Le compte de Monte-Cristo Tome IV
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Victime d'un terrible complot, Edmond Dant?s est emprisonn? au Ch?teau d'If alors qu'il sur le point d'?pouser celle qu'il aime. A sa lib?ration et sous l'identit? du compte de Monte-Cristo, sa vengeance n'?pargnera personne…
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– Ah! ah! connu: pays du ratafia?
– Justement. Il s’agit tout simplement de rattraper un de mes amis avec lequel je dois chasser demain à la Chapelle-en -Serval. Il devait m’attendre ici avec son cabriolet jusqu’à onze heures et demie: il est minuit; il se sera fatigué de m’attendre et sera parti tout seul.
– C’est probable.
– Eh bien, voulez-vous essayer de le rattraper?
– Je ne demande pas mieux.
– Mais si nous ne le rattrapons pas d’ici au Bourget vous aurez vingt francs; si nous ne le rattrapons pas d’ici à Louvres, trente.
– Et si nous le rattrapons?
– Quarante! dit Andrea qui avait eu un moment d’hésitation, mais qui avait réfléchi qu’il ne risquait rien de promettre.
– Ça va! dit le cocher. Montez, et en route. Prrroum!…»
Andrea monta dans le cabriolet qui, d’une course rapide, traversa le faubourg Saint-Denis, longea le faubourg Saint-Martin, traversa la barrière, et enfila l’interminable Villette.
On n’avait garde de rejoindre cet ami chimérique; cependant de temps en temps, aux passants attardés ou aux cabarets qui veillaient encore, Cavalcanti s’informait d’un cabriolet vert attelé d’un cheval bai brun; et, comme sur la route des Pays-Bas il circule bon nombre de cabriolets, que les neuf dixièmes des cabriolets sont verts, les renseignements pleuvaient à chaque pas.
On venait toujours de le voir passer; il n’avait pas plus de cinq cents, de deux cents, de cent pas d’avance; enfin, on le dépassait, ce n’était pas lui.
Une fois le cabriolet fut dépassé à son tour; c’était par une calèche rapidement emportée au galop de deux chevaux de poste.
«Ah! se dit Cavalcanti, si j’avais cette calèche, ces deux bons chevaux, et surtout le passeport qu’il a fallu pour les prendre!»
Et il soupira profondément.
Cette calèche était celle qui emportait Mlle Danglars et Mlle d’Armilly.
«En route! en route! dit Andrea, nous ne pouvons pas tarder à le rejoindre.»
Et le pauvre cheval reprit le trot enragé qu’il avait suivi depuis la barrière, et arriva tout fumant à Louvres.
«Décidément, dit Andrea, je vois bien que je ne rejoindrai pas mon ami et que je tuerai votre cheval. Ainsi donc, mieux vaut que je m’arrête. Voilà vos trente francs, je m’en vais coucher au Cheval-Rouge, et la première voiture dans laquelle je trouverai une place, je la prendrai. Bonsoir, mon ami.»
Et Andrea, après avoir mis six pièces de cinq francs dans la main du cocher, sauta lestement sur le pavé de la route.
Le cocher empocha joyeusement la somme et reprit au pas le chemin de Paris; Andrea feignit de gagner l’hôtel du Cheval-Rouge; mais après s’être arrêté un instant contre la porte, entendant le bruit du cabriolet qui allait se perdant à l’horizon, il reprit sa course, et d’un pas gymnastique fort relevé, il fournit une course de deux lieues.
Là, il se reposa, il devait être tout près de la Chapelle-en -Serval, où il avait dit qu’il allait.
Ce n’était pas la fatigue qui arrêtait Andrea Cavalcanti: c’était le besoin de prendre une résolution, c’était la nécessité d’adopter un plan.
Monter en diligence, c’était impossible; prendre la poste, c’était également impossible. Pour voyager de l’une ou de l’autre façon un passeport est de toute nécessité.
Demeurer dans le département de l’Oise, c’est-à-dire dans un des départements les plus découverts et les plus surveillés de France, c’était chose impossible encore, impossible surtout pour un homme expert comme Andrea en matière criminelle.
Andrea s’assit sur les revers du fossé, laissa tomber sa tête entre ses deux mains et réfléchit.
Dix minutes après, il releva la tête; sa résolution était arrêtée.
Il couvrit de poussière tout un côté du paletot qu’il avait eu le temps de décrocher dans l’antichambre et de boutonner par-dessus sa toilette de bal, et, gagnant la Chapelle-en -Serval, il alla frapper hardiment à la porte de la seule auberge du pays.
L’hôte vint ouvrir.
«Mon ami, dit Andrea, j’allais de Mortefontaine à Senlis quand mon cheval, qui est un animal difficile, a fait un écart et m’a envoyé à dix pas. Il faut que j’arrive cette nuit à Compiègne sous peine de causer les plus graves inquiétudes à ma famille; avez-vous un cheval à louer?»
Bon ou mauvais, un aubergiste a toujours un cheval.
L’aubergiste de la Chapelle-en -Serval appela le garçon d’écurie, lui ordonna de seller le Blanc, et réveilla son fils, enfant de sept ans, lequel devait monter en croupe du monsieur et ramener le quadrupède.
Andrea donna vingt francs à l’aubergiste, et, en les tirant de sa poche, laissa tomber une carte de visite.
Cette carte de visite était celle d’un de ses amis du Café de Paris; de sorte que l’aubergiste, lorsque Andrea fut parti et qu’il eut ramassé la carte tombée de sa poche, fut convaincu qu’il avait loué son cheval à M. le comte de Mauléon, rue Saint-Dominique, 25: c’était le nom et l’adresse qui se trouvaient sur la carte.
Le Blanc n’allait pas vite, mais il allait d’un pas égal et assidu: en trois heures et demie Andrea fit les neuf lieues qui le séparaient de Compiègne; quatre heures sonnaient à l’horloge de l’hôtel de ville lorsqu’il arriva sur la place où s’arrêtent les diligences.
Il y a à Compiègne un excellent hôtel, dont se souviennent ceux-là mêmes qui n’y ont logé qu’une fois.
Andréa, qui y avait fait une halte dans une de ses courses aux environs de Paris, se souvint de l’hôtel de la Cloche et de la Bouteille: il s’orienta, vit à la lueur d’un réverbère l’enseigne indicatrice, et, ayant congédié l’enfant, auquel il donna tout ce qu’il avait sur lui de petite monnaie, il alla frapper à la porte, réfléchissant avec beaucoup de justesse qu’il avait trois ou quatre heures devant lui, et que le mieux était de se prémunir, par un bon somme et un bon souper, contre les fatigues à venir.
Ce fut un garçon qui vint ouvrir.
«Mon ami, dit Andrea, je viens de Saint-Jean-au-Bois, où j’ai dîné; je comptais prendre la voiture qui passe à minuit; mais je me suis perdu comme un sot, et voilà quatre heures que je me promène dans la forêt. Donnez-moi donc une de ces jolies petites chambres qui donnent sur la cour, et faites-moi monter un poulet froid et une bouteille de vin de Bordeaux.»
Le garçon n’eut aucun soupçon: Andrea parlait avec la plus parfaite tranquillité, il avait le cigare à la bouche et les mains dans les poches de son paletot; ses habits étaient élégants, sa barbe fraîche, ses bottes irréprochables; il avait l’air d’un voisin attardé, voilà tout.
Pendant que le garçon préparait sa chambre, l’hôtesse se leva: Andrea l’accueillit avec son plus charmant sourire, et lui demanda s’il ne pourrait pas avoir le numéro 3, qu’il avait déjà eu à son dernier passage à Compiègne; malheureusement le numéro 3 était pris par un jeune homme qui voyageait avec sa sœur.