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Nanon

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Nanon
Название: Nanon
Автор: Sand George
Дата добавления: 16 январь 2020
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Nanon читать книгу онлайн

Nanon - читать бесплатно онлайн , автор Sand George

Nanon, n?e en 1775, raconte en 1850 les ?v?nements qu'elle a v?cus dans son enfance et sa jeunesse. La p?riode pr?r?volutionnaire est ?voqu?e comme un temps imm?morial, o? rien ne semble devoir changer. On apprend la prise de la Bastille un jour de march?. George Sand ?voque fort bien la Grande Peur dans ce qu'elle a d'irrationnel et de terrifiant, la f?te de la F?d?ration, moment d'exaltation et de bonheur, puis la vente des biens nationaux. Ainsi, Nanon peut devenir propri?taire de sa maison…

C'est une vue de la R?volution, ?quilibr?e et sans fanatisme, que donne ce grand roman. Paru en 1872 – George Sand a donc soixante-huit ans -, il t?moigne que la capacit? de travail et la force d'invention sont intactes chez la romanci?re. Forte d'une documentation impressionnante, l'auteur conduit le r?cit avec une all?gresse et une c?l?rit? qui nous ?tonnent. Nanon est un des tr?s rares romans qui traite de la R?volution Fran?aise dans les campagnes, vue ? travers les yeux d'une paysanne.

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– C'est vous qui déciderez, lui dis-je. S'il nous fallait attendre encore pour célébrer ce bonheur en même temps que le vôtre…

Il secoua la tête et m'interrompant:

– J'avais formé certains projets… auxquels il me faut renoncer et auxquels je renonce sans dépit. Arrêtons-nous sur ce banc. Je me sens très fatigué, j'ai travaillé beaucoup cette nuit, j'ai beaucoup marché dans la matinée…

– Vous êtes souffrant ou vous avez un grand chagrin, lui dit Émilien en lui saisissant les deux mains! votre mère…

– Bien, très bien, ma bonne mère! vous allez la voir.

– Et Louise?…

– Votre sœur… très bien aussi; mais vous ne la verrez pas ici. Elle est… partie.

– Partie!… où? comment?

– Avec sa vieille parente, madame de Montifault, la Vendéenne, la chouanne irréconciliable! Chargée par vos parents de veiller sur Louise, mais empêchée longtemps par le louable devoir de fomenter et de continuer la guerre civile, elle a pu enfin sortir du repaire; elle est venue hier soir chercher Louise, et Louise l'a suivie.

– Sans résistance?

– Et sans regret! Vous aurez donc le regret, vous, de ne pas l'embrasser aujourd'hui, ni peut-être de sitôt…

– J'irai la chercher! Où qu'elle soit, je la retrouverai, je la ramènerai. Je suis majeur, elle est ma pupille, elle ne dépend que de moi. Je n'entends pas que ma sœur aille vivre parmi les brigands.

– La paix est faite, mon ami, il faut en finir avec toutes ces haines; moi, j'en suis las, et je vous engage à laisser à votre sœur la liberté de ses actions et de ses opinions. Dans quelques mois, elle aura vingt ans; un an encore et elle aura le droit légal de résider où il lui plaira, comme elle a déjà le droit moral de penser ce qui lui plaît, de haïr et de repousser qui bon lui semble. Nous avons souffert et combattu pour la liberté, mon enfant, chacun selon nos forces. Respectons la liberté des consciences et reconnaissons que ce qui est du domaine de la croyance nous échappe.

– Vous avez raison, reprit Émilien, et, si ma sœur se rend bien compte de ce qu'elle a fait en quittant ainsi votre maison, je l'abandonnerai à ses préjugés. Mais peut-être ne sont-ils pas aussi invétérés que vous le pensez. Peut-être a-t-elle cru devoir obéir à la dernière volonté de ses parents, peut-être n'est-elle pas ingrate au fond du cœur, et, puisqu'elle touche à l'âge où elle pourra disposer d'elle-même, peut-être n'attend-elle que ce moment et ma sanction pour…

– Non! jamais! reprit Costejoux en se levant: elle ne m'aime pas, – et, moi, je ne l'aime plus! Son obstination a lassé ma patience, sa froideur a glacé mon âme! J'en ai souffert, je l'avoue; j'ai passé une nuit affreuse, mais je me suis raisonné, résumé, repris. Je suis un homme, j'ai eu tort de croire qu'il y avait quelque chose dans la femme. Pardon, Nanette, vous êtes une exception. Je peux dire devant vous ce que je pense des autres.

– Et votre mère! m'écriai-je.

– Ma mère! Exception aussi! Vous êtes deux, et, après cela, je n'en connais pas d'autres. Mais allons la trouver, cette chère mère; elle pleure Louise, elle! elle pleure! c'est un soulagement pour elle. Aidez-moi à la distraire, à la rassurer, car elle s'inquiète de moi avant tout, et moi, une chose me soulage, c'est que Louise ne l'eût pas rendu heureuse, elle ne l'aimait pas, elle n'aime et n'aimera jamais personne.

– Permettez-moi de croire ma sœur moins indigne! répondit Émilien avec feu. Je pars, je veux partir à l'instant même. Je vous confie Nanette. Je serai de retour demain; ma sœur ne peut être loin, puisqu'elle est partie hier au soir. Dites-moi quelle route elle a dû suivre.

– C'est inutile! puisque le sacrifice est accompli…

– Non, il ne l'est pas!

– Émilien, laissez-moi guérir. J'aime mieux ne pas la revoir.

– Vous guérirez si elle est réellement ingrate, car, pour vous comme pour moi, pour nous qui sommes des cœurs dévoués, l'ingratitude est impardonnable, odieuse. Vous êtes un homme, vous l'avez dit, et je sais que cela est. Ne vous comportez pas en homme faible. Soyez généreux jusqu'au bout. Accueillez le repentir, si repentir il y a, et, si vous ne l'aimez plus, pardonnez-lui du moins avec la douceur et la dignité qui vous conviennent. Moi, je ne puis souffrir qu'elle vous quitte sans avoir obtenu ce pardon, c'est une question d'honneur pour moi. Adieu, renseignez-moi, pour que je la retrouve, j'exige cela de vous!

Émilien, malgré ses habitudes de douceur et de patience, était si résolu devant l'appel du devoir, que M. Costejoux dut céder et lui indiquer la route que Louise et madame de Montifault avaient prise pour gagner la Vendée. Il m'embrassa, remonta dans la voiture qui nous avait amenés et partit sans entrer sous le toit de ses pères, sans y jeter même un regard.

Je réussis à rassurer madame Costejoux sur l'état d'esprit de son fils; lui-même réussit à lui faire croire, pendant le souper, qu'il était fatigué, brisé, mais tout à fait calmé, et que, Louise revînt-elle, il la reverrait avec une tranquille indifférence.

Il prit tellement sur lui-même, qu'il réussit à me persuader aussi. Il nous quitta de bonne heure, disant qu'il tombait de sommeil et que, quand il aurait dormi sur son chagrin et sa colère, il n'y songerait plus.

Madame Costejoux me pria de coucher dans sa chambre. Elle avait besoin de parler de Louise et de se plaindre de la dureté inouïe de la vieille Vendéenne, de son ton arrogant, de ses mépris, de son impertinence, contre lesquels Louise, confuse et comme paralysée, n'avait pas eu le cœur de protester.

– Et pourtant, lui dis-je, Louise aime votre fils, elle me l'avait confié, et, à présent, pour la justifier, je trahis son secret.

– Elle l'aimait, reprit-elle, oui, je l'ai cru aussi; mais elle en rougit à présent, et bientôt, dans ce pays de prêtres où on l'emmène, elle s'en confessera comme d'un crime. Elle fera pénitence pour laver cette honte. Voilà comment son cœur nous remerciera de tant de bienfaits, de tendresses, d'hommages et de soins. Ah! mon pauvre fils! puisse-t-il guérir par le mépris!

Elle s'endormit en gémissant; moi, je ne pus fermer l'œil. Je me demandais si, en effet, le mépris guérit de la passion: je ne savais! Je n'avais pas d'expérience. Je n'avais jamais connu l'atroce nécessité de mépriser une personne aimée. L'âme d'un homme agité comme M. Costejoux était pour moi un mystère. Je voyais en lui de si puissantes contradictions! je me rappelais les sévérités, je pourrais dire les rigueurs de sa conduite politique, et, en même temps, sa généreuse pitié pour les victimes; sa haine contre les nobles et cet amour pour Louise étaient pour moi une inconséquence indéchiffrable.

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