La Femme DUn Autre Et Un Mari Sous Le Lit
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L'?crivain renoue ici avec la veine comique, mais dans un genre l?g?rement scabreux qui ?tait alors en vogue. Dans le premier r?cit, nous voyons le mari jaloux attendre sa femme ? l'issue d'un rendez-vous: il entre en conversation avec un jeune amant de celle-ci qui l'attend lui aussi. Enfin l'?pouse infid?le sort, accompagn?e d'un homme. Elle a tromp? et son mari et son premier amant… Dans le second chapitre, le m?me mari jaloux voudrait surprendre en flagrant d?lit sa femme, mais il se trompe d'?tage et, ayant p?n?tr? dans un logement inconnu, il se cache sous le lit o? se trouve d?j? un jeune homme qui s'est, lui aussi, tromp? d'?tage…
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– Qui êtes-vous? murmura Ivan Andreievitch.
– Vous n’allez pas vous imaginer que je vais vous rapprendre! fit tout bas l’étrange inconnu. Couchez-vous, taisez-vous puisque vous vous êtes fichu dedans.
– Pourtant…
– Silence!
Et l’homme qui était de trop – un seul aurait suffi sous le lit – serra le bras d’Ivan Andreievitch si fortement que ce dernier faillit crier de douleur.
– Mon cher Monsieur…
– Chut!
– Ne serrez pas si fort ou je crie!
– Je vous en défie! Essayez!
Ivan Andreievitch rougit de honte. L’inconnu était irrité, sévère. Peut-être était-ce un homme qui, plus d’une fois, avait subi les coups du destin et qui, très souvent, avait connu des situations aussi gênantes? Mais Ivan Andreievitch n’était encore qu’un novice et il étouffait. Le sang lui battait aux tempes. Il n’y avait cependant rien à faire, il fallait rester étendu, visage contre terre. Ivan Andreievitch dut se soumettre. Il se tut.
– Ma petite chérie, commença l’époux, mon trésor, j’ai été chez Pavel Ivanovitch, nous nous sommes mis à jouer à la préférence et… khi-khi. (Il eut une quinte de toux). Or donc… khi, khi. Et mon dos… khi. Que le diable… khi, khi, khi.
Le vieillard eut un violent accès de toux plus prolongé.
– Mon dos, balbutia-t-il enfin, les larmes aux yeux, mon dos me fait mal… Ces sacrées hémorroïdes. Ni debout, ni assis, pas moyen de s’asseoir… khi, khi.
Et cette crise de toux semblait vouloir durer plus longtemps que le vieillard lui-même. Lorsqu’elle paraissait céder, le vieux marmottait des paroles parfaitement inintelligibles.
– Mon cher Monsieur, au nom du ciel écartez-vous, chuchota le malheureux Ivan Andreievitch.
– Où voudriez-vous que j’aille? La place manque.
– Avouez qu’il m’est impossible de rester ainsi! C’est la première fois de ma vie que je me trouve dans une situation aussi dure.
– Et moi avec un voisin aussi désagréable.
– Cependant, jeune homme…
– Silence!
– Me taire! En tout cas vous agissez très impoliment, jeune homme… Si je ne me trompe vous êtes tout jeune, je suis votre aîné.
– Taisez-vous!
– Cher Monsieur, vous vous oubliez, vous ne savez à qui vous parlez.
– À un monsieur qui se cache sous un lit.
– Oui, mais c’est une surprise, une erreur qui m’ont conduit ici… alors que c’est l’immoralité qui vous…
– Ce en quoi vous vous trompez…
– Mon cher Monsieur, je vous répète que je suis votre aîné.
– Mon cher Monsieur, sachez qu’ici nous sommes sur le même plan. Je vous demande de ne pas me toucher le visage.
– Mon cher Monsieur, je ne puis rien distinguer. Excusez-moi, il n’y a pas de place.
– Pourquoi êtes-vous si gros?
– Mon Dieu, je ne me suis jamais trouvé dans une situation aussi humiliante…
– Oui… mais il est impossible d’être mieux.
– Mon cher Monsieur, mon cher Monsieur, je ne sais qui vous êtes, je ne comprends pas comment tout ceci a pu arriver… mais c’est par erreur que je suis ici… et je ne suis pas ce que vous pensez.
– Je ne penserais absolument rien de vous si vous ne vous agitiez pas ainsi. Et taisez-vous donc.
– Mon cher Monsieur, si vous ne vous écartez pas, je vais avoir une attaque. Vous répondrez de ma mort, je vous le jure. Je suis un homme respectable, père de famille. Je ne puis vraiment pas rester dans cette situation.
– Mais vous vous y êtes fourré vous-même. Eh bien!… avancez. Tenez, voici de la place. Impossible d’en faire davantage.
– Noble jeune homme, cher Monsieur. Je vois que je vous ai mal jugé, déclara Ivan Andreievitch dans un élan de gratitude pour la place accordée. Il étira ses membres engourdis. Je comprends combien vous êtes à l’étroit, mais que faire? Je vois que, vous avez mauvaise opinion de moi… Permettez-moi donc de laver à vos yeux ma réputation, permettez que je vous dise qui je suis… c’est contre mon gré que je suis venu ici… et nullement pour ce que vous pouvez croire… J’ai horriblement peur.
– Vous tairez-vous? Ne comprenez-vous donc pas que si l’on nous entendait, tout se gâterait? Chut. Il parle.
En effet, la quinte de toux du vieillard prenait fin.
– Donc mon trésor, reprit le vieillard d’un ton plaintif, or donc, chérie… khi, khi. Ah! malheur! Et Fedossei Ivanovitch m’assure: vous devriez boire du mille-pertuis… essayez. Tu entends, ma chérie?
– J’entends, mon ami.
– Donc, m’a-t-il répété, essayez du mille-pertuis. Et moi de répondre: je me suis appliqué des sangsues. Il me dit alors: non, Alexandre Demianovitch, le mille-pertuis est meilleur, il soulage, je vous le jure… khi, khi. Oh! Seigneur. Qu’en penses-tu, mon trésor?… khi, khi. Dieu mon créateur… khi, khi. Alors crois-tu que le mille-pertuis sera meilleur? khi, khi, ah! khi.
– Je pense que prendre cette tisane ne te ferait pas de mal, déclara l’épouse.
– Évidemment cela ne me ferait pas de mal. Il m’a dit, peut-être avez-vous la tuberculose. Mais je réplique: la goutte, une certaine irritation dans l’estomac. Qu’en penses-tu?… khi, khi. Crois-tu que c’est la tuberculose?
– Mais, mon Dieu, que dites-vous là?
– Oui, la tuberculose, – Mais mon trésor, tu devrais te déshabiller… il te faut dormir… khi, khi… Et… j’ai aujourd’hui… khi, un rhume.
– Ouf, fit Ivan Andreievitch. Au nom du ciel, écartez-vous encore.
– Vraiment, vous me surprenez… Qu’avez-vous donc? Vous ne pouvez rester couché tranquille?
– Vous m’en voulez mortellement, jeune homme. Vous venez à m’insulter, je le vois… Sans doute êtes-vous l’amant de cette dame?
– Silence!
– Je ne me tairai pas. Je ne vous permettrai pas de donner des ordres. Certainement, vous êtes l’amant. Si l’on nous découvre, je ne suis en rien coupable. J’ignore tout.
– Si vous ne vous taisez pas, déclara le jeune homme qui grinça des dents, je dirai que vous m’avez entraîné. Que vous êtes mon oncle qui s’est ruiné. De cette manière, on ne pensera pas que je suis l’amant de cette dame.
– Cher Monsieur, vous vous moquez de moi. Vous épuisez ma patience.
– Chut, ou je vous oblige au silence. Vous êtes une calamité pour moi. Dites-moi ce que vous fichez ici. Sans vous, je serais resté ici jusqu’au matin et j’aurais réussi à filer.