Le Proces

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Le Proces
Название: Le Proces
Автор: Kafka Franz
Дата добавления: 16 январь 2020
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Le Proces - читать бесплатно онлайн , автор Kafka Franz

Joseph K., employ? de banque mod?le et sans probl?me, est arr?t? un matin par des inconnus v?tus d'un uniforme de voyage. K. reste pourtant libre de continuer ? vivre comme si rien ne s'?tait produit, mais il est sans arr?t surveill? et ?pi? par trois de ses coll?gues de travail. Pensant, au d?but, que tout cela n'?tait qu'une vile plaisanterie, K. ne tient pas compte de ce qui se passe. Intrigu? par l'absurdit? de la situation, il interroge les policiers sur son arrestation et n'obtient aucune r?ponse: c'est alors qu'un sentiment de culpabilit? s'empare de lui. Pour montrer que tout le monde se trompe ? son sujet, il accepte de venir ? toutes les convocations et de compara?tre devant le tribunal. Angoiss?, il cherche par tous les moyens ? s'innocenter et commence alors ? n?gliger son travail. Sur le conseil de son oncle, il engage un avocat qu'il va renvoyer par la suite ? cause de son inefficacit?, ce qui le contraint ? assurer lui-m?me sa propre d?fense devant la Cour de Justice…

Un roman d'une modernit? absolue, la grande Oeuvre kafka?enne: les situations sont impossibles, les personnages irr?els, l'histoire peu plausible, et pourtant nous savons tous, lorsque nous lisons ce texte, que Kafka nous parle profond?ment, v?ridiquement, de nous, de la soci?t?, de ce dr?le d'animal social qu'est l'homme.

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«Est-ce ici chez le menuisier Lanz? demanda-t-il.

– Entrez», dit une jeune femme aux yeux noirs en train de laver du linge d’enfants dans un baquet, en lui montrant de sa main savonneuse la porte ouverte de la pièce voisine.

K. crut qu’il avait mis les pieds dans une réunion publique. Une foule de gens des plus divers emplissait une pièce à deux fenêtres autour de laquelle courait à faible distance du plafond une galerie bondée de monde et où les spectateurs ne pouvaient se tenir que courbés, la tête et le dos butant le plafond. Nul ne s’inquiéta de son entrée.

K., trouvant l’air trop épais, ressortit et dit à la jeune femme qui l’avait sans doute mal compris:

«Je vous avais demandé un certain Lanz qui est menuisier de son état.

– Mais oui! dit la femme, vous n’avez qu’à entrer.»

K. ne l’eût sans doute pas fait si elle n’avait saisi juste à ce moment la poignée de la porte en disant:

«Après vous il faut que je ferme; personne n’a plus le droit d’entrer.

– C’est fort raisonnable, dit K., mais la pièce est déjà trop pleine.»

Puis il entra tout de même. Entre deux hommes qui s’entretenaient contre la porte – l’un faisait des deux mains le geste de donner de l’argent, l’autre le regardait dans les yeux – une main vint agripper K. C’était celle d’un petit jeune homme aux joues rouges.

«Venez, venez», disait-il.

K. se laissa conduire; il s’aperçut que la cohue laissait un étroit passage qui devait séparer deux partis; c’était d’autant plus vraisemblable que tout le long des deux premières rangées, celle de droite et celle de gauche, il ne vit pas un seul visage tourné vers lui, mais seulement les dos de gens qui n’adressaient leurs discours et leurs gestes qu’à une moitié de l’assemblée. La plupart étaient vêtus de noir et portaient de longues redingotes de cérémonie qui pendaient mollement sur leurs corps. C’était ce vêtement qui désorientait K.; sans lui il aurait cru se trouver dans une réunion politique [7].

À l’autre bout de la pièce, où on le conduisit, une petite table avait été posée en large sur une estrade basse et couverte de gens comme le reste de la salle; derrière la table, près du bord de cette estrade, un petit homme gras et essoufflé était assis, en train de parler, au milieu de rires bruyants, avec un homme qui se tenait debout derrière lui, les jambes croisées et les coudes appuyés sur le dossier de la chaise de son interlocuteur. Il agitait parfois les bras en l’air comme pour caricaturer quelqu’un; le jeune homme qui conduisait K. eut peine à exécuter sa mission. Il avait déjà cherché par deux fois, en se levant sur la pointe des pieds, à annoncer son visiteur sans parvenir à se faire voir du petit homme. Ce ne fut que quand l’une des personnes de l’estrade eut attiré son attention sur le garçon que le petit homme se retourna et écouta en se penchant la communication que l’autre lui chuchota. Puis il sortit sa montre et jeta un bref regard sur K.

«Vous auriez dû vous présenter, dit-il, il y a une heure et cinq minutes.»

K. voulut répondre quelque chose, mais il n’en eut pas le temps, car, à peine l’homme eut-il fini de parler, qu’un murmure général s’éleva dans la moitié droite de la salle.

«Vous auriez dû vous présenter il y a une heure et cinq minutes,» répéta alors l’homme en élevant la voix et en jetant les yeux sur le public.

La rumeur enfla subitement, puis, l’homme ne disant plus rien, s’apaisa petit à petit. Le calme était maintenant plus grand qu’au moment de l’entrée de K. Seuls les gens de la galerie ne cessaient de faire leurs remarques. Autant qu’on pût les distinguer dans la pénombre, la poussière et la fumée, ils semblaient bien plus mal vêtus que ceux d’en bas. Beaucoup d’entre eux avaient apporté des coussins qu’ils avaient mis entre leur tête et le plafond pour ne pas se cogner le crâne.

K., ayant décidé d’observer plus que de parler, renonça à s’excuser de son prétendu retard et se contenta de déclarer:

«Que je sois venu trop tard ou non, maintenant je suis ici.»

Les applaudissements retentirent de nouveau dans la moitié droite de la salle.

«Les faveurs de ces gens sont faciles à gagner», pensa K. inquiet seulement du silence de la moitié gauche devant laquelle il se tenait et d’où ne s’étaient élevées que des approbations isolées. Il se demanda ce qu’il pourrait dire pour gagner tout le monde d’un seul coup ou, si ce n’était pas possible, pour s’acquérir au moins un temps la sympathie de ceux qui s’étaient tus jusque-là.

«Oui, lui répondit alors le petit homme, mais je ne suis plus obligé de vous écouter maintenant.»

Le murmure recommença, mais il prêtait cette fois à des malentendus, car l’homme continuait à parler tout en faisant signe aux gens de se taire:

«Je le ferai pourtant aujourd’hui, une fois encore, par exception. Et maintenant avancez.»

Quelqu’un sauta au pied de l’estrade, laissant à K. une place libre qu’il vint prendre. Il se trouvait collé contre le bord de la table et il y avait une telle presse derrière lui qu’il était obligé de résister aux gens pour ne pas risquer de renverser la table du juge d’instruction et peut-être le juge avec.

Mais le juge d’instruction ne s’en inquiétait pas le moins du monde, il était confortablement assis sur sa chaise. Après avoir dit un mot à l’homme qui se tenait derrière lui, il saisit un petit registre, le seul objet qui se trouvât là. On eût dit un vieux cahier d’écolier tout déformé à force d’avoir été feuilleté.

«Voyons donc, dit le juge d’instruction en tournant les pages du registre et en s’adressant à K. sur le ton d’une constatation, vous êtes peintre en bâtiment?

– Non, dit K., je suis fondé de pouvoir d’une grande banque.»

Cette réponse fut saluée par le parti de droite d’un rire si cordial que K. ne put s’empêcher de faire chorus. Les gens avaient posé leurs mains sur leurs genoux et se secouaient comme dans un terrible accès de toux; le juge d’instruction, furieux et ne pouvant sans doute rien contre le parterre, chercha à se dédommager sur la galerie et la menaça en fronçant ses sourcils, qu’on ne remarquait pas d’ordinaire, mais qui parurent hérissés, noirs et terribles en ce moment d’irritation.

La moitié gauche de la salle avait conservé tout son calme; les gens restaient bien alignés, le visage tourné vers l’estrade et écoutaient aussi tranquillement le vacarme d’en haut que celui d’à côté; ils laissaient même certains d’entre eux sortir des rangs et se mêler de temps en temps à l’autre parti. Ces gens de gauche, qui étaient d’ailleurs les moins nombreux, n’étaient peut-être pas plus forts au fond que ceux de droite, mais le calme de leur conduite leur donnait plus d’autorité. Lorsque K. se mit à parler, il se sentait convaincu qu’ils étaient de son avis.

«Vous m’avez demandé, dit-il, monsieur le Juge d’instruction, si je suis peintre en bâtiment; ou, pour mieux dire, vous ne m’avez rien demandé du tout, vous m’avez asséné votre constatation comme une vérité première; cela caractérise bien la façon dont tout le procès a été mené contre moi; vous pouvez m’objecter d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’un procès. Dans ce cas, je vous donne cent fois raison; vos procédés ne constituent une procédure que si je l’admets. C’est ce que je veux bien faire pour le moment; en quelque sorte par pitié; c’est à ce prix seul qu’on peut se résoudre à leur accorder quelque attention. Je ne dis pas qu’ils représentent un sabotage de la justice, mais j’aimerais vous avoir fourni cette expression pour qu’elle vous vînt à vous-même en y songeant.»

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