La main coupee (Отрезанная рука)
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продолжение серии книг про Фантомаса
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— Et vous, interrogea-t-il en regardant l’officier, jouerez-vous aussi ?
Ivan détourna la tête : ses yeux obstinément fixaient la pointe de ses souliers.
— Non, grogna-t-il, je ne peux pas, je ne peux pas, je ne jouerai pas.
Mais, comme s’il faisait un effort pour formuler une telle demande, il poursuivit d’une voix sourde :
— Je vous demande simplement ceci : jouez comme je vous le dirai, suivez mes conseils aveuglément et le bénéfice, eh bien, le bénéfice…
Norbert avait compris ; avec un tact parfait il ajouta, complétant la pensée que n’osait formuler l’officier :
— Nous le partageons.
***
Quiconque aurait écouté leur conversation aurait été à coup sûr fort peu édifié sur la situation sociale des gens qui s’entretenaient entre eux.
Il y avait là trois messieurs, entre trente et quarante-cinq ans, qui fumaient de voluptueux cigares sans paraître se préoccuper le moins du monde des drames qui se déroulaient sans cesse autour des tapis verts.
L’un d’eux, un homme ventripotent, à la barbe poivre et sel peignée en éventail, qui revenait de boire un cocktail au bar, quittait à l’instant ses compagnons pour aller saluer une jolie dame brune qui passait au milieu la salle, un programme du théâtre à la main :
— Quelle charmante soirée, ma chère amie, faisait le gentleman, en baisant respectueusement la main de son interlocutrice, que saluaient de loin les deux autres fumeurs.
La dame en profita pour avouer sa fatigue :
— Je suis exténuée, disait-elle à haute voix, je vous en prie, mon cher ami, si vous avez une chaise ou un fauteuil, faites m’en donc profiter.
Le personnage ventripotent désignant du doigt un canapé disponible, la jeune femme brune allait s’y installer.
Elle était ainsi un peu à l’écart de la foule et brusquement le ton de la conversation se modifia.
Ce n’étaient plus les phrases polies, nuancées et banales d’un entretien mondain. Certes, les gestes et les physionomies ne se modifiaient point, mais ils démentaient les paroles échangées entre la femme et les trois hommes.
— Madame Gérar, disait l’un d’eux, rien de neuf, n’est-ce pas, au sujet de cette Hongroise qui a tant perdu avant dîner ?
— Non, monsieur Ballier, je l’ai surveillée à l’hôtel… évidemment cette perte la touche un peu, mais elle est riche et peut la supporter.
Le personnage ventripotent s’adressa ensuite à son voisin :
— Nalorgne, questionnait-il, avez-vous surveillé encore cette table ?
— Oui, Pérouzin, répondit l’interpellé, le sept est en veine, il sort tout le temps.
— Ah, fit Pérouzin, et aux autres tables ?
— Aux autres tables il sort normalement, plus ou moins. Rien de remarquable. C’est à la table sept que le sept est extraordinaire.
Ces quatre personnes qui se trouvaient ainsi en présence et qui paraissaient être de riches désœuvrés venus faire une saison à Monaco, n’étaient autres en effet que des inspecteurs des jeux, ayant pour mission, non seulement de surveiller discrètement les parties, mais encore de s’attacher sur les traces des joueurs que des différences trop graves ou trop répétées pouvaient conduire à quelque extrémité.
Car on ne veut pas admettre que le malheur s’abatte à Monaco et, de même que dans les sanatoriums de tuberculeux on renvoie les moribonds avant l’heure dernière, on vous expulse volontiers de Monte-Carlo, on vous aide même à en partir avant que vous soyez complètement décavé et réduit aux pires extrémités.
Mais si M. Ballier était un inspecteur éminemment professionnel et que M meGérar, fille d’une directrice d’hôtel, avait été très naturellement orientée vers cette profession d’inspectrice, leurs deux autres collègues n’avaient pas toujours appartenu à la confrérie des contrôleurs des jeux.
Pérouzin, l’homme ventripotent à la barbe poivre et sel peignée en éventail, était un ancien notaire de province, quant à Nalorgne, homme au teint brun, aux yeux creux, au visage émacié, c’était un ancien prêtre que les hasards de l’existence et la loi de Séparation avaient, après mille péripéties, conduit à exercer cette profession ignorée du grand public.
Un peu plus tard, les inspecteurs se retrouvaient parmi les joueurs autour de la septième table de roulette où le numéro sept sortait avec une telle insistance.
Assurément, dans l’esprit des inspecteurs, cette régularité ponctuelle avait quelque chose de suspect : il importait de surveiller un peu tout le monde, aussi bien les joueurs que les croupiers, que la roulette elle-même.
La clientèle de la septième table était d’ailleurs particulièrement variée et cosmopolite.
On remarquait, assis à côté d’une douairière qui étalait avec ostentation une rivière de diamants sur une poitrine gélatineuse et opulente, un vieil Arménien, au nez crochu, à la chevelure hirsute et qui sans cesse maniait l’or avec une crispation nerveuse dans les phalanges des doigts.
En face se trouvaient deux jeunes snobs, deux frères probablement, tirés à quatre épingles, qui perdaient avec régularité et au fur et à mesure que la soirée s’avançait ; ces deux frères qui avaient joué ensemble, en bonne intelligence, se foudroyaient mutuellement du regard, paraissant prêts à s’invectiver, à se rendre mutuellement responsables de la malchance qui s’acharnait sur eux.
Au bout de la table, deux petites Américaines tapageuses, mais jolies, semaient l’or au hasard avec une désinvolture incroyable. Derrière elles se tenait, impassible, flegmatique, un homme à la chevelure blanche et rare, au visage brique, leur père évidemment. Ce vieillard immobile, avec des gestes d’automate, faisait perpétuellement la navette entre les bureaux de change et la table de roulette, munissant ses filles des banknotes dont elles avaient besoin.
Isabelle de Guerray était installée à côté du croupier.
Depuis deux heures déjà elle perdait et la malheureuse s’acharnant à jouer, continuait à perdre. Certes, ce n’était plus la femme élégante et précautionneuse qui songe à l’effet qu’elle produit, qui ne fait pas un geste, pas un mouvement de nature à contrarier la belle ordonnance de sa personne. Isabelle de Guerray, au cours de la partie, avait subitement vieilli de dix ans. Les traits de son visage s’étaient tirés. Au sourire habituellement stéréotypé sur ses lèvres, avait fait suite un rictus amer et farouche. De grosses rides étaient tracées dans le fard de ses joues par la sueur qui perlait en larges gouttes sur son front préoccupé.
Elle avait une respiration rauque et sifflante, instinctivement, au fur et à mesure que chaque partie se déroulait, elle comprimait les battements de son cœur d’une main tremblante aux veines bleutées, saillant sous la peau, une vraie main de vieille femme.
Et toujours la litanie des croupiers persistait, toujours la même :
— Faites vos jeux, messieurs, faites vos jeux.
La foule alors s’animait, s’agitait, on causait entre soi, on se suggérait des chiffres.
Puis retentissait le « Rien ne va plus ». C’était alors le silence que troublaient simplement les saccades de la bille courant à contresens sur le plateau de la roulette.
Elle allait bondissant et rebondissant, puis, une fois qu’elle s’était logée, retentissait la voix du directeur de la partie, prononçant l’arrêt définitif.
Or, trois fois sur quatre ce soir-là, à la septième table de la roulette de Monaco, c’était le sept, rouge, impair et manque qui passait.
Onze heures sonnaient.
Depuis une demi-heure environ Ivan Ivanovitch, penché sur l’épaule de Norbert du Rand, n’avait pas relevé la tête. Le jeune homme avait suivi ses conseils et gagné, imperturbablement.
— Jouez le sept, avait ordonné Ivan Ivanovitch…
Norbert avait obéi et, à chaque fois, c’était le numéro fatidique qui était sorti.
On avait d’abord été surpris, interloqué, puis, par esprit de contradiction, par raisonnement aussi, on s’était dit qu’il fallait jouer contre le sept.