La Reine Margot Tome II
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– Peste! vous avez raison, monsieur, car si on savait ce que j’ai fait pour vous, c’est moi qui prendrais votre place sur ce chevalet, et on ne me ménagerait point, moi, comme je vous ai ménagé.
– Mais comment as-tu eu l’ingénieuse idée…
– Voilà, dit Caboche tout en entortillant les jambes de Coconnas dans des linges ensanglantés: j’ai su que vous étiez arrêté, j’ai su qu’on faisait votre procès, j’ai su que la reine Catherine voulait votre mort; j’ai deviné qu’on vous donnerait la question, et j’ai pris mes précautions en conséquence.
– Au risque de ce qui pouvait arriver?
– Monsieur, dit Caboche, vous êtes le seul gentilhomme qui m’ait donné la main, et l’on a de la mémoire et un cœur, tout bourreau qu’on est, et peut-être même parce qu’on est bourreau. Vous verrez demain comme je ferai proprement ma besogne.
– Demain? dit Coconnas.
– Sans doute, demain.
– Quelle besogne? Caboche regarda Coconnas avec stupéfaction.
– Comment, quelle besogne? avez-vous donc oublié l’arrêt?
– Ah! oui, en effet, l’arrêt, dit Coconnas, je l’avais oublié. Le fait est que Coconnas ne l’avait point oublié, mais qu’il n’y pensait pas. Ce à quoi il pensait, c’était à la chapelle, au couteau caché sous la nappe sacrée, à Henriette et à la reine, à la porte de la sacristie et aux deux chevaux attendant à la lisière de la forêt; ce à quoi il pensait, c’était à la liberté, c’était à la course en plein air, c’était à la sécurité au-delà des frontières de France.
– Maintenant, dit Caboche, il s’agit de vous faire passer adroitement du chevalet sur la litière. N’oubliez pas que pour tout le monde, et même pour mes valets, vous avez les jambes brisées, et qu’à chaque mouvement vous devez pousser un cri.
– Aïe! fit Coconnas rien qu’en voyant les deux valets approcher de lui la litière.
– Allons! allons! un peu de courage, dit Caboche; si vous criez déjà, que direz-vous donc tout à l’heure?
– Mon cher Caboche, dit Coconnas, ne me laissez pas toucher, je vous en supplie, par vos estimables acolytes; peut-être n’auraient-ils pas la main aussi légère que vous.
– Posez la litière près du chevalet, dit maître Caboche.
Les deux valets obéirent. Maître Caboche prit Coconnas dans ses bras comme il aurait fait d’un enfant, et le déposa couché sur le brancard; mais malgré toutes ces précautions, Coconnas poussa des cris féroces. Le brave guichetier parut alors avec une lanterne.
– À la chapelle, dit-il.
Et les porteurs de Coconnas se mirent en route après que Coconnas eut donné à Caboche une seconde poignée de main.
La première avait trop bien réussi au Piémontais pour qu’il fît désormais le difficile.
XXVIII La chapelle
Le lugubre cortège traversa dans le plus profond silence les deux ponts-levis du donjon et la grande cour du château qui mène à la chapelle, et aux vitraux de laquelle une pâle lumière colorait les figures livides des apôtres en robes rouges.
Coconnas aspirait avidement l’air de la nuit, quoique cet air fût tout chargé de pluie. Il regardait l’obscurité profonde et s’applaudissait de ce que toutes ces circonstances étaient propices à sa fuite et à celle de son compagnon.
Il lui fallut toute sa volonté, toute sa prudence, toute sa puissance sur lui-même pour ne pas sauter en bas de la litière dès que, porté dans la chapelle, il aperçut dans le chœur, et à trois pas de l’autel, une masse gisante dans un grand manteau blanc.
C’était La Mole.
Les deux soldats qui accompagnaient la litière s’étaient arrêtés en dehors de la porte.
– Puisqu’on nous fait cette suprême grâce de nous réunir encore une fois, dit Coconnas, alanguissant sa voix, portez-moi près de mon ami.
Les porteurs n’avaient aucun ordre contraire, ils ne firent donc aucune difficulté d’accorder la demande de Coconnas.
La Mole était sombre et pâle, sa tête était appuyée au marbre de la muraille; ses cheveux noirs, baignés d’une sueur abondante, qui donnait à son visage la mate pâleur de l’ivoire, semblaient avoir conservé leur raideur après s’être hérissés sur sa tête.
Sur un signe du porte-clefs les deux valets s’éloignèrent pour aller chercher le prêtre que demanda Coconnas.
C’était le signal convenu.
Coconnas les suivait des yeux avec anxiété; mais il n’était pas le seul dont le regard ardent était fixé sur eux. À peine eurent-ils disparu, que deux femmes s’élancèrent de derrière l’autel et firent irruption dans le chœur avec des frémissements de joie qui les précédaient, agitant l’air comme le souffle chaud et bruyant qui précède l’orage.
Marguerite se précipita vers La Mole et le saisit dans ses bras.
La Mole poussa un cri terrible, un de ces cris comme en avait entendu Coconnas dans son cachot et qui avaient failli le rendre fou.
– Mon Dieu! qu’y a-t-il donc, La Mole? dit Marguerite se reculant d’effroi. La Mole poussa un gémissement profond et porta ses mains à ses yeux comme pour ne pas voir Marguerite.
Marguerite fut épouvantée plus encore de ce silence et de ce geste que du cri de douleur qu’avait poussé La Mole.
– Oh! s’écria-t-elle, qu’as-tu donc? tu es tout en sang.
Coconnas, qui s’était élancé vers l’autel, qui avait pris le poignard, qui tenait déjà Henriette enlacée, se retourna.
– Lève-toi donc, disait Marguerite, lève-toi donc, je t’en supplie! tu vois bien que le moment est venu.
Un sourire effrayant de tristesse passa sur les lèvres blêmes de La Mole, qui semblait ne plus devoir sourire.
– Chère reine! dit le jeune homme, vous aviez compté sans Catherine, et par conséquent sans un crime. J’ai subi la question, mes os sont rompus, tout mon corps n’est qu’une plaie, et le mouvement que je fais en ce moment pour appuyer mes lèvres sur votre front me cause des douleurs pires que la mort.
Et en effet, avec effort et tout pâlissant, La Mole appuya ses lèvres sur le front de la reine.
– La question! s’écria Coconnas; mais moi aussi je l’ai subie; mais le bourreau n’a-t-il donc pas fait pour toi ce qu’il a fait pour moi?
Et Coconnas raconta tout.
– Ah! dit La Mole, cela se comprend: tu lui as donné la main le jour de notre visite; moi j’ai oublié que tous les hommes sont frères, j’ai fait le dédaigneux. Dieu me punit de mon orgueil, merci à Dieu!
La Mole joignit les mains. Coconnas et les deux femmes échangèrent un regard d’indicible terreur.