Le Compagnon Du Tour De France
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Pierre Huguenin et son p?re sont compagnons. Le Comte de Villepreux les a engag?s pour qu'ils restaurent les boiseries de sa chapelle. Le Comte vit avec deux jeunes femmes: sa fille Yseult, tr?s cultiv?e et ?prise d'id?al, et la Marquise Jos?phine des Fresnays, qui est passionn?e et romantique. Pierre Huguenin quitte le manoir pour aller chercher des ouvriers capables de remplacer son p?re qui a eu un accident le rendant inapte au travail. Il ram?ne son ami nantais, le Corinthien qui abandonne son amie La Savinienne au profit de Jos?phine. Le Comte de Villepreux refuse de voir des roturiers, m?me cultiv?s, entrer dans sa famille. Il exp?die le Corinthien en Italie. Pierre et Yseult doivent, eux aussi, renoncer ? leur amour, bien qu'il soit pur et calme.
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– Il faut, disait-il tout bas à son compère le serrurier Lacrête, que mon garçon me cache quelque secret. Je parierais qu’il en sait plus qu’il n’en veut faire paraître. On dirait qu’en travaillant pour moi, il s’acquitte d’une dette, mais qu’il réserve ses talents pour le temps où il travaillera à son compte, afin de m’écraser tout d’un coup.
– Eh bien, répondait le compère Lacrête, tant mieux pour vous; vous vous reposerez alors, car vous n’avez que ce fils, et vous n’aurez pas besoin de l’aider à s’établir; il se fera tout seul une bonne position, et vous jouirez enfin de la vie en mangeant vos revenus. N’êtes-vous pas assez riche pour quitter la profession, et voulez-vous donc disputer la clientèle du village à votre enfant unique?
– Dieu m’en garde! reprenait le menuisier, je ne suis pas ambitieux et j’aime mon fils comme moi-même; mais voyez-vous, il y a l’amour-propre! Croyez-vous qu’on se résigne à soixante ans, à voir sa réputation éclipsée par un jeune homme qui n’a pas même voulu prendre vos leçons, les jugeant indignes de son génie? Croyez-vous que ce serait une belle conduite de la part d’un fils, de venir dire à tout le monde: voyez, je travaille mieux que mon père, donc mon père ne savait rien!
En raisonnant ainsi, le maître menuisier rongeait son frein. Il essayait de trouver quelque chose à reprendre dans le travail de son fils, et s’il surprenait la moindre trace d’enjolivement à ses pièces de menuiserie, il la critiquait amèrement. Pierre n’en montrait aucun dépit. D’un coup de rabot il enlevait lestement l’ornement qui semblait s’être échappé malgré lui de sa main: il était résolu à tout souffrir, à se laisser humilier mille fois plutôt que de faire mauvais ménage avec son père. Il le connaissait trop bien pour ne pas avoir prévu qu’il ne fallait pas essayer de le primer. Content d’avoir acquis les talents qu’il avait ambitionnés, il attendait que l’occasion de les faire apprécier vînt d’elle-même, et il savait bien qu’elle ne tarderait pas. En effet, elle se présenta le jour où l’économe conduisit les deux menuisiers au château pour examiner les travaux en question.