La Reine Margot Tome II
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– Demandes-en, je ne te dis que cela.
– Et toi, ou vas-tu?
– Moi, dit La Mole, étonné que son ami lui fit même cette question, où je vais? faire ma cour à la reine.
– Tiens, au fait, dit Coconnas, si j’allais dîner à notre petite maison de la rue Cloche-Percée, je dînerais des reliefs d’hier, et il y a un certain vin d’Alicante qui est restaurant.
– Cela serait imprudent, Annibal, mon ami, après ce qui s’est passé cette nuit. D’ailleurs ne nous a-t-on pas fait donner notre parole que nous n’y retournerions pas seuls? Passe-moi donc mon manteau.
– C’est ma foi vrai, dit Coconnas; je l’avais oublié. Mais où diable est-il donc ton manteau?… Ah! le voilà.
– Non, tu me passes le noir, et c’est le rouge que je te demande. La reine m’aime mieux avec celui-là.
– Ah! ma foi, dit Coconnas après avoir regardé de tous côtés, cherche-le toi-même, je ne le trouve pas.
– Comment, dit La Mole, tu ne le trouves pas? mais où donc est-il?
– Tu l’auras vendu…
– Pour quoi faire? il me reste encore six écus.
– Alors, mets le mien.
– Ah! oui… un manteau jaune avec un pourpoint vert, j’aurais l’air d’un papegeai.
– Par ma foi tu es trop difficile. Arrange-toi comme tu voudras, alors.
En ce moment, et comme après avoir tout mis sens dessus dessous La Mole commençait à se répandre en invectives contre les voleurs qui se glissaient jusque dans le Louvre, un page du duc d’Alençon parut avec le précieux manteau tant demandé.
– Ah! s’écria La Mole, le voilà, enfin!
– Votre manteau, monsieur?… dit le page. Oui, Monseigneur l’avait fait prendre chez vous pour s’éclaircir à propos d’un pari qu’il avait fait sur la nuance.
– Oh! dit La Mole, je ne le demandais que parce que je veux sortir, mais si Son Altesse désire le garder encore…
– Non, monsieur le comte, c’est fini. Le page sortit; La Mole agrafa son manteau.
– Eh bien, continua La Mole, à quoi te décides-tu?
– Je n’en sais rien.
– Te retrouverai-je ici ce soir?
– Comment veux-tu que je te dise cela?
– Tu ne sais pas ce que tu feras dans deux heures?
– Je sais bien ce que je ferai, mais je ne sais pas ce qu’on me fera faire.
– La duchesse de Nevers?
– Non, le duc d’Alençon.
– En effet, dit La Mole, je remarque que depuis quelque temps il te fait force amitiés.
– Mais oui, dit Coconnas.
– Alors ta fortune est faite, dit en riant La Mole.
– Peuh! fit Coconnas, un cadet!
– Oh! dit La Mole, il a si bonne envie de devenir l’aîné, que le ciel fera peut-être un miracle en sa faveur. Ainsi tu ne sais pas où tu seras ce soir?
– Non.
– Au diable, alors… ou plutôt adieu!
– Ce La Mole est terrible, dit Coconnas, pour vouloir toujours qu’on lui dise où l’on sera! est-ce qu’on le sait? D’ailleurs, je crois que j’ai envie de dormir.
Et il se recoucha. Quant à La Mole, il prit son vol vers les appartements de la reine. Arrivé au corridor que nous connaissons, il rencontra le duc d’Alençon.
– Ah! c’est vous, monsieur de la Mole? lui dit le prince.
– Oui, Monseigneur, répondit La Mole en saluant avec respect.
– Sortez-vous donc du Louvre?
– Non, Votre Altesse; je vais présenter mes hommages à Sa Majesté la reine de Navarre.
– Vers quelle heure sortirez-vous de chez elle, monsieur de la Mole?
– Monseigneur a-t-il quelques ordres à me donner?
– Non, pas pour le moment, mais j’aurai à vous parler ce soir.
– Vers quelle heure?
– Mais de neuf à dix.
– J’aurai l’honneur de me présenter à cette heure-là chez Votre Altesse.
– Bien, je compte sur vous. La Mole salua et continua son chemin.
– Ce duc, dit-il, a des moments où il est pâle comme un cadavre; c’est singulier. Et il frappa à la porte de la reine. Gillonne, qui semblait guetter son arrivée, le conduisit près de Marguerite.
Celle-ci était occupée d’un travail qui paraissait la fatiguer beaucoup; un papier chargé de ratures et un volume d’Isocrate étaient placés devant elle. Elle fit signe à La Mole de la laisser achever un paragraphe; puis, ayant terminé, ce qui ne fut pas long, elle jeta sa plume, et invita le jeune homme à s’asseoir près d’elle.
La Mole rayonnait. Il n’avait jamais été si beau, jamais si gai.
– Du grec! s’écria-t-il en jetant les yeux sur le livre; une harangue d’Isocrate! Que voulez-vous faire de cela? Oh! oh! sur ce papier du latin: Ad Sarmatiae legatos reginae Margaritae concio! Vous allez donc haranguer ces barbares en latin?
– Il le faut bien, dit Marguerite, puisqu’ils ne parlent pas français.
– Mais comment pouvez-vous faire la réponse avant d’avoir le discours?
– Une plus coquette que moi vous ferait croire à une improvisation; mais pour vous, mon Hyacinthe, je n’ai point de ces sortes de tromperies: on m’a communiqué d’avance le discours, et j’y réponds.
– Sont-ils donc près d’arriver, ces ambassadeurs?
– Mieux que cela, ils sont arrivés ce matin.
– Mais personne ne le sait?
– Ils sont arrivés incognito. Leur entrée solennelle est remise à après-demain, je crois. Au reste, vous verrez, dit Marguerite avec un petit air satisfait qui n’était point exempt de pédantisme, ce que j’ai fait ce soir est assez cicéronien; mais laissons là ces futilités. Parlons de ce qui vous est arrivé.
– À moi?
– Oui.
– Que m’est-il donc arrivé?
– Ah! vous avez beau faire le brave, je vous trouve un peu pâle.
– Alors, c’est d’avoir trop dormi; je m’en accuse bien humblement.
– Allons, allons, ne faisons point le fanfaron, je sais tout.
– Ayez donc la bonté de me mettre au courant, ma perle, car moi je ne sais rien.
– Voyons, répondez-moi franchement. Que vous a demandé la reine mère?