La Reine Margot Tome I
La Reine Margot Tome I читать книгу онлайн
Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
– Je veux dire que lorsqu’on est maître de la plus belle femme de France, la seule chose qu’on doive désirer, c’est que la lumière disparaisse pour faire place à l’obscurité, car c’est dans l’obscurité que nous attend le bonheur.
– Ce bonheur, mauvaise, vous savez bien qu’il est aux mains d’une seule personne, et que cette personne se rit et se joue du pauvre Henri.
– Oh! reprit la baronne, j’aurais cru, au contraire, moi, que c’était cette personne qui était le jouet et la risée du roi de Navarre.
Henri fut effrayé de cette attitude hostile, et cependant il réfléchit qu’elle trahissait le dépit, et que le dépit n’est que le masque de l’amour.
– En vérité, dit-il, chère Charlotte, vous me faites là un injuste reproche, et je ne comprends pas qu’une si jolie bouche soit en même temps si cruelle. Croyez-vous donc que ce soit moi qui me marie? Eh! non, ventre saint gris! ce n’est pas moi!
– C’est moi, peut-être! reprit aigrement la baronne, si jamais peut paraître aigre la voix de la femme qui nous aime et qui nous reproche de ne pas l’aimer.
– Avec vos beaux yeux n’avez-vous pas vu plus loin, baronne? Non, non, ce n’est pas Henri de Navarre qui épouse Marguerite de Valois.
– Et qui est-ce donc alors?
– Eh, sang-diou! c’est la religion réformée qui épouse le pape, voilà tout.
– Nenni, nenni, Monseigneur, et je ne me laisse pas prendre à vos jeux d’esprit, moi: Votre Majesté aime madame Marguerite, et je ne vous en fais pas un reproche, Dieu m’en garde! elle est assez belle pour être aimée.
Henri réfléchit un instant, et tandis qu’il réfléchissait, un bon sourire retroussa le coin de ses lèvres.
– Baronne, dit-il, vous me cherchez querelle, ce me semble, et cependant vous n’en avez pas le droit; qu’avez-vous fait, voyons! pour m’empêcher d’épouser madame Marguerite? Rien; au contraire, vous m’avez toujours désespéré.
– Et bien m’en a pris, Monseigneur! répondit madame de Sauve.
– Comment cela?
– Sans doute, puisque aujourd’hui vous en épousez une autre.
– Ah! je l’épouse parce que vous ne m’aimez pas.
– Si je vous eusse aimé, Sire, il me faudrait donc mourir dans une heure!
– Dans une heure! Que voulez-vous dire, et de quelle mort seriez-vous morte?
– De jalousie… car dans une heure la reine de Navarre renverra ses femmes, et Votre Majesté ses gentilshommes.
– Est-ce là véritablement la pensée qui vous préoccupe, ma mie?
– Je ne dis pas cela. Je dis que, si je vous aimais, elle me préoccuperait horriblement.
– Eh bien, s’écria Henri au comble de la joie d’entendre cet aveu, le premier qu’il eût reçu, si le roi de Navarre ne renvoyait pas ses gentilshommes ce soir?
– Sire, dit madame de Sauve, regardant le roi avec un étonnement qui cette fois n’était pas joué, vous dites là des choses impossibles et surtout incroyables.
– Pour que vous le croyiez, que faut-il donc faire?
– Il faudrait m’en donner la preuve, et cette preuve, vous ne pouvez me la donner.
– Si fait, baronne, si fait. Par saint Henri! je vous la donnerai, au contraire, s’écria le roi en dévorant la jeune femme d’un regard embrasé d’amour.
– Ô Votre Majesté!… murmura la belle Charlotte en baissant la voix et les yeux. Je ne comprends pas… Non, non! il est impossible que vous échappiez au bonheur qui vous attend.
– Il y a quatre Henri dans cette salle, mon adorée! reprit le roi: Henri de France, Henri de Condé, Henri de Guise, mais il n’y a qu’un Henri de Navarre.
– Eh bien?
– Eh bien, si vous avez ce Henri de Navarre près de vous toute cette nuit…
– Toute cette nuit?
– Oui; serez-vous certaine qu’il ne sera pas près d’une autre?
– Ah! si vous faites cela, Sire, s’écria à son tour la dame de Sauve.
– Foi de gentilhomme, je le ferai. Madame de Sauve leva ses grands yeux humides de voluptueuses promesses et sourit au roi, dont le cœur s’emplit d’une joie enivrante.
– Voyons, reprit Henri, en ce cas, que direz-vous?
– Oh! en ce cas, répondit Charlotte, en ce cas je dirai que je suis véritablement aimée de Votre Majesté.
– Ventre-saint-gris! vous le direz donc, car cela est, baronne.
– Mais comment faire? murmura madame de Sauve.
– Oh! par Dieu! baronne, il n’est point que vous n’ayez autour de vous quelque camérière, quelque suivante, quelque fille dont vous soyez sûre?
– Oh! j’ai Dariole, qui m’est si dévouée qu’elle se ferait couper en morceaux pour moi: un véritable trésor.
– Sang-diou! baronne, dites à cette fille que je ferai sa fortune quand je serai roi de France, comme me le prédisent les astrologues.
Charlotte sourit; car dès cette époque la réputation gasconne du Béarnais était déjà établie à l’endroit de ses promesses.
– Eh bien, dit-elle, que désirez-vous de Dariole?
– Bien peu de chose pour elle, tout pour moi.
– Enfin?
– Votre appartement est au-dessus du mien?
– Oui.
– Qu’elle attende derrière la porte. Je frapperai doucement trois coups; elle ouvrira, et vous aurez la preuve que je vous ai offerte.
Madame de Sauve garda le silence pendant quelques secondes; puis, comme si elle eût regardé autour d’elle pour n’être pas entendue, elle fixa un instant la vue sur le groupe où se tenait la reine mère; mais si court que fut cet instant, il suffit pour que Catherine et sa dame d’atours échangeassent chacune un regard.
– Oh! si je voulais, dit madame de Sauve avec un accent de sirène qui eût fait fondre la cire dans les oreilles d’Ulysse, si je voulais prendre Votre Majesté en mensonge.
– Essayez, ma mie, essayez…
– Ah! ma foi! j’avoue que j’en combats l’envie.
– Laissez-vous vaincre: les femmes ne sont jamais si fortes qu’après leur défaite.
– Sire, je retiens votre promesse pour Dariole le jour où vous serez roi de France. Henri jeta un cri de joie.
C’était juste au moment où ce cri s’échappait de la bouche du Béarnais que la reine de Navarre répondait au duc de Guise:
«Noctu pro more: Cette nuit comme d’habitude.»