien rire. Le quaranti?me fauteuil sera quand m?me occup?…

Dans Le Fauteuil hant?, Gaston Leroux, le p?re de Rouletabille, se moque de l'illustre Acad?mie et, apr?s bien des aventures, nous r?v?le un myst?re incroyable!

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La maison de M. Loustalot était une belle et grande maison des champs, solide, confortable, construite en brique et pierre meulière. Elle était tout entourée, dans le jardin et la cour de petits bâtiments qui devaient être certainement consacrés aux travaux immenses du grand Loustalot, travaux qui révolutionnaient la chimie, la physique, la médecine, et généralement toutes les fausses théories placées par l'ignorance routinière des hommes à l'origine de ce que nous appelons, dans notre orgueil: la science.

Une particularité du grand Loustalot était qu'il travaillait tout seul.

Son caractère, qui était, paraît-il, assez ombrageux, ne supportait pas la collaboration.

Et il habitait cette maison toute l'année, avec son domestique-un unique domestique-le géant Tobie. Le fait était bien connu. On ne s'en étonnait pas. Le génie a besoin d'isolement.

Derrière Loustalot, Gaspard Lalouette avait pénétré dans un étroit vestibule sur lequel donnait l'escalier conduisant aux étages supérieurs.

– Je vais vous faire monter au salon, dit le grand Loustalot, nous serons mieux pour causer.

Et il gravit l'escalier qui conduisait au premier étage.

Lalouette suivait, naturellement, et derrière Lalouette, venaient les chiens.

Après le premier étage, on se mit à monter au second. Là, on s'arrêta, car il n'y avait pas de troisième étage. Le salon du grand Loustalot était sous les toits. Il en poussa la porte. C'était une pièce toute nue, sans ornement aucun aux murailles, et garnie tout simplement d'un guéridon et de trois chaises en paille. Les deux hommes entrèrent, toujours suivis des deux chiens.

– C'est un peu haut! fit le grand Loustalot, mais, au moins, les visiteurs-vous savez qu'il y en a qui ne se gênent point pour faire du bruit et qui se croient partout chez eux, marchant dans le salon de long en large, à tort et à travers-les visiteurs, quand je les fais attendre dans le grenier, ne me gênent point pendant que je travaille en bas dans ma cave.

Asseyez-vous donc, mon cher monsieur Lalouette, je ne sais ce qui vous amène, mais je serais particulièrement heureux de vous faire plaisir. J'ai appris par les journaux que je lis quelquefois…

– Moi, mon cher maître, je ne les lis jamais, mais Mme Lalouette les lit pour moi. Comme ça je ne perds pas de temps et je suis au courant de tout.

Mais il n'en dit pas plus long. L'attitude jusqu'alors si aimable du grand Loustalot présentait tout à coup un aspect inquiétant. Sa petite personne si remuante, à l'instant même, s'était immobilisée sur sa chaise comme un pantin de cire, cependant que ses yeux, naguère si papillotants, étaient devenus tout à fait fixes, comme les yeux de quelqu'un qui écoute au loin s'il n'entend pas quelque chose.

En même temps, les deux chiens qui s'étaient placés de chaque côté de M. Gaspard Lalouette, ouvrant lentement leurs gueules énormes, faisaient entendre un lent, long, lamentable ululement comme lorsque les chiens, raconte-t-on, «hurlent à la mort».

Impressionné, effrayé même, M. Lalouette qui, cependant, ne perdait pas facilement son sang-froid, se leva. Sur sa chaise, immobile, le Loustalot écoutait toujours, loin, loin.

Enfin, il parut revenir du bout du monde, et, avec la rapidité automatique d'un jouet à ressort, il se jeta sur les chiens et les frappa de ses petits poings jusqu'à ce qu'on ne les entendît plus.

Et puis, se retournant sur Lalouette, il le fit se rasseoir et lui parla, cette fois, sur le ton le plus rude et le plus déplaisant.

– Alors!… dépêchez-vous!… je n'ai pas de temps à perdre!… parlez!… Cette affaire de l'Académie est bien regrettable… ces trois morts… trois morts sublimes. Mais je n'y peux rien, moi, n'est-ce pas? Il faut espérer que ça ne va pas continuer!… car enfin, où irions-nous, où irions-nous? comme dit ce bon M. Patard!… Le calcul des probabilités serait tout à fait insuffisant à expliquer une quatrième mort naturelle… certainement si l'Académie française, dont je m'honore de faire partie… si l'Académie existait depuis dix mille années et encore… une chose pareille en dix mille ans!… Non! c'est fini… Trois, c'est déjà bien beau! Il faut tout à fait se rassurer!… Mais parlez donc, monsieur Lalouette… je vous écoute!… Alors vous avez expertisé l'orgue de Barbarie?… Et vous avez dit… j'ai lu cela… vous avez dit: «Euh! Euh!» Au fond, que croyez-vous?

Et il ajouta sur un ton radouci, presque enfantin:

– C'est très curieux, cette histoire de la chanson qui tue.

– N'est-ce pas? osa enfin «placer» M. Gaspard Lalouette qui, désormais tout à son sujet, ne pensa plus du tout aux deux molosses qui, eux, ne le perdaient pas de vue. N'est-ce pas?… Eh bien, mon cher maître… c'est à cause de cela que je suis venu vous trouver… à cause de cela… et du secret de Toth… puisque vous lisez les journaux.

– Oh! je les parcours, monsieur Lalouette, je n'ai pas, moi, de Mme Lalouette pour me les lire, et je n'ai pas plus de temps à perdre que vous, veuillez le croire… aussi j'ignore tout à fait ce que c'est que votre secret de Toth!

– Ah! ce n'est pas le mien, hélas! sans quoi, je serais, paraît-il, le maître de l'univers… mais je suis en mesure de vous dire en quoi il consiste.

– Pardon, monsieur pardon, ne nous égarons pas! Est-ce qu'il y a un lien quelconque entre la chanson qui tue et le secret de Toth?

– Sans doute, mon cher maître, sans quoi je ne vous en parlerais pas…

– Enfin, où voulez-vous en venir? Quel a été votre but en venant ici?

– De vous demander comme au plus savant, si un être qui connaît le secret de Toth peut en tuer un autre par des moyens inconnus au restant des hommes. Ce que je veux savoir, moi, Gaspard Lalouette, que les circonstances ont appelé, comme expert, à dire mon mot dans cette lugubre histoire, c'est ceci-ceci pourquoi uniquement je suis venu vous trouver-Martin Latouche peut-il avoir été assassiné? Maxime d'Aulnay peut-il avoir été assassiné? Jehan Mortimar peut-il avoir été assassiné?

M. Lalouette n'avait pas fini de formuler cette triple hypothèse qu'Ajax et Achille rouvrirent leurs épouvantables gueules d'où il s'échappa, plus lamentable encore que tout à l'heure, le ululement à la mort! En face, le grand petit Loustalot, les yeux redevenus fixes comme ceux de quelqu'un qui écoute au loin s'il n'entend pas quelque chose, le grand petit Loustalot était tout pâle.

Mais, cette fois, il ne fit pas taire ses molosses et, avec le ululement des chiens, M. Gaspard Lalouette crut entendre un autre ululement plus affreux, plus horrible, comme un ululement qui aurait été humain.

Mais c'était sans doute une illusion, car les chiens se turent à la fin et ce qui aurait pu être un ululement humain se tut en même temps.

Alors, M. Loustalot dit, les yeux redevenus papillotants, vivants, et après avoir fait entendre une petite toux sèche:

– Bien sûr que non qu'ils n'ont pas été assassinés… Ça n'est pas possible. N'est-ce pas! Ça n'est pas possible!… s'exclama M. Loustalot. Et il n'y a pas de secret de Toth qui tienne!…

M. Loustalot se grattait alors le bout du nez… Il fit:

– Hum! Hum!

Ses yeux étaient repartis, vagues… lointains… M. Lalouette parlait encore, mais, de toute évidence, M. Loustalot ne l'entendait plus… ne le voyait même plus… oubliait même qu'il était là…

Et M. Loustalot oublia si bien que M. Lalouette était là, qu'il s'en alla, tranquillement, sans un mot d'au revoir ni de politesse à l'adresse de son hôte, et il referma la porte, laissant M. Gaspard Lalouette avec les deux molosses.

M. Lalouette se dirigea vers la porte, mais il trouva entre elle et lui Ajax et Achille qui s'opposèrent formellement, sans grand discours, à ce qu'il fît un pas de plus dans cette direction.

Le malheureux, alors, tout à fait ahuri, et ne comprenant rien à sa situation, appela.

Et puis, il se tut, car sa voix avait le don d'exaspérer, semblait-il, les deux chiens qui montraient des crocs terribles.

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