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La Maison Du Chat-Qui-Pelote

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La Maison Du Chat-Qui-Pelote
Название: La Maison Du Chat-Qui-Pelote
Автор: de Balzac Honor?
Дата добавления: 16 январь 2020
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La Maison Du Chat-Qui-Pelote - читать бесплатно онлайн , автор de Balzac Honor?

Drapier, monsieur Guillaume tient boutique ? Paris. Il a deux filles ? marier, et pr?voit d'unir l'a?n?e, mademoiselle Virginie, ? son premier commis. La cadette, mademoiselle Augustine, va s'?prendre d'un jeune artiste. Deux mariages, deux destins oppos?s.

Dans ce roman plac? en t?te de La Com?die Humaine, Balzac traite plusieurs de ses th?mes favoris, les oppositions entre le pass? et le pr?sent, la vie d'artiste et la bourgeoisie, la prudence qui dure et la passion qui d?truit.

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Pendant ces petits événements, les lourds volets intérieurs qui défendaient le léger vitrage de la boutique du Chat-qui-pelote avaient été enlevés comme par magie. La vieille porte à heurtoir fut repliée sur le mur intérieur de la maison par un serviteur vraisemblablement contemporain de l’enseigne, qui d’une main tremblante y attacha le morceau de drap carré sur lequel était brodé en soie jaune le nom de Guillaume, successeur de Chevrel. Il eût été difficile à plus d’un passant de deviner le genre de commerce de monsieur Guillaume. À travers les gros barreaux de fer qui protégeaient extérieurement sa boutique, à peine y apercevait-on des paquets enveloppés de toile brune aussi nombreux que des harengs quand ils traversent l’Océan. Malgré l’apparente simplicité de cette gothique façade, monsieur Guillaume était, de tous les marchands drapiers de Paris, celui dont les magasins se trouvaient toujours le mieux fournis, dont les relations avaient le plus d’étendue, et dont la probité commerciale était la plus exacte. Si quelques-uns de ses confrères avaient conclu des marchés avec le gouvernement, sans avoir la quantité de drap voulue, il était toujours prêt à la leur livrer, quelque considérable que fût le nombre de pièces soumissionnées. Le rusé négociant connaissait mille manières de s’attribuer le plus fort bénéfice sans se trouver obligé, comme eux, de courir chez des protecteurs, y faire des bassesses ou de riches présents. Si les confrères ne pouvaient le payer qu’en excellentes traites un peu longues, il indiquait son notaire comme un homme accommodant; et savait encore tirer une seconde mouture du sac, grâce à cet expédient qui faisait dire proverbialement aux négociants de la rue Saint-Denis: – Dieu vous garde du notaire de monsieur Guillaume! pour désigner un escompte onéreux. Le vieux négociant se trouva debout comme par miracle, sur le seuil de sa boutique, au moment où le domestique se retira. Monsieur Guillaume regarda la rue Saint-Denis, les boutiques voisines et le temps, comme un homme qui débarque au Havre et revoit la France après un long voyage. Bien convaincu que rien n’avait changé pendant son sommeil, il aperçut alors le passant en faction, qui, de son côté, contemplait le patriarche de la draperie, comme Humboldt dut examiner le premier gymnote électrique qu’il vit en Amérique. Monsieur Guillaume portait de larges culottes de velours noir, des bas chinés, et des souliers carrés à boucles d’argent. Son habit à pans carrés, à basques carrées, à collet carré, enveloppait son corps légèrement voûté d’un drap verdâtre garni de grands boutons en métal blanc mais rougis par l’usage. Ses cheveux gris étaient si exactement aplatis et peignés sur son crâne jaune, qu’ils le faisaient ressembler à un champ sillonné. Ses petits yeux verts, percés comme avec une vrille, flamboyaient sous deux arcs marqués d’une faible rougeur à défaut de sourcils. Les inquiétudes avaient tracé sur son front des rides horizontales aussi nombreuses que les plis de son habit. Cette figure blême annonçait la patience, la sagesse commerciale, et l’espèce de cupidité rusée que réclament les affaires. À cette époque on voyait moins rarement qu’aujourd’hui de ces vieilles familles où se conservaient, comme de précieuses traditions, les mœurs, les costumes caractéristiques de leurs professions, et restées au milieu de la civilisation nouvelle comme ces débris antédiluviens retrouvés par Cuvier dans les carrières. Le chef de la famille Guillaume était un de ces notables gardiens des anciens usages: on le surprenait à regretter le Prévôt des Marchands, et jamais il ne parlait d’un jugement du tribunal de commerce sans le nommer la sentence des consuls. C’était sans doute en vertu de ces coutumes que, levé le premier de sa maison, il attendait de pied ferme l’arrivée de ses trois commis, pour les gourmander en cas de retard. Ces jeunes disciples de Mercure ne connaissaient rien de plus redoutable que l’activité silencieuse avec laquelle le patron scrutait leurs visages et leurs mouvements, le lundi matin, en y recherchant les preuves ou les traces de leurs escapades. Mais, en ce moment, le vieux drapier ne fit aucune attention à ses apprentis. Il était occupé à chercher le motif de la sollicitude avec laquelle le jeune homme en bas de soie et en manteau portait alternativement les yeux sur son enseigne et sur les profondeurs de son magasin. Le jour, devenu plus éclatant, permettait d’y apercevoir le bureau grillagé, entouré de rideaux en vieille soie verte, où se tenaient les livres immenses, oracles muets de la maison. Le trop curieux étranger semblait convoiter ce petit local, y prendre le plan d’une salle à manger latérale, éclairée par un vitrage pratiqué dans le plafond, et d’où la famille réunie devait facilement voir, pendant ses repas, les plus légers accidents qui pouvaient arriver sur le seuil de la boutique. Un si grand amour pour son logis paraissait suspect à un négociant qui avait subi le régime de la Terreur. Monsieur Guillaume pensait donc assez naturellement que cette figure sinistre en voulait à la caisse du Chat-qui-pelote. Après avoir discrètement joui du duel muet qui avait lieu entre son patron et l’inconnu, le plus âgé des commis hasarda de se placer sur la dalle où était monsieur Guillaume, en voyant le jeune homme contempler à la dérobée les croisées du troisième. Il fit deux pas dans la rue, leva la tête, et crut avoir aperçu mademoiselle Augustine Guillaume qui se retirait avec précipitation. Mécontent de la perspicacité de son premier commis, le drapier lui lança un regard de travers; mais tout à coup les craintes mutuelles que la présence de ce passant excitait dans l’âme du marchand et de l’amoureux commis se calmèrent. L’inconnu héla un fiacre qui se rendait à une place voisine, et y monta rapidement en affectant une trompeuse indifférence. Ce départ mit un certain baume dans le cœur des autres commis, assez inquiets de retrouver la victime de leur plaisanterie.

– Hé bien, messieurs, qu’avez-vous donc à rester là, les bras croisés? dit monsieur Guillaume à ses trois néophytes. Mais autrefois, sarpejeu! quand j’étais chez le sieur Chevrel, j’avais déjà visité plus de deux pièces de drap.

– Il faisait donc jour de meilleure heure, dit le second commis que cette tâche concernait.

Le vieux négociant ne put s’empêcher de sourire. Quoique deux de ces trois jeunes gens, confiés à ses soins par leurs pères, riches manufacturiers de Louviers et de Sedan, n’eussent qu’à demander cent mille francs pour les avoir, le jour où ils seraient en âge de s’établir, Guillaume croyait de son devoir de les tenir sous la férule d’un antique despotisme inconnu de nos jours dans les brillants magasins modernes dont les commis veulent être riches à trente ans: il les faisait travailler comme des nègres. À eux trois, ces commis suffisaient à une besogne qui aurait mis sur les dents dix de ces employés dont le sybaritisme enfle aujourd’hui les colonnes du budget. Aucun bruit ne troublait la paix de cette maison solennelle, où les gonds semblaient toujours huilés, et dont le moindre meuble avait cette propreté respectable qui annonce un ordre et une économie sévères. Souvent, le plus espiègle des commis s’était amusé à écrire sur le fromage de Gruyère qu’on leur abandonnait au déjeuner, et qu’ils se plaisaient à respecter, la date de sa réception primitive. Cette malice et quelques autres semblables faisaient parfois sourire la plus jeune des deux filles de Guillaume, la jolie vierge qui venait d’apparaître au passant enchanté. Quoique chacun des apprentis, et même le plus ancien, payât une forte pension, aucun d’eux n’eût été assez hardi pour rester à la table du patron au moment où le dessert y était servi. Lorsque madame Guillaume parlait d’accommoder la salade, ces pauvres jeunes gens tremblaient en songeant avec quelle parcimonie sa prudente main savait y épancher l’huile. Il ne fallait pas qu’ils s’avisassent de passer une nuit dehors, sans avoir donné long-temps à l’avance un motif plausible à cette irrégularité. Chaque dimanche, et à tour de rôle, deux commis accompagnaient la famille Guillaume à la messe de Saint-Leu et aux vêpres. Mesdemoiselles Virginie et Augustine, modestement vêtues d’indienne, prenaient chacune le bras d’un commis et marchaient en avant, sous les yeux perçants de leur mère, qui fermait ce petit cortége domestique avec son mari accoutumé par elle à porter deux gros paroissiens reliés en maroquin noir. Le second commis n’avait pas d’appointements. Quant à celui que douze ans de persévérance et de discrétion initiaient aux secrets de la maison, il recevait huit cents francs en récompense de ses labeurs. À certaines fêtes de famille, il était gratifié de quelques cadeaux auxquels la main sèche et ridée de madame Guillaume donnait seule du prix: des bourses en filet, qu’elle avait soin d’emplir de coton pour faire valoir leurs dessins à jour; des bretelles fortement conditionnées, ou des paires de bas de soie bien lourdes. Quelquefois, mais rarement, ce premier ministre était admis à partager les plaisirs de la famille soit quand elle allait à la campagne, soit quand après des mois d’attente elle se décidait à user de son droit à demander, en louant une loge, une pièce à laquelle Paris ne pensait plus. Quant aux deux autres commis, la barrière de respect qui séparait jadis un maître drapier de ses apprentis était placée si fortement entre eux et le vieux négociant, qu’il leur eût été plus facile de voler une pièce de drap que de déranger cette auguste étiquette. Cette réserve peut paraître ridicule aujourd’hui. Néanmoins, ces vieilles maisons étaient des écoles de mœurs et de probité. Les maîtres adoptaient leurs apprentis. Le linge d’un jeune homme était soigné, réparé, quelquefois renouvelé par la maîtresse de la maison. Un commis tombait-il malade, il devenait l’objet de soins vraiment maternels. En cas de danger, le patron prodiguait son argent pour appeler les plus célèbres docteurs; car il ne répondait pas seulement des mœurs et du savoir de ces jeunes gens à leurs parents. Si l’un d’eux, honorable par le caractère, éprouvait quelque désastre, ces vieux négociants savaient apprécier l’intelligence qu’ils avaient développée, et n’hésitaient pas à confier le bonheur de leurs filles à celui auquel ils avaient pendant long-temps confié leurs fortunes. Guillaume était un de ces hommes antiques, et s’il en avait les ridicules, il en avait toutes les qualités. Aussi Joseph Lebas, son premier commis, orphelin et sans fortune, était-il, dans son idée, le futur époux de Virginie sa fille aînée. Mais Joseph ne partageait point les pensées symétriques de son patron, qui, pour un empire, n’aurait pas marié sa seconde fille avant la première. L’infortuné commis se sentait le cœur entièrement pris pour mademoiselle Augustine la cadette. Afin de justifier cette passion, qui avait grandi secrètement, il est nécessaire de pénétrer plus avant dans les ressorts du gouvernement absolu qui régissait la maison du vieux marchand drapier.

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