La vie devant soi
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Il devait penser que j’?tais encore interdit aux mineurs et qu’il y avait des choses que je ne devais pas savoir. En ce moment, je devais avoir sept ans ou peut-?tre huit, je ne peux pas vous dire au juste parce que je n’ai pas ?t? dat?, comme vous allez voir quand on se conna?tra mieux, si vous trouvez que ?a vaut la peine.
Momo ne conna?t pas son ?ge, mais il conna?t le «?droit des peuples ? disposer d’eux-m?mes?» et, conform?ment ? ce droit sacr? ? la dignit?, Madame Rosa, ancienne prostitu?e reconvertie en nounou pour «?enfants de putes?», n’est pas oblig?e d’aller ? l’h?pital. Il va donc tout mettre en ?uvre pour la pr?server contre l’acharnement th?rapeutique. Car, s’il sait que l’on peut vivre sans amour, il sait aussi reconna?tre cette chose formidable quand elle se pr?sente. Il sait que sans l’amour qu’elle lui infuse, sans l’amour qui d?borde de son propre c?ur, en vrac pourvu que ?a sorte, la vie serait une lutte perdue d’avance pour les petits pensionnaires de la rue Bisson, ? Belleville.
Pour nous parler d’un monde ? part o? les prostitu?e sont «?des personnes qui se d?fendent avec leur cul?», o? les enfants vendent les chiens parce qu’ils les aiment trop, o? les gens ont une grandeur d’?me insoup?onn?e, Momo amalgame les mots sans toujours en saisir le sens, ce qui donne lieu ? des phrases souvent incorrectes, mais toujours vraies et parfois m?me tr?s crues. Cette ?uvre bouleversante mais jamais larmoyante, publi?e sous le nom d’?mile Ajar, a remport? le Goncourt 1975, inscrivant ainsi Romain Gary dans la l?gende, puisqu’il est le seul romancier ? avoir d?croch? deux fois le prestigieux prix.
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Elle a soupiré et puis elle s’est levée et elle est allée fouiller dans son sac.
– Tiens, prends ça.
Elle m’a refilé trente sacs.
Je suis allé faire de l’eau au robinet parce que j’avais une soif de seigneur.
Je suis redescendu et je me suis enfermé avec Madame Rosa dans son trou juif. Mais j’ai pas pu tenir. Je lui ai versé dessus tout le parfum qui restait mais c’était pas possible. Je suis ressorti et je suis allé rue Coulé où j’ai acheté des couleurs à peindre et puis des bouteilles de parfum à la parfumerie bien connue de Monsieur Jacques qui est un hétérosexuel et qui me fait toujours des avances. Je ne voulais rien manger pour punir tout le monde mais c’était même plus la peine de leur adresser la parole et j’ai bouffé des saucisses dans une brasserie. Quand je suis rentré, Madame Rosa sentait encore plus fort, à cause des lois de la nature et je lui ai versé dessus une bouteille de parfum Samba qui était son préféré. Je lui ai peint ensuite la figure avec toutes les couleurs que j’ai achetées pour qu’elle se voie moins. Elle avait toujours les yeux ouverts mais avec le rouge, le vert, le jaune et le bleu autour c’était moins terrible parce qu’elle n’avait plus rien de naturel. Après j’ai allumé sept bougies comme c’est toujours chez les Juifs et je me suis couché sur le matelas à côté d’elle. Ce n’est pas vrai que je suis resté trois semaines à côté du cadavre de ma mère adoptive parce que Madame Rosa n’était pas ma mère adoptive. C’est pas vrai et j’aurais pas pu tenir, parce que je n’avais plus de parfum. Je suis sorti quatre fois pour acheter du parfum avec l’argent que Madame Lola m’a donné et j’en ai volé autant. Je lui ai tout versé dessus et je lui ai peint et repeint le visage avec toutes les couleurs que j’avais pour cacher les lois de la nature mais elle se gâtait terriblement de partout parce qu’il n’y a pas de pitié. Quand ils ont enfoncé la porte pour voir d’où ça venait et qu’ils m’ont vu couché à côté, ils se sont mis à gueuler au secours quelle horreur mais ils n’avaient pas pensé à gueuler avant parce que la vie n’a pas d’odeur. Ils m’ont transporté en ambulance où ils ont trouvé dans ma poche le bout de papier avec le nom et l’adresse. Ils vous ont appelés parce que vous avez le téléphone, ils avaient cru que vous étiez quelque chose pour moi. C’est comme ça que vous êtes tous arrivés et que vous m’avez pris chez vous à la campagne sans aucune obligation de ma part. Je pense que Monsieur Hamil avait raison quand il avait encore sa tête et qu’on ne peut pas vivre sans quelqu’un à aimer, mais je ne vous promets rien, il faut voir. Moi j’ai aimé Madame Rosa et je vais continuer à la voir. Mais je veux bien rester chez vous un bout de temps, puisque vos mômes me le demandent. C’est Madame Nadine qui m’a montré comment on peut faire reculer le monde et je suis très intéressé et le souhaite de tout cœur. Le docteur Ramon est même allé chercher mon parapluie Arthur, je me faisais du mauvais sang car personne n’en voudrait à cause de sa valeur sentimentale, il faut aimer.
