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La-bas

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La-bas
Название: La-bas
Дата добавления: 16 январь 2020
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La-bas - читать бесплатно онлайн , автор Huysmans Joris-Karl

Entendons-nous. Quand on dit d'un livre qu'il est «tr?s moderne», ?a veut surtout dire qu'il est vieux. L?-bas a ?t? ?crit en 1890, voici 116 ans.

Mais «tr?s moderne» tente dans le m?me mouvement de sortir le texte d'un corpus qui para?t forc?ment poussi?reux, parce qu'ancien. Vieux? Comment ?a, vieux? Vous n'allez pas vous ennuyer avec ?a! Vous verrez, au contraire c'est passionnant! Bien.

Il y a autre chose ici. Par «tr?s moderne», je voulais surtout parler de la composition du livre qui n'a rien de traditionnel.

Durtal, un double de l'auteur, a pour projet d'?crire sur Gilles de Rais, le c?l?bre sataniste, assassin d'enfants, qui fut un fid?le compagnon de Jeanne d'Arc. L?-bas raconte l'entreprise de Durtal, ses rencontres, r?sume sa documentation th?orique (il pille quelques ouvrages sur les cloches ou sur Gilles de Rais) ou ses enqu?tes pratiques: Durtal s'initie au Satanisme gr?ce ? une ma?tresse ? demi-folle dont il nous raconte la conqu?te, il s'entretient avec ses amis d'occultisme, d'astrologie, de spiritisme, de magie, il assiste ? une messe noire, et l?, ?a devient un roman ? cl?s puisqu'on a retrouv? les mod?les de pr?tres h?r?tiques, sacril?ges et magiciens que l'auteur a rencontr?s. On a parl? de puzzle au sujet de ce livre. Mais un puzzle qui fait sens. Bien.

Joris-Karl Huysmans est, comme son nom l'indique, un ?crivain fran?ais de la fin du XIX?me. Six ans avant L?-bas, il avait invent? le symbolisme d?cadent avec son livre A rebours dont le h?ros, des Esseintes, fait les pires extravagances. Il est un peu oubli? aujourd'hui, Huysmans. Parfois pour de bonnes raisons si j'en juge par le souvenir que j'ai de certains de ses livres, les plus naturalistes. Et puis s'il a une langue extraordinaire, il abuse un peu du style «artiste» recherch? de l'?poque, raffine sur le vocabulaire ou la syntaxe, ?a peut agacer. Bien.

Mais L?-bas est un chef-d'?uvre.

Publi? par Alain Bagnoud

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– je ne croyais plus venir.

– allons, vous savez bien que je vous aime ainsi qu'une bonne amie, dites, quand viendrez-vous?

– après-demain, à moins que cela vous dérange.

– du tout!

– alors, au revoir. Ils se baisèrent sur la bouche.

– et surtout ne rêvez pas au chanoine Docre, fit-elle, en le menaçant du doigt, au moment où elle partit.

– que le diable t'emporte, avec tes réticences! Se dit-il, en refermant la porte.

CHAPITRE XVI

Q uand je songe, se dit Durtal, le lendemain, qu'au lit, à ce moment, où la plus pertinace volonté succombe, j'ai tenu bon, j'ai refusé de céder aux instances de Hyacinthe voulant prendre pied ici et qu'après le déclin charnel, à cet instant où l'homme diminué se reprend, je l'ai suppliée, moi-même, de continuer ses visites, c'est à n'y rien comprendre! Au fond, je n'avais pas arrêté la ferme résolution d'en finir avec elle; et puis je ne pouvais cependant la congédier comme une fille, reprit-il, pour se justifier l'incohérence de ce revirement. J'espérais aussi avoir des renseignements sur le chanoine. Oh mais, à ce propos, je ne la tiens pas quitte, il faudra qu'elle se décide à parler, à ne pas répondre par des monosyllabes ou des phrases en garde, ainsi qu'hier!

Au fait, qu'a-t-elle pu faire avec cet abbé qui a été son confesseur et qui, de son aveu même, l'a lancée dans l'incubat? Elle a été sa maîtresse, cela est sûr; et combien, parmi ces autres ecclésiastiques qu'elle a fréquentés ont été ses amants aussi? Car elle l'a confessé, dans un cri, ce sont ces gens là qu'elle aime! Ah! Si l'on fréquentait le monde clérical, l'on apprendrait sans doute de curieuses particularités sur son mari et sur elle; c'est tout de même étrange, Chantelouve qui joue un singulier rôle dans ce ménage, s'est acquis une déplorable réputation et, elle, pas.

Jamais je n'ai ouï parler de ses frasques; mais non, que je suis bête! Ce n'est pas étrange; son mari ne s'est pas confiné dans les cercles religieux et mondains; il se frotte aux gens de lettres, s'expose par conséquent à toutes les médisances, tandis qu'elle, si elle prend un amant, elle le choisit, certainement, dans des sociétés pieuses où aucun de ceux que je connais ne serait reçu; et puis, les abbés sont des gens discrets; mais comment expliquer alors qu'elle vienne ici? Par ce fait bien simple qu'elle a probablement eu une indigestion de soutaniers et qu'elle m'a requis pour faire un intérim de bas noirs. Je lui sers de halte laïque!

C'est égal, elle est tout de même bien singulière, et plus je la vois, moins je la comprends. Il y a en elle trois êtres distincts:

d'abord, la femme assise ou debout que j'ai connue dans son salon, réservée, presque hautaine, devenue bonne fille dans l'intimité, affectueuse, tendre même.

Puis, la femme couchée, complètement changée d'allures et de voix, une fille, crachant de la boue, perdant toute vergogne.

Enfin, la troisième que j'ai aperçue hier, une impitoyable mâtine, une femme vraiment satanique, vraiment rosse.

Comment tout cela s'amalgame et s'allie? Je l'ignore; par l'hypocrisie sans doute; et encore non, elle est souvent d'une franchise qui déconcerte; ce sont peut-être, il est vrai, des moments de détente ou d'oubli. Au fond, à quoi bon essayer de comprendre le caractère de cette dévote lubrique! En somme, ce que je pouvais appréhender ne se réalise point; elle ne me demande pas de la sortir, ne me force pas à dîner chez elle, ne me réclame aucune prébende, n'exige aucune compromission d'aventurière plus ou moins louche. Je ne trouverai jamais mieux. -oui, mais c'est que maintenant, je préférerais ne rien trouver; il me suffirait très bien de déposer entre des mains mercenaires mes pétitions charnelles; et alors, pour vingt francs, j'achèterais de plus studieuses crises! Car, il n'y a pas à dire, seules, les filles savent cuisiner les petits plats des sens!

– ce qui est bizarre, se dit-il, soudain, après un silence de réflexions, c'est que, toutes proportions gardées, Gilles De Rais se divise comme elle en trois êtres qui diffèrent.

D'abord le soudard brave et pieux.

Puis l'artiste raffiné et criminel.

Enfin, le pêcheur qui se repent, le mystique.

Il est tout en volte-face d'excès, celui-là! A contempler le panorama de sa vie, l'on découvre en face de chacun de ses vices une vertu qui le contredit; mais aucune route visible ne les rejoint.

Il fut d'un orgueil orageux, d'une superbe immense et lorsque la contrition s'empara de lui, il tomba à genoux devant le peuple et il eut les larmes, l'humilité d'un saint.

Sa férocité dépassa les limites du loyer humain, et cependant il fut charitable et il adora ses amis qu'il soigna, tel qu'un frère, dès que le démon les meurtrit.

Impétueux dans ses souhaits et néanmoins patient; brave dans les batailles, lâche devant l'au-delà, il fut despotique et violent, faible pourtant lorsque les louanges de ses parasites s'étoffèrent. Il est tantôt sur les cimes, tantôt dans les bas-fonds, jamais dans la plaine parcourue, dans les pampas de l'âme. Ses aveux n'éclairent même point ces invariables antipodes. Il répond, alors qu'on lui demande qui lui suggéra l'idée de pareils crimes:

" personne, mon imagination seule m'y a poussé; la pensée ne m'en est venue que de moi-même, de mes rêveries, de mes plaisirs journaliers, de mes goûts pour la débauche ".

Et il s'accuse de son oisiveté, assure constamment que les repas délicats, que les robustes breuvages ont aidé à décager chez lui le fauve.

Loin des passions médiocres, il s'exalte, tour à tour, dans le bien comme dans le mal et il plonge, tête baissée, dans les gouffres opposés de l'âme. Il meurt à l'âge de trente-six ans, mais il avait tari le flux des joies désordonnées, le reflux des douleurs qui rien n'apaise. Il avait adoré la mort, aimé en vampire, baisé d'inimitables expressions de souffrance et d'effroi et il avait également été pressuré par d'infrangibles remords, par d'insatiables peurs. Il n'avait plus, ici-bas, rien à tenter, rien à apprendre.

– voyons, fit Durtal qui feuilletait ses notes, je l'ai laissé au moment où l'expiation commence; ainsi que je l'ai écrit dans l'un de mes précédents chapitres, les habitants des régions que dominent les châteaux du maréchal savent maintenant quel est l'inconcevable monstre qui enlève les enfants et les égorge. Mais personne n'ose parler. Dès qu'au tournant d'un chemin, la haute taille du carnassier émerge, tous s'enfuient, se tapissent derrière les haies, s'enferment dans les chaumières.

Et Gilles passe, altier et sombre, dans le désert des villages singultueux et clos. L'impunité lui semble assurée, car quel paysan serait assez fou pour s'attaquer à un maître qui peut le faire patibuler au moindre mot?

D'autre part, si les humbles renoncent à l'atteindre, ses pairs n'ont pas dessein de le combattre au profit de manants qu'ils dédaignent; et son supérieur, le Duc De Bretagne, Jean V, le caresse et le choie, afin de lui extorquer à bas prix ses terres.

Une seule puissance pouvait se lever et, au-dessus des complexités féodales, au-dessus des intérêts humains, venger les opprimés et les faibles, l'église.

– et ce fut elle, en effet, qui, dans la personne de Jean De Malestroit, se dressa devant le monstre et l'abattit.

Jean De Malestroit, évêque de Nantes, appartenait à une lignée illustre. Il était proche parent de Jean v et son incomparable piété, sa sagesse assidue, sa fougueuse charité, son infaillible science, le faisaient vénérer par le duc même.

Les sanglots des campagnes décimées par Gilles étaient venus jusqu'à lui; en silence, il commençait une enquête, épiait le maréchal, décidé, dès qu'il le pourrait, à commencer la lutte.

Et Gilles commit subitement un inexplicable attentat qui permit à l'évêque de marcher droit sur lui et de le frapper.

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