Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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«John, dit-il au jeune capitaine, tu as promis à Mary ce que j’ai promis à lady Helena. Qu’as-tu résolu?
– Cette promesse, répondit John Mangles, je crois avoir, devant Dieu le droit de la remplir.
– Oui, John! Mais nous sommes sans armes?
– En voici une, répondit John, montrant un poignard. Je l’ai arraché des mains de Kara-Tété, quand ce sauvage est tombé à vos pieds. Mylord, celui de nous qui survivra à l’autre accomplira le vœu de lady Helena et de Mary Grant.»
Après ces paroles, un profond silence régna dans la hutte. Enfin, le major l’interrompit en disant:
«Mes amis, gardez pour les dernières minutes ce moyen extrême. Je suis peu partisan de ce qui est irrémédiable.
– Je n’ai pas parlé pour nous, répondit Glenarvan. Quelle qu’elle soit, nous saurons braver la mort! Ah! Si nous étions seuls, vingt fois déjà je vous aurais crié: mes amis, tentons une sortie! Attaquons ces misérables! Mais elles! Elles!…»
John, en ce moment, souleva la natte, et compta vingt-cinq indigènes qui veillaient à la porte du waré-atoua. Un grand feu avait été allumé et jetait de sinistres lueurs sur le relief accidenté du pah.
De ces sauvages, les uns étaient étendus autour du brasier; les autres, debout, immobiles, se détachaient vivement en noir sur le clair rideau des flammes. Mais tous portaient de fréquents regards sur la hutte confiée à leur surveillance.
On dit qu’entre un geôlier qui veille et un prisonnier qui veut fuir, les chances sont pour le prisonnier. En effet, l’intérêt de l’un est plus grand que l’intérêt de l’autre. Celui-ci peut oublier qu’il garde, celui-là ne peut pas oublier qu’il est gardé. Le captif pense plus souvent à fuir que son gardien à empêcher sa fuite.
De là, évasions fréquentes et merveilleuses.
Mais, ici, c’était la haine, la vengeance, qui surveillaient les captifs, et non plus un geôlier indifférent. Si les prisonniers n’avaient point été attachés, c’est que des liens étaient inutiles, puisque vingt-cinq hommes veillaient à la seule issue du waré-atoua.
Cette case, adossée au roc qui terminait le retranchement, n’était accessible que par une étroite langue de terre qui la reliait par devant au plateau du pah. Ses deux autres côtés s’élevaient au-dessus de flancs à pic et surplombaient un abîme profond de cent pieds. Par là, la descente était impraticable. Nul moyen non plus de fuir par le fond, que cuirassait l’énorme rocher. La seule issue, c’était l’entrée même du waré-atoua, et les maoris gardaient cette langue de terre qui la réunissait au pah comme un pont-levis. Toute évasion était donc impossible, et Glenarvan, après avoir pour la vingtième fois sondé les murs de sa prison, fut obligé de le reconnaître.
Les heures de cette nuit d’angoisses s’écoulaient cependant. D’épaisses ténèbres avaient envahi la montagne. Ni lune ni étoiles ne troublaient la profonde obscurité. Quelques rafales de vent couraient sur les flancs du pah. Les pieux de la case gémissaient. Le foyer des indigènes se ranimait soudain à cette ventilation passagère, et le reflet des flammes jetait des lueurs rapides à l’intérieur du waré-atoua. Le groupe des prisonniers s’éclairait un instant. Ces pauvres gens étaient absorbés dans leurs pensées dernières. Un silence de mort régnait dans la hutte.
Il devait être quatre heures du matin environ, quand l’attention du major fut éveillée par un léger bruit qui semblait se produire derrière les poteaux du fond, dans la paroi de la hutte adossée au massif. Mac Nabbs, d’abord indifférent à ce bruit, voyant qu’il continuait, écouta; puis, intrigué de sa persistance, il colla, pour le mieux apprécier, son oreille contre la terre. Il lui sembla qu’on grattait, qu’on creusait à l’extérieur.
Quand il fut certain du fait, le major, se glissant près de Glenarvan et de John Mangles, les arracha à leurs douloureuses pensées et les conduisit au fond de la case.
«Écoutez», dit-il à voix basse, en leur faisant signe de se baisser.
Les grattements étaient de plus en plus perceptibles; on pouvait entendre les petites pierres grincer sous la pression d’un corps aigu et s’ébouler extérieurement.
«Quelque bête dans son terrier», dit John Mangles.
Glenarvan se frappa le front:
«Qui sait, dit-il, si c’était un homme?…
– Homme ou animal, répondit le major, je saurai à quoi m’en tenir!»
Wilson, Olbinett se joignirent à leurs compagnons, et tous se mirent à creuser la paroi, John avec son poignard, les autres avec des pierres arrachées du sol ou avec leurs ongles, tandis que Mulrady, étendu à terre, surveillait par l’entre-bâillement de la natte le groupe des indigènes.
Ces sauvages, immobiles autour du brasier, ne soupçonnaient rien de ce qui se passait à vingt pas d’eux.
Le sol était fait d’une terre meuble et friable qui recouvrait le tuf siliceux. Aussi, malgré le manque d’outils, le trou avança rapidement. Bientôt il fut évident qu’un homme ou des hommes, accrochés sur les flancs du pah, perçaient une galerie dans sa paroi extérieure. Quel pouvait être leur but?
Connaissaient-ils l’existence des prisonniers, ou le hasard d’une tentative personnelle expliquait-il le travail qui semblait s’accomplir?
Les captifs redoublèrent leurs efforts. Leurs doigts déchirés saignaient, mais ils creusaient toujours.
Après une demi-heure de travail, le trou, foré par eux, avait atteint une demi-toise de profondeur. Ils pouvaient reconnaître aux bruits plus accentués qu’une mince couche de terre seulement empêchait alors une communication immédiate.
Quelques minutes s’écoulèrent encore, et soudain le major retira sa main coupée par une lame aiguë.
Il retint un cri prêt à lui échapper.
John Mangles, opposant la lame de son poignard, évita le couteau qui s’agitait hors du sol, mais il saisit la main qui le tenait.
C’était une main de femme ou d’enfant, une main européenne!
De part et d’autre, pas un mot n’avait été prononcé. Il était évident que, de part et d’autre, il y avait intérêt à se taire.
«Est-ce Robert?» murmura Glenarvan.
Mais, si bas qu’il eût prononcé ce nom, Mary Grant, éveillée par les mouvements qui s’accomplissaient dans la case, se glissa près de Glenarvan, et, saisissant cette main toute maculée de terre, elle la couvrit de baisers.
«Toi! Toi! disait la jeune fille, qui n’avait pu s’y méprendre, toi, mon Robert!
– Oui, petite sœur, répondit Robert, je suis là, pour vous sauver tous! Mais, silence!
– Brave enfant! répétait Glenarvan.
– Surveillez les sauvages au dehors», reprit Robert.