Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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– Parlez, Ayrton, répondit Glenarvan.
– Mylord, je n’ai point encore votre parole d’accéder à ma proposition, et cependant, je n’hésite pas à vous dire que je sais peu de chose sur le compte d’Harry Grant.
– Peu de chose! s’écria Glenarvan.
– Oui, mylord, les détails que je suis en mesure de vous communiquer sont relatifs à moi; ils me sont personnels, et ne contribueront guère à vous remettre sur les traces que vous avez perdues.»
Un vif désappointement se peignit sur les traits de Glenarvan et du major. Ils croyaient le quartier-maître possesseur d’un important secret, et celui-ci avouait que ses révélations seraient à peu près stériles. Quant à Paganel, il demeurait impassible.
Quoi qu’il en soit, cet aveu d’Ayrton, qui se livrait, pour ainsi dire, sans garantie, toucha singulièrement ses auditeurs, surtout lorsque le quartier-maître ajouta pour conclure:
«Ainsi, vous êtes prévenu, mylord; l’affaire sera moins avantageuse pour vous que pour moi.
– Il n’importe, répondit Glenarvan. J’accepte votre proposition, Ayrton. Vous avez ma parole d’être débarqué dans une des îles de l’océan Pacifique.
– Bien, mylord», répondit le quartier-maître.
Cet homme étrange fut-il heureux de cette décision?
On aurait pu en douter, car sa physionomie impassible ne révéla aucune émotion. Il semblait qu’il traitât pour un autre que pour lui.
«Je suis prêt à répondre, dit-il.
– Nous n’avons pas de questions à vous faire, dit Glenarvan. Apprenez-nous ce que vous savez, Ayrton en commençant par déclarer qui vous êtes.
– Messieurs, répondit Ayrton, je suis réellement Tom Ayrton, le quartier-maître du Britannia. J’ai quitté Glasgow sur le navire d’Harry Grant, le 12 mars 1861. Pendant quatorze mois, nous avons couru ensemble les mers du Pacifique, cherchant quelque position avantageuse pour y fonder une colonie écossaise. Harry Grant était un homme à faire de grandes choses, mais souvent de graves discussions s’élevaient entre nous. Son caractère ne m’allait pas. Je ne sais pas plier; or, avec Harry Grant, quand sa résolution est prise, toute résistance est impossible, mylord. Cet homme-là est de fer pour lui et pour les autres. Néanmoins, j’osai me révolter. J’essayai d’entraîner l’équipage dans ma révolte, et de m’emparer du navire. Que j’aie eu tort ou non, peu importe. Quoi qu’il en soit, Harry Grant n’hésita pas, et, le 8 avril 1862, il me débarqua sur la côte ouest de l’Australie.
– De l’Australie, dit le major, interrompant le récit d’Ayrton, et par conséquent vous avez quitté le Britannia avant sa relâche au Callao, d’où sont datées ses dernières nouvelles?
– Oui, répondit le quartier-maître, car le Britannia n’a jamais relâché au Callao pendant que j’étais à bord. Et si je vous ai parlé du Callao à la ferme de Paddy O’Moore, c’est que votre récit venait de m’apprendre ce détail.
– Continuez, Ayrton, dit Glenarvan.
– Je me trouvai donc abandonné sur une côte à peu près déserte, mais à vingt milles seulement des établissements pénitentiaires de Perth, la capitale de l’Australie occidentale. En errant sur les rivages, je rencontrai une bande de convicts qui venaient de s’échapper. Je me joignis à eux. Vous me dispenserez, mylord, de vous raconter ma vie pendant deux ans et demi. Sachez seulement que je devins le chef des évadés sous le nom de Ben Joyce. Au mois de septembre 1864, je me présentai à la ferme irlandaise. J’y fus admis comme domestique sous mon vrai nom d’Ayrton. J’attendais là que l’occasion se présentât de m’emparer d’un navire. C’était mon suprême but. Deux mois plus tard, le Duncan arriva. Pendant votre visite à la ferme, vous avez raconté, mylord, toute l’histoire du capitaine Grant. J’appris alors ce que j’ignorais, la relâche du Britannia au Callao, ses dernières nouvelles datées de juin 1862, deux mois après mon débarquement, l’affaire du document, la perte du navire sur un point du trente-septième parallèle, et enfin les raisons sérieuses que vous aviez de chercher Harry Grant à travers le continent australien. Je n’hésitai pas. Je résolus de m’approprier le Duncan, un merveilleux navire qui eût distancé les meilleurs marcheurs de la marine britannique. Mais il avait des avaries graves à réparer. Je le laissai donc partir pour Melbourne, et je me donnai à vous en ma vraie qualité de quartier-maître, offrant de vous guider vers le théâtre d’un naufrage placé fictivement par moi vers la côte est de l’Australie. Ce fut ainsi que, tantôt suivi à distance et tantôt précédé de ma bande de convicts, je dirigeai votre expédition à travers la province de Victoria. Mes gens commirent à Camden-Bridge un crime inutile, puisque le Duncan, une fois rendu à la côte, ne pouvait m’échapper, et qu’avec ce yacht, j’étais le maître de l’océan. Je vous conduisis ainsi et sans défiance jusqu’à la Snowy-River. Les chevaux et les bœufs tombèrent peu à peu empoisonnés par le gastrolobium. J’embourbai le chariot dans les marais de la Snowy. Sur mes instances… Mais vous savez le reste, mylord, et vous pouvez être certain que, sans la distraction de M Paganel, je commanderais maintenant à bord du Duncan. Telle est mon histoire, messieurs; mes révélations ne peuvent malheureusement pas vous remettre sur les traces d’Harry Grant et vous voyez qu’en traitant avec moi vous avez fait une mauvaise affaire.»
Le quartier-maître se tut, croisa ses bras suivant son habitude, et attendit. Glenarvan et ses amis gardaient le silence. Ils sentaient que la vérité tout entière venait d’être dite par cet étrange malfaiteur. La prise du Duncan n’avait manqué que par une cause indépendante de sa volonté. Ses complices étaient venus aux rivages de Twofold-Bay, comme le prouvait cette vareuse de convict trouvée par Glenarvan. Là, fidèles aux et enfin, las de l’attendre, ils s’étaient sans doute remis à leur métier de pillards et d’incendiaires dans les campagnes de la Nouvelle-Galles du sud. Le major reprit le premier l’interrogatoire, afin de préciser les dates relatives au Britannia.
«Ainsi, demanda-t-il au quartier-maître, c’est bien le 8 avril 1862 que vous avez été débarqué sur la côte ouest de l’Australie?
– Exactement, répondit Ayrton.
– Et savez-vous alors quels étaient les projets d’Harry Grant?
– D’une manière vague.
– Parlez toujours, Ayrton, dit Glenarvan. Le moindre indice peut nous mettre sur la voie.
– Ce que je puis vous dire, le voici, mylord, répondit le quartier-maître. Le capitaine Grant avait l’intention de visiter la Nouvelle-Zélande. Or, cette partie de son programme n’a point été exécutée pendant mon séjour à bord. Il ne serait donc pas impossible que le Britannia, en quittant le Callao, ne fût venu prendre connaissance des terres de la Nouvelle-Zélande. Cela concorderait avec la date du 27 juin 1862, assignée par le document au naufrage du trois-mâts.
– Évidemment, dit Paganel.
– Mais, reprit Glenarvan, rien dans ces restes de mots conservés sur le document ne peut s’appliquer à la Nouvelle-Zélande.