Le Proces
Le Proces читать книгу онлайн
Joseph K., employ? de banque mod?le et sans probl?me, est arr?t? un matin par des inconnus v?tus d'un uniforme de voyage. K. reste pourtant libre de continuer ? vivre comme si rien ne s'?tait produit, mais il est sans arr?t surveill? et ?pi? par trois de ses coll?gues de travail. Pensant, au d?but, que tout cela n'?tait qu'une vile plaisanterie, K. ne tient pas compte de ce qui se passe. Intrigu? par l'absurdit? de la situation, il interroge les policiers sur son arrestation et n'obtient aucune r?ponse: c'est alors qu'un sentiment de culpabilit? s'empare de lui. Pour montrer que tout le monde se trompe ? son sujet, il accepte de venir ? toutes les convocations et de compara?tre devant le tribunal. Angoiss?, il cherche par tous les moyens ? s'innocenter et commence alors ? n?gliger son travail. Sur le conseil de son oncle, il engage un avocat qu'il va renvoyer par la suite ? cause de son inefficacit?, ce qui le contraint ? assurer lui-m?me sa propre d?fense devant la Cour de Justice…
Un roman d'une modernit? absolue, la grande Oeuvre kafka?enne: les situations sont impossibles, les personnages irr?els, l'histoire peu plausible, et pourtant nous savons tous, lorsque nous lisons ce texte, que Kafka nous parle profond?ment, v?ridiquement, de nous, de la soci?t?, de ce dr?le d'animal social qu'est l'homme.
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
«Vous voyez bien que monsieur est si malade qu’il ne peut discuter nulle affaire en ce moment.»
Elle n’avait sans doute répété l’expression de l’oncle que pour plus de commodité, mais, même à un indifférent, l’intention pouvait paraître ironique; aussi l’oncle sursauta-t-il comme si on l’avait piqué.
«Quelle diablesse!» s’écria-t-il d’une voix à peine compréhensible dans le premier gargouillement de l’émotion.
K., prenant peur, bien qu’il se fût attendu à quelque chose de ce genre, courut à l’oncle avec l’intention arrêtée de lui fermer la bouche des deux mains, le malade se redressa heureusement à ce moment, sa silhouette surgit derrière la jeune fille; l’oncle fit l’horrible grimace d’un monsieur qui avale une chose répugnante, puis déclara plus calmement:
«Je n’ai pas encore perdu la raison, mademoiselle. Si ce que je demande n’était pas possible, je ne le demanderais pas. Maintenant, laissez-nous, s’il vous plaît.»
L’infirmière se tenait debout, au chevet du lit, la tête tournée en plein vers l’oncle; K. crut remarquer qu’elle caressait la main de l’avocat.
«Tu peux tout dire devant Leni, fit le malade d’un ton suppliant.
– La chose ne me concerne pas, dit l’oncle, ce n’est pas de mon secret qu’il s’agit», et il se retourna comme pour indiquer qu’il ne voulait plus discuter, mais qu’il laissait encore un instant de réflexion à son interlocuteur.
«De qui s’agit-il donc? demande l’avocat d’une voix mourante en se recouchant.
– De mon neveu, je l’ai fait venir ici, et il présenta: M. le fondé de pouvoir Joseph K.
– Oh! dit le malade plus vivement en avançant la main vers K.; excusez-moi, je ne vous avais pas vu.
– Va, Leni», dit-il ensuite à l’infirmière qui ne fit plus aucune difficulté, et il lui tendit la main comme si elle partait pour longtemps.
«Tu n’es donc pas venu, dit-il enfin à l’oncle qui s’était rapproché plus amicalement, tu n’es pas venu pour le malade, mais pour l’affaire.»
Il semblait que l’idée qu’on vînt le voir à cause de sa maladie l’eût paralysé jusqu’alors tant il parut ravigoté à partir de ce moment-là. Il restait appuyé sur un coude, ce qui devait être assez fatigant, et il tiraillait constamment une mèche de sa grande barbe.
«Tu as l’air d’aller déjà bien mieux, dit l’oncle, depuis que cette sorcière est partie.»
Il s’interrompit pour souffler «Je parie qu’elle écoute», et bondit vers la porte.
Mais personne n’était derrière, l’oncle revint, non point déçu – car l’absence de l’infirmière lui paraissait encore pire – mais irrité.
«Tu te méprends sur son compte», dit l’avocat sans la défendre davantage – peut-être pour marquer qu’elle n’en avait pas besoin.
Puis il continua d’un ton plus cordial:
«Quant à l’affaire de monsieur ton neveu, je m’estimerais évidemment heureux si mes forces pouvaient suffire à une tâche aussi pénible; je crains beaucoup qu’elles ne soient pas à la hauteur de la situation, mais je ne ménagerai rien; si je ne peux pas faire face à tout il sera toujours temps de m’adjoindre un confrère. À parler franc, cette cause m’intéresse trop pour que je renonce d’avance à m’en occuper personnellement. Si mon cœur me lâche trop tôt il aura du moins trouvé une digne occasion de le faire.»
K. pensait ne pas comprendre un mot de tous ces discours, il ne cessait de regarder l’oncle pour y trouver un sens, mais celui-ci restait assis avec sa bougie à la main, sur la petite table de nuit d’où une bouteille de potion avait déjà roulé sur le tapis: il approuvait d’un hochement de tête les moindres mots de l’avocat, se montrait d’accord sur tous les points, et adressait de temps à autre à son neveu un regard qui l’exhortait à la même approbation. L’oncle avait-il déjà parlé de ce procès? Mais non, c’était chose impossible, tout ce qui avait précédé la scène infirmait cette supposition. Aussi dit-il:
«Je ne comprends pas.
– Me serais-je mépris? demanda l’avocat aussi surpris et embarrassé que K.; ma précipitation m’a peut-être lancé sur une fausse piste? De quoi vouliez-vous donc me parler? Je pensais qu’il s’agissait de votre procès.
– Naturellement», dit l’oncle, et il demanda à K.: «Que veux-tu donc?
– Mais, dit K., d’où savez-vous donc quoi que ce soit de moi et de mon procès?
– Ah! c’était ça! dit l’avocat en souriant, vous savez pourtant bien que je suis avocat: je fréquente les gens de justice, on parle toujours des procès et on retient ceux qui vous frappent le plus, surtout quand il s’agit du neveu d’un ami. Il n’y a rien là de surprenant, me semble-t-il.
– Que veux-tu donc encore? dit l’oncle à K.; tu as l’air inquiet.
– Vous fréquentez les gens de justice? demanda K.
– Mais oui!» dit l’avocat.
Et l’oncle déclara:
«Tu questionnes comme un enfant.
– Qui verrais-je donc, ajouta l’avocat, sinon les gens de mon rayon?»
C’était dit sur un ton si irréfutable que K. ne répondit pas un mot.
«Vous travaillez pourtant, aurait-il voulu dire – et de fait il ne put s’empêcher de l’articuler nettement – pour la justice du palais de justice et non pas pour celle du grenier?
– Songez donc, poursuivit alors l’avocat sur le ton de quelqu’un qui explique par parenthèse une chose toute naturelle, songez donc que ces relations-là servent beaucoup ma clientèle, et à bien des égards. Je ne devrais même pas le dire. Naturellement ma maladie me gêne beaucoup pour le moment, mais j’ai toujours à la justice de bons amis qui viennent me voir et j’apprends tout de même les nouvelles. Peut-être plus vite que bien des gens qui passent leur temps au tribunal. C’est ainsi que j’ai là en ce moment une personne qui m’est très chère.»
Et il montrait un coin obscur.
«Où donc?» demande K. presque impertinemment sous le coup de la première surprise.
Il regarda perplexement autour de lui; la lumière de la petite bougie était loin de porter jusqu’au mur d’en face. Mais, de fait, quelque chose commença à se remuer dans le coin. À la lumière de la bougie que l’oncle levait maintenant, on découvrit un monsieur d’un certain âge assis près d’une petite table. Il avait dû retenir son souffle pour arriver à rester si longtemps inaperçu; il se leva cérémonieusement, visiblement mécontent de voir qu’on avait attiré l’attention sur lui, et agita ses mains comme de petites ailes pour exprimer qu’il refusait toute présentation et tout salamalec, qu’il ne voulait en aucune façon gêner les autres et suppliait qu’on le laissât dans son obscurité et qu’on oubliât sa présence. Mais ce n’était plus faisable.
«Vous nous avez surpris», dit l’avocat pour expliquer.