Le compte de Monte-Cristo Tome IV
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Victime d'un terrible complot, Edmond Dant?s est emprisonn? au Ch?teau d'If alors qu'il sur le point d'?pouser celle qu'il aime. A sa lib?ration et sous l'identit? du compte de Monte-Cristo, sa vengeance n'?pargnera personne…
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Un instant après il entendit un bruit de pas dans le salon, et alla ouvrir lui-même. Morrel parut sur le seuil.
Il avait devancé l’heure de près de vingt minutes.
«Je viens trop tôt peut-être, monsieur le comte dit-il, mais je vous avoue franchement que je n’ai pu dormir une minute, et qu’il en a été de même de toute la maison. J’avais besoin de vous voir fort de votre courageuse assurance pour redevenir moi-même.»
Monte-Cristo ne put tenir à cette preuve d’affection et ce ne fut point la main qu’il tendit au jeune homme mais ses deux bras qu’il lui ouvrit.
«Morrel, lui dit-il d’une voix émue, c’est un beau jour pour moi que celui où je me sens aimé d’un homme comme vous. Bonjour, monsieur Emmanuel. Vous venez donc avec moi, Maximilien?
– Pardieu! dit le jeune capitaine, en aviez-vous douté?
– Mais cependant si j’avais tort…
– Écoutez, je vous ai regardé hier pendant toute cette scène de provocation, j’ai pensé à votre assurance toute cette nuit, et je me suis dit que la justice devait être pour vous, ou qu’il n’y avait plus aucun fond à faire sur le visage des hommes.
– Cependant, Morrel, Albert est votre ami.
– Une simple connaissance, comte.
– Vous l’avez vu pour la première fois le jour même que vous m’avez vu?
– Oui, c’est vrai; que voulez-vous? il faut que vous me le rappeliez pour que je m’en souvienne.
– Merci, Morrel.»
Puis, frappant un coup sur le timbre:
«Tiens, dit-il à Ali qui apparut aussitôt, fais porter cela chez mon notaire. C’est mon testament, Morrel. Moi mort, vous irez en prendre connaissance.
– Comment! s’écria Morrel, vous mort?
– Eh! ne faut-il pas tout prévoir, cher ami? Mais qu’avez-vous fait hier après m’avoir quitté?
– J’ai été chez Tortoni, où, comme je m’y attendais, j’ai trouvé Beauchamp et Château-Renaud. Je vous avoue que je les cherchais.
– Pour quoi faire, puisque tout cela était convenu?
– Écoutez, comte, l’affaire est grave, inévitable.
– En doutiez-vous?
– Non. L’offense a été publique, et chacun en parlait déjà.
– Eh bien?
– Eh bien, j’espérais faire changer les armes, substituer l’épée au pistolet. Le pistolet est aveugle.
– Avez-vous réussi? demanda vivement Monte-Cristo avec une imperceptible lueur d’espoir.
– Non, car on connaît votre force à l’épée.
– Bah! qui m’a donc trahi?
– Les maîtres d’armes que vous avez battus.
– Et vous avez échoué?
– Ils ont refusé positivement.
– Morrel, dit le comte, m’avez-vous jamais vu tirer le pistolet?
– Jamais.
– Eh bien, nous avons le temps, regardez.»
Monte-Cristo prit les pistolets qu’il tenait quand Mercédès était entrée, et collant un as de trèfle contre la plaque, en quatre coups il enleva successivement les quatre branches du trèfle.
À chaque coup Morrel pâlissait.
Il examina les balles avec lesquelles Monte-Cristo exécutait ce tour de force, et il vit qu’elles n’étaient pas plus grosses que des chevrotines.
«C’est effrayant, dit-il; voyez donc, Emmanuel!»
Puis, se retournant vers Monte-Cristo:
«Comte, dit-il, au nom du Ciel, ne tuez pas Albert! le malheureux a une mère!
– C’est juste, dit Monte-Cristo, et, moi, je n’en ai pas.»
Ces mots furent prononcés avec un ton qui fit frissonner Morrel.
«Vous êtes l’offensé, comte.
– Sans doute; qu’est-ce que cela veut dire?
– Cela veut dire que vous tirez le premier.
– Je tire le premier?
– Oh! cela, je l’ai obtenu ou plutôt exigé; nous leur faisons assez de concessions pour qu’ils nous fissent celles-là.
– Et à combien de pas?
– À vingt.»
Un effrayant sourire passa sur les lèvres du comte.
«Morrel, dit-il, n’oubliez pas ce que vous venez de voir.
– Aussi, dit le jeune homme, je ne compte que sur votre émotion pour sauver Albert.
– Moi, ému? dit Monte-Cristo.
– Ou sur votre générosité, mon ami; sûr de votre coup comme vous l’êtes, je puis vous dire une chose qui serait ridicule si je la disais à un autre.
– Laquelle?
– Cassez-lui un bras, blessez-le, mais ne le tuez pas.
– Morrel, écoutez encore ceci, dit le comte, je n’ai pas besoin d’être encouragé à ménager M. de Morcerf; M. de Morcerf, je vous l’annonce d’avance, sera si bien ménagé qu’il reviendra tranquillement avec ses deux amis tandis que moi…
– Eh bien, vous?
– Oh! c’est autre chose, on me rapportera, moi.
– Allons donc! s’écria Maximilien hors de lui.
– C’est comme je vous l’annonce, mon cher Morrel, M. de Morcerf me tuera.»
Morrel regarda le comte en homme qui ne comprend plus.
«Que vous est-il donc arrivé depuis hier soir, comte?
– Ce qui est arrivé à Brutus la veille de la bataille de Philippes: J’ai vu un fantôme.
– Et ce fantôme?
– Ce fantôme, Morrel, m’a dit que j’avais assez vécu.»
Maximilien et Emmanuel se regardèrent; Monte-Cristo tira sa montre.
«Partons, dit-il, il est sept heures cinq minutes, et le rendez-vous est pour huit heures juste.»
Une voiture attendait toute attelée; Monte-Cristo y monta avec ses deux témoins.
En traversant le corridor, Monte-Cristo s’était arrêté pour écouter devant une porte, et Maximilien et Emmanuel, qui, par discrétion, avaient fait quelques pas en avant, crurent entendre répondre à un sanglot par un soupir.
À huit heures sonnantes on était au rendez-vous.
«Nous voici arrivés, dit Morrel en passant la tête par la portière, et nous sommes les premiers.