Les Quarante-Cinq Tome I
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Les Quarante-Cinq constitue le troisi?me volet du grand triptyque que Dumas a consacr? ? l'histoire de France de la Renaissance. Il ach?ve le r?cit de cette d?cadence de la seigneurie commenc? par La Reine Margot et poursuivi avec La Dame de Monsoreau. A cette ?poque d?chir?e, tout se joue sur fond de guerre : guerres de Religion, guerres dynastiques, guerres amoureuses. Aussi les h?ros meurent-ils plus souvent sur l'?chafaud que dans leur lit, et les h?ro?nes sont meilleures ma?tresses que m?res de famille. Ce qui fait la grandeur des personnages de Dumas, c'est que chacun suit sa pente jusqu'au bout, sans concession, mais avec panache. D'o? l'invincible sympathie qu'ils nous inspirent. Parmi eux, Chicot, le c?l?bre bouffon, qui prend la place du roi. C'est en lui que Dumas s'est reconnu. N'a-t-il pas tir? ce personnage enti?rement de son imagination ? Mais sa v?racit? lui permet d'?voluer avec aisance au milieu des personnages historiques dont il lie les destins. Dumas ayant achev? son roman ? la veille de la r?volution de 1848, Chicot incarne par avance la bouffonnerie de l'histoire.
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Et le roi se retourna, le front plissé, vers sa mère, craignant qu'elle n'eût entendu le colloque qui venait d'avoir lieu entre lui et son favori.
Catherine avait l'ouïe aussi fine que la vue; mais lorsqu'elle ne voulait pas entendre, nulle oreille n'était plus dure que la sienne.
Pendant ce temps, Joyeuse s'était penché à l'oreille de son frère et lui avait dit:
– Alerte, alerte, du Bouchage! tandis que ces conseillers vont entrer, glisse-toi derrière leurs grandes robes, et esquivons-nous; le roi dit oui maintenant, dans cinq minutes il dira non.
– Merci, merci, mon frère, répondit le jeune homme; j'étais comme vous, j'avais hâte de partir.
– Allons, allons, voici les corbeaux qui paraissent, disparais, tendre rossignol.
En effet, derrière MM. les conseillers, on vit fuir, comme deux ombres rapides, les deux jeunes gens.
Sur eux retomba la tapisserie aux pans lourds.
Quand le roi tourna la tête, ils avaient déjà disparu.
Henri poussa un soupir et baisa son petit chien.
V Le supplice
Les conseillers se tenaient au fond de la loge du roi, debout et silencieux, attendant que le roi leur adressât la parole.
Le roi se laissa attendre un instant, puis, se retournant de leur côté:
– Eh bien! messieurs, – quoi de nouveau? demanda-t-il. Bonjour, monsieur le président Brisson.
– Sire, répondit le président avec sa dignité facile que l'on appelait à la cour sa courtoisie de huguenot, – nous venons supplier Votre Majesté, ainsi que l'a désiré M. de Thou, de ménager la vie du coupable. – Il a sans doute quelques révélations à faire, et en lui promettant la vie on les obtiendrait.
– Mais, dit le roi, ne les a-t-on pas obtenues, monsieur le président?
– Oui, sire, – en partie: – est-ce suffisant pour Votre Majesté?
– Je sais ce que je sais, messire.
– Votre Majesté sait alors à quoi s'en tenir sur la participation de l'Espagne dans cette affaire?
– De l'Espagne? oui, monsieur le président, et même de plusieurs autres puissances.
– Il serait important de constater cette participation, sire.
– Aussi, interrompit Catherine, le roi a-t-il l'intention, monsieur le président, de surseoir à l'exécution, si le coupable signe une confession analogue à ses dépositions devant le juge qui lui a fait infliger la question.
Brisson interrogea le roi des yeux et du geste.
– C'est mon intention, dit Henri, et je ne le cache pas plus longtemps; vous pouvez vous en assurer, monsieur Brisson, en faisant parler au patient par votre lieutenant de robe.
– Votre Majesté n'a rien de plus à recommander?
– Rien. Mais pas de variation dans les aveux, ou je retire ma parole. – Ils sont publics, ils doivent être complets.
– Oui, sire. – Avec les noms des personnages compromis?
– Avec les noms, tous les noms!
– Même lorsque ces noms seraient entachés, par l'aveu du patient, de haute trahison et révolte au premier chef?
– Même lorsque ces noms seraient ceux de mes plus proches parents! dit le roi.
– Il sera fait comme Votre Majesté l'ordonne.
– Je m'explique, monsieur Brisson; ainsi donc, pas de malentendu. On apportera au condamné du papier et des plumes; il écrira sa confession, montrant par là publiquement qu'il s'en réfère à notre miséricorde et se met à notre merci. Après, nous verrons.
– Mais je puis promettre?
– Eh oui! promettez toujours.
– Allez, messieurs, dit le président en congédiant les conseillers.
Et ayant salué respectueusement le roi, il sortit derrière eux.
– Il parlera, sire, dit Louise de Lorraine toute tremblante; il parlera, et Votre Majesté fera grâce. Voyez comme l'écume nage sur ses lèvres.
– Non, non, il cherche, dit Catherine; il cherche et pas autre chose. Que cherche-t-il donc?
– Parbleu! dit Henri III, ce n'est pas difficile à deviner; il cherche M. le duc de Parme, M. le duc de Guise; il cherche monsieur mon frère, le roi très catholique. Oui, cherche! cherche! attends! crois-tu que la place de Grève soit lieu plus commode pour les embuscades que la route des Flandres? crois-tu que je n'aie pas ici cent Bellièvre pour t'empêcher de descendre de l'échafaud où un seul t'a conduit?
Salcède avait vu les archers partir pour aller chercher les chevaux. Il avait aperçu le président et les conseillers dans la loge du roi, – puis il les avait vus disparaître: il comprit que le roi venait de donner l'ordre du supplice.
Ce fut alors que parut sur sa bouche livide cette sanglante écume remarquée par la jeune reine: le malheureux, dans la mortelle impatience qui le dévorait, se mordait les lèvres jusqu'au sang.
– Personne! personne! murmurait-il, pas un de ceux qui m'avaient promis secours! Lâches! lâches! lâches!…
Le lieutenant Tanchon s'approcha de l'échafaud, et s'adressant au bourreau:
– Préparez-vous, maître, dit-il.
L'exécuteur fit un signe à l'autre bout de la place, et l'on vit les chevaux, fendant la foule, laisser derrière eux un tumultueux sillage qui, pareil à celui de la mer, se referma sur eux.
Ce sillage était produit par les spectateurs que refoulait ou renversait le passage rapide des chevaux; mais le mur démoli se refermait aussitôt, et parfois les premiers devenaient les derniers, et réciproquement, – car les forts se lançaient dans l'espace vide.
On put voir alors au coin de la rue de la Vannerie, lorsque les chevaux y passèrent, un beau jeune homme de notre connaissance sauter au bas de la borne sur laquelle il était monté, poussé par un enfant qui paraissait quinze à seize ans à peine, et qui paraissait fort ardent à ce terrible spectacle.
C'était le page mystérieux et le vicomte Ernauton de Carmainges.
– Eh! vite, vite, glissa le page à l'oreille de son compagnon, jetez-vous dans la trouée, il n'y a pas un instant à perdre.
– Mais nous serons étouffés, répondit Ernauton, – vous êtes fou, mon petit ami.
– Je veux voir, – voir de près, dit le page d'un ton si impérieux qu'il était facile de voir que cet ordre partait d'une bouche qui avait l'habitude du commandement.
Ernauton obéit.