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Une Fille DEve

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Une Fille DEve
Название: Une Fille DEve
Автор: de Balzac Honor?
Дата добавления: 16 январь 2020
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Une Fille DEve - читать бесплатно онлайн , автор de Balzac Honor?

Deux femmes, Cl?mentine et Marie. Deux mariages, deux ?poux, charmants, convenables, vivant l'amour ? la petite semaine et soign?s comme une petite ma?tresse . Deux femmes, deux mariages, deux ?poux et, bien s?r, deux amants, vigoureux comme des tigres, de chevelure inculte et de regard napol?onien . Deux amants ? En fait un seul, Balzac lui-m?me, prodigieux narcisse et visionnaire amoureux qui ?voque ici une de ses conqu?tes et r?cup?re un de ses plus cuisants ?checs amoureux, toutes les femmes ne lui ayant pas dit, comme Mme de Berny : Adieu didi on t'aime quand m?me… malgr? la corde qui te manque. Et tous les personnages qui apparaissent dans Une fille d'Eve et deviendront les mar?chaux et les grognards de la Grande Arm?e balzacienne font de ce roman le laboratoire central de La Com?die humaine.

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– Il ne t’a pris que quinze pour cent, dit Blondet, tu lui devais des remerciements. À vingt-cinq pour cent on ne les salue plus; l’usure commence à cinquante pour cent, à ce taux on les méprise.

– Les mépriser! dit Florine. Quels sont ceux de vos amis qui vous prêteraient à ce taux sans se poser comme vos bienfaiteurs?

– Elle a raison, je suis heureux de ne plus rien devoir à du Tillet, disait Raoul.

Pourquoi ce défaut de pénétration dans leurs affaires personnelles chez des hommes habitués à tout pénétrer? Peut-être l’esprit ne peut-il pas être complet sur tous les points; peut-être les artistes vivent-ils trop dans le moment présent pour étudier l’avenir; peut-être observent-ils trop les ridicules pour voir un piége, et croient-ils qu’on n’ose pas les jouer. L’avenir ne se fit pas attendre. Vingt jours après les lettres de change étaient protestées; mais au Tribunal de commerce, Florine fit demander et obtenir vingt-cinq jours pour payer. Raoul étudia sa position, il demanda des comptes: il en résulta que les recettes du journal couvraient les deux tiers des frais, et que l’abonnement faiblissait. Le grand homme devint inquiet et sombre, mais pour Florine seulement, à laquelle il se confia. Florine lui conseilla d’emprunter sur des pièces de théâtre à faire, en les vendant en bloc et aliénant les revenus de son répertoire. Nathan trouva par ce moyen vingt mille francs, et réduisit sa dette à quarante mille. Le 10 de février les vingt-cinq jours expirèrent. Du Tillet, qui ne voulait pas de Nathan pour concurrent dans le collége électoral où il comptait se présenter, en laissant à Massol un autre collége à la dévotion du ministère, fit poursuivre à outrance Raoul par Gigonnet. Un homme écroué pour dettes ne peut pas s’offrir à la candidature. La maison de Clichy pouvait dévorer le futur ministre. Florine était elle-même en conversation suivie avec des huissiers, à raison de ses dettes personnelles; et, dans cette crise, il ne lui restait plus d’autre ressource que le moi de Médée, car ses meubles furent saisis. L’ambitieux entendait de toutes parts les craquements de la destruction dans son jeune édifice, bâti sans fondements. Déjà sans force pour soutenir une vaste entreprise, il se sentait incapable de la recommencer; il alla donc périr sous les décombres de sa fantaisie. Son amour pour la comtesse lui donnait encore quelques éclairs de vie; il animait son masque, mais en dedans l’espérance était morte. Il ne soupçonnait point du Tillet, il ne voyait que l’usurier. Rastignac, Blondet, Lousteau, Vernou, Finot, Massol se gardaient bien d’éclairer cet homme d’une activité si dangereuse. Rastignac, qui voulait ressaisir le pouvoir, faisait cause commune avec Nucingen et du Tillet. Les autres éprouvaient des jouissances infinies à contempler l’agonie d’un de leurs égaux, coupable d’avoir tenté d’être leur maître. Aucun d’eux n’aurait voulu dire un mot à Florine; au contraire, on lui vantait Raoul. «Nathan avait des épaules à soutenir le monde, il s’en tirerait, tout irait à merveille!»

– On a fait deux abonnés hier, disait Blondet d’un air grave, Raoul sera député. Le budget voté, l’ordonnance de dissolution paraîtra.

Nathan, poursuivi, ne pouvait plus compter sur l’usure. Florine, saisie, ne pouvait plus compter que sur les hasards d’une passion inspirée à quelque niais qui ne se trouve jamais à propos. Nathan n’avait pour amis que des gens sans argent et sans crédit. Une arrestation tuait ses espérances de fortune politique. Pour comble de malheur, il se voyait engagé dans d’énormes travaux payés d’avance, il n’entrevoyait pas de fond au gouffre de misère où il allait rouler. En présence de tant de menaces, son audace l’abandonna. La comtesse Vandenesse s’attacherait-elle à lui, fuirait-elle au loin? Les femmes ne sont jamais conduites à cet abîme que par un entier amour, et leur passion ne les avait pas noués l’un à l’autre par les liens mystérieux du bonheur. Mais la comtesse, le suivit-elle à l’étranger, elle viendrait sans fortune, nue et dépouillée, elle serait un embarras de plus. Un esprit de second ordre, un orgueilleux comme Nathan, devait voir et vit alors dans le suicide l’épée qui trancherait ces nœuds gordiens. L’idée de tomber en face de ce monde où il avait pénétré, qu’il avait voulu dominer, d’y laisser la comtesse triomphante et de redevenir un fantassin crotté, n’était pas supportable. La Folie dansait et faisait entendre ses grelots à la porte du palais fantastique habité par le poète. En cette extrémité, Nathan attendit un hasard et ne voulut se tuer qu’au dernier moment.

Durant les derniers jours employés par la signification du jugement, par les commandements et la dénonciation de la contrainte par corps, Raoul porta partout malgré lui cet air froidement sinistre que les observateurs ont pu remarquer chez tous les gens destinés au suicide ou qui le méditent. Les idées funèbres qu’ils caressent impriment à leur front des teintes grises et nébuleuses; leur sourire a je ne sais quoi de fatal, leurs mouvements sont solennels. Ces malheureux paraissent vouloir sucer jusqu’au zeste les fruits dorés de la vie; leurs regards visent le cœur à tout propos, ils écoutent leur glas dans l’air, ils sont inattentifs. Ces effrayants symptômes, Marie les aperçut un soir chez lady Dudley: Raoul était resté seul sur un divan, dans le boudoir, tandis que tout le monde causait dans le salon; la comtesse vint à la porte, il ne leva pas la tête, il n’entendit ni le souffle de Marie ni le frissonnement de sa robe de soie; il regardait une fleur du tapis, les yeux fixes, hébétés de douleur, il aimait mieux mourir que d’abdiquer. Tout le monde n’a pas le piédestal de Sainte-Hélène. D’ailleurs, le suicide régnait alors à Paris; ne doit-il pas être le dernier mot des sociétés incrédules? Raoul venait de se résoudre à mourir. Le désespoir est en raison des espérances, et celui de Raoul n’avait pas d’autre issue que la tombe.

– Qu’as-tu? lui dit Marie en volant auprès de lui.

– Rien, répondit-il.

Il y a une manière de dire ce mot rien entre amants, qui signifie tout le contraire. Marie haussa les épaules.

– Vous êtes un enfant, dit-elle, il vous arrive quelque malheur.

– Non, pas à moi, dit-il. D’ailleurs, vous le saurez toujours trop tôt, Marie, reprit-il affectueusement.

– À quoi pensais-tu quand je suis entrée? demanda-t-elle d’un air d’autorité.

– Veux-tu savoir la vérité? Elle inclina la tête. – Je songeais à toi, je me disais qu’à ma place bien des hommes auraient voulu être aimés sans réserve: je le suis, n’est-ce pas?

– Oui, dit-elle.

– Et, reprit-il en lui pressant la taille et l’attirant à lui pour la baiser au front, au risque d’être surpris, je te laisse pure et sans remords. Je puis t’entraîner dans l’abîme, et tu demeures dans toute ta gloire au bord, sans souillure. Cependant une seule pensée m’importune…

– Laquelle?

– Tu me mépriseras. Elle sourit superbement. – Oui, tu ne croiras jamais avoir été saintement aimée; puis on me flétrira, je le sais. Les femmes n’imaginent pas que du fond de notre fange nous levions nos yeux vers le ciel pour y adorer sans partage une Marie. Elles mêlent à ce saint amour de tristes questions, elles ne comprennent pas que des hommes de haute intelligence et de vaste poésie puissent dégager leur âme de la jouissance pour la réserver à quelque autel chéri. Cependant, Marie, le culte de l’idéal est plus fervent chez nous que chez vous: nous le trouvons dans la femme qui ne le cherche même pas en nous.

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