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O.N.G.!

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O.N.G.!
Название: O.N.G.!
Автор: Gran Iegor
Дата добавления: 16 январь 2020
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O.N.G.! - читать бесплатно онлайн , автор Gran Iegor

La guerre. Ca se passe en France. Une ville moyenne. Un immeuble tout confort. Et deux locataires, les organisations non gouvernementales La Foul?e verte et Enfance et vaccin, qui ne se supportent pas. La Foul?e verte travaille ?videmment ? sauver l'humanit? des catastrophes ?cologiques qui la menacent et ? la prot?ger des poisons qu'on lui distille. Quant ? Enfance et vaccin, inutile d'insister. Beaucoup de bons sentiments de part et d'autre. Beaucoup de mots, beaucoup de formules et d'id?es toutes faites. Une certitude ?norme d'?tre indispensable et la bonne conscience monstrueuse qui va avec. Le sel de la terre! Et c'est bien s?r au niveau le plus mesquin que naissent les premi?res difficult?s entre les deux organisations.

Julien est b?gue depuis l'?ge de dix ans, depuis que son p?re l'a surpris en train de br?ler les testicules d'un chat errant. B?gue mais pas manchot quand il s'agit de tenir une plume. ? la recherche d'un stage et bien d?sireux de fuir l'exemple "mini-bourgeois" de ses parents, Julien d?gotte une place ? la Foul?e Verte, ONG quasi mystique d?fendant les pingouins du p?le et la couche d'ozone. Sous la houlette d'Ulis, le chef charismatique au glorieux pass? et de la belle Celsa, Julien s'?panouit et s'enflamme pour la cause, pr?t ? tout pour faire triompher ses id?aux et ceux de ses sup?rieurs. ? tout dites-vous? ? tout, oui. Car, quand une ONG baptis?e "Enfance et vaccin" s'installe dans le m?me immeuble, bousille affiches et v?los, lance des insultes et pactise avec les pires ennemis de la Foul?e Verte, c'est la guerre que l'on d?clare. Et Julien, en plus de son r?le de chroniqueur de guerre, est bien d?cid? ? en d?coudre.

Iegor Gran a un talent d'?criture certain, beaucoup d'humour et une dent contre ses personnages. Pas de h?ros dans cette histoire naviguant sur l'oc?an de l'absurde mais une tripot?e d'individus plus ou moins recommandables qui s'arrachent le monopole de la bonne conscience. Et qui justifient par un soi-disant code d'honneur et un pataqu?s philosophico-social un peu plus de richesse, un peu plus de pouvoir. Sur ce th?me, Iegor Gran offre un tr?s bon roman et donne un grand coup de pied ? notre soci?t?. Comme quoi le mariage des deux n'est pas impossible.

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– Je reste.

– Chatou?

– Évidemment.

Il a passé ainsi son petit monde en revue, et personne n'a exprimé le désir de lâcher. Nos médailles scintillaient à la lumière du lampadaire, et l'eau des vaccins ne diminuait pas leur éclat, au contraire.

– Nous sommes donc prêts, a dit Ulis. Méditons ensemble, voulez-vous. Allons chercher au fond de nous-mêmes ce trait de lumière qui canalisera notre volonté en énergie. Car l'heure de la grande bataille approche.

Dans un silence ponctué de flic-flac, nous avons démultiplié nos sens. À quoi pensait-on? Ce devait être quelque chose de très personnel. Moi, je voyais un grand soleil accueillant, des prés à perte de vue où zigzaguait un chemin fait de Cow-boys écrasés. C'était l'idéal vers lequel je devais tendre. Mon côté sombre ne m'en laissait pas l'occasion. Il m'attrapait de ses pattes de chat et m'engluait dans des désirs ténébreux, très éloignés de la Foulée verte. Mentalement, j'ai pris une batte de base-ball et j'ai tapé le mal de toutes mes forces. Prends ça! pensais-je. C'était symbolique, c'est entendu, mais diablement efficace.

Quand nous avons chacun chassé l'intrus qui était en nous, de sorte que nos cœurs sont devenus semblables à des cristaux de roche, Ulis a dit d'une voix plaintive, un peu chantante comme celle d'un pope:

– E-é-é-exxon Valdez!

On s'est regardés et les anciens ont repris en chœur:

– Exxon Valdez!

Ulis s'est fait plus insistant:

– E-é-é-exxon Va-a-aldez!

Alors les bénévoles aussi, se sont joints à l'hymne. C'était instinctif.

– Exxon Valdez! a-t-on chanté.

Ulis a levé les mains vers le ciel:

– E-é-é é-é-é é-exxon Valdez!

Il répéta ainsi une vingtaine de fois le nom sacré. Nous le suivions inlassablement, de plus en plus fort:

– Exxon Valdez!

Les vaccins avaient beau taper des pieds à faire palpiter le plafond, on criait à tue-tête.

– Exxon Valdez!

Et comme un pizzicato, la voix aiguë de Celsa se greffait avec une demi-mesure de retard:

– Exxon Valdez!

Ah c'était quelque chose. La fatigue avait disparu. L'eau qui nous submergeait nous paraissait divine.

– Exxon Valdez!

Ils devaient se sentir marris, les vaccins, de nous entendre aussi soudés, le moral en acier, les poumons en trombone d'Apocalypse, à lancer le cri primal qui devait perforer le cosmos.

– Exxon Valdez!

Les étoiles tremblaient. Encore un peu, elles seraient tombées du ciel.

– Exxon Valdez!

Au bout d'une heure de ce traitement qui allait crescendo, les vaccins ont cessé de taper. Ils ont compris qu'il n'y avait rien à faire contre une telle volonté, forgée sur le nom de la plus mythique des marées noires. Nous avions réussi à faire passer un je-ne-sais-quoi de terreur primitive. On était le feu qu'aucune trombe n'aurait pu éteindre.

Alors le dégoulinement a cessé. Nous avions gagné la bataille.

Bien des jours après les événements, certains chroniqueurs ont prétendu que les vaccins auraient coupé l'eau parce qu'ils craignaient pour la solidité de leur plancher. C'est possible, mais je ne le crois pas. Je pense plutôt qu'ils ont eu peur de notre fougue intérieure qui grandissait et qui paraissait sans limites.

Personne n'a crié de joie. On a juste serré la sangle abdominale, et on a lancé une dernière fois, plus fort que jamais:

– EXXON VALDEZ!

Le silence qui s'en est suivi était assourdissant.

De temps en temps, des gouttes tombaient encore sur nos visages gonflés, imbibés de fatigue.

Le plâtre, mélangé à la moquette grise, recouvrait nos tranchées d'une fine couche neigeuse.

Ulis a tourné vers nous son visage illuminé de bonté.

– Vous êtes grands, mes enfants. Vos poitrails ont donné le meilleur de vous-mêmes. Et vous en avez été récompensés. Voyez comme la Foulée verte est descendue sur vous, voyez la force qu'elle vous a conférée!

Il s'est dirigé vers son bureau.

– Vous avez mérité que je vous le montre.

Il a ouvert un gros tiroir fermé à clé.

– Regardez!

Il tenait dans ses mains un vieux sac en plastique jaune fermé avec du fil rouillé. On devinait un contenu sombre et mou.

Il nous a fait venir autour de lui. Sans se presser, ses mains ont délié le fil de fer.

– Je l'ai conservé toutes ces années.

Une odeur de pourriture et d'essence a envahi la pièce.

Ulis a sorti son couteau suisse. Avec une cuillère il a prélevé un peu de substance qu'il a étalée au fond de sa paume. La lumière du lampadaire s'y réfléchissait faiblement, presque à contrecœur.

Il a dit:

– La chose est rare. Ça vient de là-bas… D'Alaska… C'est du fioul Valdez… Je l'ai ramassé sur les rochers de Montague Island. J'étais jeune alors. Vigoureux comme vous l'êtes aujourd'hui. Je me suis promis de le garder sur moi toute ma vie. Il me rappelle l'aveuglement des hommes.

On le regardait avec des yeux fiévreux, ne sachant comment réagir devant une relique aussi importante pour la Foulée verte.

Ulis parlait en tendant sa paume.

– Sentez, n'ayez crainte. L'odeur vient des algues. Le sac plastique a un peu perverti les éléments, les hydrocarbures mélangés à de l'eau salée forment une mélasse des plus particulières…

Celsa n'a pas pu résister à la tentation. (C'est une façon de parler. En aucun cas je ne considère la femme comme plus sujette à la curiosité, ou à tout autre travers qu'on leur attribue communément dans les milieux mini-bourgeois.) Elle a tendu son doigt. Dans un geste animé de mille grâces, elle a touché la paume d'Ulis. Un peu de noir est resté collé. L'index est revenu vers ses narines, qui ont longuement palpité au-dessus de la substance.

Elle a fermé les paupières. Un sourire imperceptible baignait ses lèvres. Vous dire qu'elle était belle serait au mieux un euphémisme, au pire un réflexe sexiste qui se contente de voir une reproductrice là où il y a une femme. Disons alors que ses cheveux mouillés, plaqués au front, encadraient un visage où se lisait l'harmonie avec le macrocosme.

Aussitôt, les images de Cow-boys sont venues me torturer. Heureusement l'odeur des algues pourries était suffisamment forte pour me dégriser. Voyant son effet bénéfique sur mes mauvaises dispositions, j'ai suivi l'exemple de Celsa, et j'ai pris sur mon majeur un peu de substance que j'ai sniffée.

Malgré une forte envie de vomir, ou, devrais-je dire, à cause de cette envie, j'ai ressenti l'impétueuse nécessité de me battre contre les pollueurs. Comme une deuxième main au piano, venait une voix mielleuse qui me disait: tu es sur la bonne pente, Julien. Prends ta jeunesse et investis-la dans le combat. La Foulée verte te le rendra. Le tout était plongé dans une sensation d'immensité que seule la contemplation de la nature peut donner. Jamais je n'oublierai cette émotion.

J'ai ouvert.

Autour de moi, les bénévoles faisaient la même expérience, avec, me semblait-il, des résultats équivalents, si l'on jugeait d'après leur mine extatique.

Celsa, elle, avait franchi le pas. Son doigt était entre ses lèvres.

Je n'allais pas me dégonfler.

J'ai pris l'hostie.

Le fioul a attaqué dru en bouche. Ses notes graves ont fait au palais comme un rugissement de clarinette. L'amertume a collé la langue dans une débauche de violoncelles. Les algues fermentées déchaînaient une avalanche. Une pointe salée clôturait l'édifice.

Un peu sonné par ce coup de canon, je me suis assis dans la moquette trempée.

Plus rien ne pouvait m'arrêter désormais: j'avais mangé de la relique, communié avec l'Exxon Valdez lui-même.

Une lueur semblable brillait dans la pupille de mes camarades. On était galvanisés.

L'aurore pointait son nez.

Nous nous sommes regardés, de l'émerveillement se lisait sur nos visages: nous avions survécu à une nuit de folie. Malgré une attaque d'une férocité inouïe, nous, les inférieurs en nombre mais supérieurs en foi, n'avions cédé un centimètre. La position en hauteur de nos ennemis, pourtant de grande valeur stratégique, ne leur a pas permis de l'emporter.

On a déboutonné en grand les fenêtres. Un soleil encore rouge de sommeil a joué avec nos cils fatigués. On l’a remercié dans une prière muette. O toi, soleil, source infinie d'énergie toujours propre, merci de te lever sur cette nouvelle journée qui sera celle de notre triomphe.

Ça n'était pas encore du bonheur, mais ça y ressemblait.

Ulis et Celsa ont préparé le plan de bataille. Les renforts, reposés et nombreux, étaient prévus à neuf heures. Ils devaient nous apporter de quoi nous changer et des provisions.

Ulis a laissé un message chez Saint-Cyr.

– Tenue de combat, a-t-il précisé. Baskets souples. Survêt. Protège-tibias pour ceux qui en ont. Les ponchos, on les garde à la maison. Médailles apparentes, en revanche, pour montrer à ces enflures qu'on a le sens de l'esthétique.

L'offensive a été fixée à dix heures. D'ici là, Ulis nous a donné une consigne précise: ne pas laisser les vaccins se reposer. Leur faire croire que l’on s'apprête à les attaquer. Les harceler psychologiquement. De la sorte, ils seront obligés de garder un grand nombre de troupes en permanence à l'étage. Épuisés par une nuit blanche, ils ne tiendront pas longtemps quand nos sections fraîches se lanceront à l'assaut.

Chatou s'est placé à un endroit où le plâtre du plafond avait été le plus abîmé. Il cognait les moulures avec un manche à balai, de manière à produire le plus de boucan possible. Quand il

se fatiguait, un bénévole prenait le relais à un autre endroit. Les vaccins lui répondaient en tapant du talon. Des nuages de plâtre flottaient sur nous comme des fumigènes.

Tapi sous les rebords des fenêtres, on surveillait le parvis. On comptait ainsi les entrées et sorties des vaccins, ce qui nous donnait une estimation permanente de leurs effectifs. Malabry prenait des notes.

– Sépare donc en masculin-féminin, lui a chuchoté Ulis pendant que Celsa tournait le dos. On pourra sûrement en tirer un avantage stratégique.

Il y avait en effet beaucoup de femmes chez les vaccins, dont des brunâtres, semblables à l'enfant de l'ascenseur.

La lieutenante au passé africain était la plus arrogante. Elle se pavanait sur le parvis, parfois elle lançait vers nos fenêtres des œillades incandescentes et des onomatopées.

Personne ne lui répondait. L'esprit de la Foulée verte était ancré en nous, et nous ne lui avons lancé aucune remarque dont j'aurais à rougir aujourd'hui, ni “salope”, ni “boulette de neige”, ni rien. Pourtant j'ai eu l'amertume de constater que cette femme poussait très en avant sa féminité, qui se manifestait principalement vers le bas du dos, à grands efforts ondulatoires. Jamais aucune bénévole de la Foulée verte ne se serait comportée de la sorte.

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