JOSEPH BALSAMO Memoires dun medecin Tome III
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Les «M?moires d'un m?decin» est une suite romanesque qui a pour cadre la R?volution Fran?aise et qui comprend «Joseph Balsamo», «le Collier de la reine», «Ange Pitou» et la «Comtesse de Charny». Cette grande fresque, tr?s int?ressante sur le plan historique, captivante par son r?cit, a une grande force inventive et une port?e symbolique certaine.
«Joseph Balsamo» s'ouvre en 1770 sur un Prologue ?sot?rique: sur le mont Tonnerre sont r?unis les chefs de la franc-ma?onnerie universelle. Un inconnu qui se pr?sente comme le nouveau Messie, l'homme-Dieu – «Je suis celui qui est» -, proph?tise la R?volution universelle, qui sera lanc?e par la France, o? il se charge de devenir l'agent de la Providence. Cet inconnu s'appelle Joseph Balsamo, alias Cagliostro.
Trois trames vont s'entrem?ler tout au long du roman:
La lutte pour le pouvoir entre le parti de la dauphine, Marie-Antoinette, et celui de la Du Barry.
L'amour malheureux de Gilbert, petit paysan ambitieux, pour la belle Andr?e de Taverney, et le roman d'apprentissage de Gilbert qui, ayant suivi Andr?e ? Paris, devient d'abord le jouet de la Du Barry, puis est adopt? par son p?re spirituel, le philosophe Jean-Jacques Rousseau.
Enfin, le drame qui se joue entre Balsamo, Lorenza – m?dium qui assure, gr?ce ? son don de double vue, la puissance de Balsamo, qui le hait lorsqu'elle est ?veill?e et l'adore lorsqu'elle est endormie – et Althotas – qui cherche l'?lixir de longue vie, pour lequel il lui faut le sang d'une vierge…
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C’était une adroite flatterie de la part du duc. Louis XV admirait toujours la vieillesse de cet homme qui avait tué tant de jeunesse à son service; car, ayant cet exemple sous les yeux, il pouvait espérer d’arriver au même âge que lui.
– Soit, dit Louis XV; mais j’espère que vous n’avez plus cette prétention d’être aimé pour vous, duc?
– Si je croyais cela, sire, je me brouillerais à l’instant même avec deux femmes qui m’ont dit le contraire encore ce matin.
– Eh bien, duc, dit Louis XV, nous verrons; nous verrons, monsieur de Taverney; la jeunesse rajeunit, c’est vrai…
– Oui, sire, et le sang noble est une salutaire infusion, sans compter qu’au changement un esprit riche comme celui de Votre Majesté gagne toujours et ne perd jamais.
– Cependant, fit observer Louis XV, je me rappelle que mon aïeul, lorsqu’il devint vieux, ne courtisa plus les femmes avec la même hardiesse.
– Allons, allons, sire, dit Richelieu, Votre Majesté sait tout mon respect pour le feu roi, qui m’a mis deux fois à la Bastille; mais cela ne doit point m’empêcher de dire qu’entre l’âge mur de Louis XIV et l’âge mûr de Louis XV, il n’y a aucune comparaison à faire. Que diable! Votre Majesté Très Chrétienne, tout en honorant son titre de Fils aîné de l’Église, ne pousse pas l’ascétisme jusqu’à oublier son humanité?
– Ma foi, non, dit Louis XV; j’avoue cela, puisque je n’ai ici ni mon médecin ni mon confesseur.
– Eh bien, sire, le roi votre aïeul étonnait souvent, par ses excès de zèle religieux et par ses mortifications sans nombre, madame de Maintenon, plus âgée cependant que lui. Je le répète, voyons, sire, peut-on comparer l’homme à l’homme quand on parle de vos deux Majestés?
Le roi, ce soir-là, était en bonne veine; les paroles de Richelieu étaient autant de gouttes d’eau tombées de la fontaine de Jouvence.
Richelieu pensa que le moment était venu; il poussa du genou le genou de Taverney.
– Sire, dit celui-ci, Votre Majesté veut-elle accepter mes remerciements pour le magnifique cadeau qu’elle a fait à ma fille?
– Il n’y a pas à me remercier pour cela, baron, dit le roi; mademoiselle de Taverney me plaît pour sa grâce honnête et décente. Je voudrais que mes filles eussent encore à faire leurs maisons; certes, mademoiselle Andrée… c’est ainsi qu’elle s’appelle, n’est-ce pas?
– Oui, sire, dit Taverney ravi que le roi sût le nom de baptême de sa fille.
– Joli nom! Certes, mademoiselle Andrée eût été la première sur la liste; mais tout est envahi chez moi. En attendant, baron, tenez-vous-le pour dit, cette jeune fille aura toute ma protection; elle n’est pas richement dotée, je crois?
– Hélas! non, sire.
– Eh bien, je m’occuperai de son mariage.
Taverney salua bien bas.
– Alors Votre Majesté sera donc assez bonne pour chercher le mari; car j’avoue que, dans notre pauvreté, qui est presque de la misère…
– Oui, oui, tenez-vous en repos là-dessus, dit Louis XV; mais elle est fort jeune, ce me semble, et cela ne presse point.
– Cela presse d’autant moins, sire, que votre protégée a horreur du mariage.
– Voyez-vous cela! dit Louis XV en se frottant les mains et en regardant Richelieu. Eh bien, en tout cas, faites état de moi, monsieur de Taverney, si vous êtes embarrassé.
Cela dit, Louis XV se leva; puis, s’adressant au duc:
– Maréchal! dit-il.
Le duc s’approcha du roi.
– La petite a-t-elle été contente?
– De quoi, sire?
– De l’écrin.
– Que Votre Majesté me pardonne de lui parler bas, mais le père écoute, et il ne faut pas qu’il entende ce que je vais vous dire.
– Bah!
– Non.
– Dites, alors.
– Sire, la petite a horreur du mariage, c’est vrai; mais une chose dont je suis bien certain, c’est qu’elle n’a pas horreur de Votre Majesté.
Cela dit avec une familiarité qui plut au roi par l’excès même de la franchise, le maréchal courut avec ses petits piétinements rejoindre Taverney, qui, par respect, s’était retiré sur le seuil de la galerie.
Tous deux partirent par les jardins.
La soirée était magnifique. Deux laquais marchaient devant eux, tenant des torches d’une main et tirant de l’autre le bout des branches fleuries; on voyait encore les fenêtres de Trianon en feu à travers la sueur des vitres enflammées par l’ivresse des cinquante convives de madame la dauphine.
La musique de Sa Majesté animait le menuet; car, après souper, on avait dansé et l’on dansait encore.
Dans un massif épais de lilas et de boules de neige, Gilbert, à genoux sur la terre, regardait le jeu des ombres derrière les tapisseries diaphanes.
Le ciel tombant sur la terre n’eût pas distrait ce contemplateur, enivré de la beauté qu’il suivait dans tous les méandres de la danse.
Cependant, lorsque Richelieu et Taverney passèrent en frôlant le buisson dans lequel était caché cet oiseau nocturne, le son de leur voix et une certaine parole surtout firent lever la tête à Gilbert.
C’est que cette parole était, pour lui surtout, importante et bien significative.
Le maréchal, appuyé au bras de son ami et penché à son oreille, lui disait:
– Tout bien considéré, tout bien pesé, baron, c’est dur à t’avouer, mais il faut vite faire partir ta fille pour un couvent.
– Et pourquoi cela? demanda le baron.
– Parce que le roi, j’en gagerais, répondit le maréchal, est amoureux de mademoiselle de Taverney.
Gilbert, à ces paroles, devint plus pâle que les boules de neige floconneuses qui retombaient sur son épaule et sur son front.
