Cinq Semaines En Ballon
Cinq Semaines En Ballon читать книгу онлайн
Tenter de traverser l'Afrique d'est en ouest par la voie des airs, pr?tendre survoler le continent noir ? bord d'une fragile nacelle livr?e ? tous les caprices des vents, voil? une entreprise d'une audace incroyable. Les cinq semaines qu'il faudra au docteur Fergusson pour y parvenir seront pleines d'impr?vus et de p?rip?ties.
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Bientôt deux têtes apparurent aux regards de Kennedy et de Joe, au niveau même de la branche qu’ils occupaient.
«Attention, dit Kennedy, feu!»
La double détonation retentit comme un tonnerre, et s’éteignit au milieu des cris de douleur. En un moment, toute la horde avait disparu.
Mais, au milieu des hurlements, il s’était produit un cri étrange, inattendu, impossible! Une voix humaine avait manifestement proféré ces mots en français:
«À moi! à moi!»
Kennedy et Joe, stupéfaits, regagnèrent la nacelle au plus vite.
«Avez-vous entendu? leur dit le docteur.
– Sans doute! ce cri surnaturel: À moi! à moi!
– Un Français aux mains de ces barbares!
– Un voyageur!
– Un missionnaire, peut-être!
– Le malheureux, s’écria le chasseur, on l’assassine, on le martyrise!»
Le docteur cherchait vainement à déguiser son émotion.
«On ne peut en douter, dit-il. Un malheureux Français est tombé entre les mains de ces sauvages. Mais nous ne partirons pas sans avoir fait tout au monde pour le sauver. À nos coups de fusil, il aura reconnu un secours inespéré, une intervention providentielle. Nous ne mentirons pas à cette dernière espérance. Est-ce votre avis?
– C’est notre avis, Samuel, et nous sommes prêts à t’obéir.
– Combinons donc nos manœuvres, et dès le matin, nous chercherons à l’enlever.
– Mais comment écarterons-nous ces misérables Nègres? demanda Kennedy.
– Il est évident pour moi, dit le docteur, à la manière dont ils ont déguerpi, qu’ils ne connaissent pas les armes à feu; nous devrons donc profiter de leur épouvante; mais il faut attendre le jour avant d’agir, et nous formerons notre plan de sauvetage d’après la disposition des lieux.
– Ce pauvre malheureux ne doit pas être loin, dit Joe, car…
– À moi! à moi! répéta la voix plus affaiblie.
– Les barbares! s’écria Joe palpitant. Mais s’ils le tuent cette nuit?
– Entends-tu, Samuel, reprit Kennedy en saisissant la main du docteur, s’ils le tuent cette nuit?
– Ce n’est pas probable, mes amis; ces peuplades sauvages font mourir leurs prisonniers au grand jour; il leur faut du soleil!
– Si je profitais de la nuit, dit l’Écossais, pour me glisser vers ce malheureux?
– Je vous accompagne, monsieur Dick.
– Arrêtez mes amis! arrêtez! Ce dessein fait honneur à votre cœur et à votre courage; mais vous nous exposeriez tous, et vous nuiriez plus encore à celui que nous voulons sauver.
– Pourquoi cela? reprit Kennedy. Ces sauvages sont effrayés, dispersés! Ils ne reviendront pas.
– Dick, je t’en supplie, obéis-moi; j’agis pour le salut commun; si, par hasard, tu te laissais surprendre, tout serait perdu!
– Mais cet infortuné qui attend, qui espère! Rien ne lui répond! Personne ne vient à son secours! Il doit croire que ses sens ont été abusés, qu’il n’a rien entendu!…
– On peut le rassurer», dit le docteur Fergusson.
Et debout, au milieu de l’obscurité, faisant de ses mains un porte-voix, il s’écria avec énergie dans la langue de l’étranger:
«Qui que vous soyez, ayez confiance! Trois amis veillent sur vous!»
Un hurlement terrible lui répondit, étouffant sans doute la réponse du prisonnier.
«On l’égorge! on va l’égorger! s’écria Kennedy. Notre intervention n’aura servi qu’à hâter l’heure de son supplice! Il faut agir!
– Mais comment, Dick! Que prétends-tu faire au milieu de cette obscurité?
– Oh! s’il faisait jour! s’écria Joe.
– Eh bien, s’il faisait jour? demanda le docteur d’un ton singulier.
– Rien de plus simple, Samuel, répondit le chasseur. Je descendrais à terre et je disperserais cette canaille à coups de fusil.
– Et toi, Joe? demanda Fergusson.
– Moi, mon maître, j’agirais plus prudemment, en faisant savoir au prisonnier de s’enfuir dans une direction convenue.
– Et comment lui ferais-tu parvenir cet avis?
– Au moyen de cette flèche que j’ai ramassée au vol, et à laquelle j’attacherais un billet, ou tout simplement en lui parlant à voix haute, puisque ces Nègres ne comprennent pas notre langue.
– Vos plans sont impraticables, mes amis; la difficulté la plus grande serait pour cet infortuné de se sauver, en admettant qu’il parvint à tromper la vigilance de ses bourreaux. Quant à toi, mon cher Dick, avec beaucoup d’audace, et en profitant de l’épouvante jetée par nos armes à feu, ton projet réussirait peut-être; mais s’il échouait, tu serais perdu, et nous aurions deux personnes à sauver au lieu d’une. Non, il faut mettre toutes les chances de notre côté et agir autrement.
– Mais agir tout de suite, répliqua le chasseur.
– Peut-être! répondit Samuel en insistant sur ce mot.
– Mon maître, êtes-vous donc capable de dissiper ces ténèbres!
– Qui sait, Joe?
– Ah! si vous faites une chose pareille, je vous proclame le premier savant du monde.»
Le docteur se tut pendant quelques instants; il réfléchissait. Ses deux compagnons le considéraient avec émotion; ils étaient surexcités par cette situation extraordinaire. Bientôt Fergusson reprit la parole:
«Voici mon plan, dit-il. Il nous reste deux cents livres de lest, puisque les sacs que nous avons emportés sont encore intacts. J’admets que ce prisonnier, un homme évidemment épuisé par les souffrances, pèse autant que l’un de nous; il nous restera encore une soixantaine de livres à jeter afin de monter plus rapidement.
– Comment comptes-tu donc manœuvrer? demanda Kennedy.
– Voici, Dick: tu admets bien que si je parviens jusqu’au prisonnier, et que je jette une quantité de lest égale à son poids, je n’ai rien changé à l’équilibre du ballon; mais alors, si je veux obtenir une ascension rapide pour échapper à cette tribu de Nègres, il me faut employer des moyens plus énergiques que le chalumeau; or, en précipitant cet excédant de lest au moment voulu, je suis certain de m’enlever avec une grande rapidité.
– Cela est évident.
– Oui, mais il y a un inconvénient; c’est que, pour descendre plus tard, je devrai perdre une quantité de gaz proportionnelle au surcroît de lest que j’aurai jeté. Or, ce gaz est chose précieuse; mais on ne peut en regretter la perte, quand il s’agit du salut d’un homme.
