Nanon
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Nanon, n?e en 1775, raconte en 1850 les ?v?nements qu'elle a v?cus dans son enfance et sa jeunesse. La p?riode pr?r?volutionnaire est ?voqu?e comme un temps imm?morial, o? rien ne semble devoir changer. On apprend la prise de la Bastille un jour de march?. George Sand ?voque fort bien la Grande Peur dans ce qu'elle a d'irrationnel et de terrifiant, la f?te de la F?d?ration, moment d'exaltation et de bonheur, puis la vente des biens nationaux. Ainsi, Nanon peut devenir propri?taire de sa maison…
C'est une vue de la R?volution, ?quilibr?e et sans fanatisme, que donne ce grand roman. Paru en 1872 – George Sand a donc soixante-huit ans -, il t?moigne que la capacit? de travail et la force d'invention sont intactes chez la romanci?re. Forte d'une documentation impressionnante, l'auteur conduit le r?cit avec une all?gresse et une c?l?rit? qui nous ?tonnent. Nanon est un des tr?s rares romans qui traite de la R?volution Fran?aise dans les campagnes, vue ? travers les yeux d'une paysanne.
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Émilien, par dégoût plus que par prudence, suivit les conseils du prieur et ne répondit pas. M. Prémel crut peut-être que sa lettre avait été saisie et la peur qu'il en eut le fit tenir tranquille.
Nous voilà donc encore une fois sortis d'une crise, et ce qui se passait nous rendit l'espérance. Dumouriez était vainqueur à Valmy. Nos soldats avaient conquis Nice et la Savoie. On oubliait les malheurs passés; la Convention s'assemblait et les opinions douces paraissaient avoir repris le dessus.
– Je vous le disais bien que tout s'arrangerait, reprenait M. le prieur, rendu à son optimisme quand le ciel paraissait s'éclaircir: la Commune est vaincue. L'anarchie des quarante jours est un accident. La Gironde est bien intentionnée, elle déposera peut-être le roi; mais, si on lui donne le palais du Luxembourg pour résidence, il y sera fort bien et s'y reposera de ses émotions. Il fera comme moi, qui n'ai jamais été si tranquille ici que depuis que je n'y suis plus rien.
Quel démenti à de telles illusions, quand, peu de mois plus tard, la Convention, en douze jours, jugea le roi et institua le tribunal révolutionnaire! Cette fois, la tristesse arriva jusque chez nous avec la grande misère. Les assignats étaient discrédités, l'argent ne se montrait plus, le commerce était mort, et on disait, des commissaires envoyés dans les provinces, des choses si terribles, que les paysans n'allaient plus à la ville, ne vendaient et n'achetaient plus rien. On vivait de petits échanges de denrées entre voisins, et, si on avait une pièce de six francs, on la cachait dans la terre. Les réquisitions nous prenaient notre bétail, on n'avait plus de bétail. M. le prieur étant très malade et manquant de bouillon, je fis tuer pour lui mon dernier agneau. Il y avait longtemps que Rosette était vendue pour acheter des jupes à Louise, qui n'avait plus rien, car il ne fallait plus l'habiller en demoiselle, et M. le prieur aussi était en carmagnole de paysan.