Les Mysteres De Paris Tome III
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Voici un roman mythique, presque ? l'?gal du Comte de Monte-Cristo ou des Trois mousquetaires, un grand roman d'aventures, foisonnant, qui nous d?crit un Paris myst?rieux et inconnu, d?voil? dans ses recoins les plus secrets, un Paris exotique o? les apaches de Paris remplacent ceux de l'Am?rique.
Errant dans les rues sombres et dangereuses de la Cit?, d?guis? en ouvrier, le prince Rodolphe de G?rolstein sauve une jeune prostitu?e, Fleur-de-Marie, dite la Goualeuse, des brutalit?s d'un ouvrier, le Chourineur. Sans rancune contre son vainqueur, le Chourineur entra?ne Rodolphe et Fleur-de-Marie dans un tripot, Au Lapin Blanc. L?, le Chourineur et Fleur-de-Marie content leur triste histoire ? Rodolphe. Tous deux, livr?s d?s l'enfance ? l'abandon et ? la mis?re la plus atroce, malgr? de bons instincts, sont tomb?s dans la d?gradation: le meurtre pour le Chourineur, dans un moment de violence incontr?l?e, la prostitution pour Fleur-de-Marie. Rodolphe se fait leur protecteur et entreprend de les r?g?n?rer en les arrachant ? l'enfer du vice et de la mis?re o? ils sont plong?s…
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– Il est au moins consolant de retrouver quelques bons sentiments naturels plus forts que la dépravation.
– Sans doute, car ces femmes sont capables de dévouements qui, honnêtement placés, seraient très-honorables… Il est encore un sentiment sacré pour elles qui ne respectent rien, ne craignent rien: c’est la maternité; elles s’en honorent, elles s’en réjouissent; il n’y a pas de meilleures mères, rien ne leur coûte pour garder leur enfant auprès d’elles; elles s’imposent, pour l’élever, les plus pénibles sacrifices; car, ainsi qu’elles disent, ce petit être est le seul qui ne les méprise pas.
– Elles ont donc un sentiment profond de leur abjection?
– On ne les méprise jamais autant qu’elles se méprisent elles-mêmes… Chez quelques-unes dont le repentir est sincère, cette tache originelle du vice reste ineffaçable à leurs yeux, lors même qu’elles se trouvent dans une condition meilleure; d’autres deviennent folles, tant l’idée de leur abjection première est chez elle fixe et implacable. Aussi, madame, je ne serais pas étonnée que le chagrin profond de la Goualeuse ne fût causé par un remords de ce genre.
– Si cela est, en effet, quel supplice pour elle! Un remords que rien ne peut calmer!
– Heureusement, madame, pour l’honneur de l’espèce humaine, ces remords sont plus fréquents qu’on ne le croit; la conscience vengeresse ne s’endort jamais complètement; ou plutôt, chose étrange! quelquefois on dirait que l’âme veille pendant que le corps est assoupi; c’est une observation que j’ai faite de nouveau cette nuit à propos de ma protégée.
– De la Goualeuse?
– Oui, madame.
– Et comment donc cela?
– Assez souvent, lorsque les prisonnières sont endormies, je vais faire une ronde dans les dortoirs… Vous ne pouvez vous imaginer, madame… combien les physionomies de ces femmes différent d’expression pendant qu’elles dorment. Bon nombre d’entre elles, que j’avais vues le jour insouciantes, moqueuses, effrontées, hardies, me semblaient complètement changées lorsque le sommeil dépouillait leurs traits de toute exagération de cynisme; car le vice, hélas! a son orgueil. Oh! madame, que de tristes révélations sur ces visages alors abattus, mornes et sombres! que de tressaillements! que de soupirs douloureux involontairement arrachés par quelques rêves empreints sans doute d’une inexorable réalité!… Je vous parlais tout à l’heure, madame, de cette fille surnommée la Louve, créature indomptée, indomptable. Il y a quinze jours environ, elle m’injuria brutalement devant toutes les détenues; je haussai les épaules, mon indifférence exaspéra sa rage… Alors, pour me blesser sûrement, elle s’imagina de me dire je ne sais quelles ignobles injures sur ma mère… qu’elle avait souvent vue venir me visiter ici…
– Ah! quelle horreur!…
– Je l’avoue, toute stupide qu’était cette attaque, elle me fit mal… La Louve s’en aperçut et triompha. Ce soir-là, vers minuit, j’allai faire inspection dans les dortoirs; j’arrivai près du lit de la Louve, qui ne devait être mise en cellule que le lendemain matin; je fus frappée, je dirai presque de la douceur de sa physionomie, comparée à l’expression dure et insolente qui lui était habituelle; ses traits semblaient suppliants, pleins de tristesse et de contrition; ses lèvres étaient à demi ouvertes, sa poitrine oppressée; enfin, chose qui me parut incroyable… car je la croyais impossible, deux larmes, deux grosses larmes coulaient des yeux de cette femme au caractère de fer!… Je la contemplais en silence depuis quelques minutes, lorsque je l’entendis prononcer ces mots: «Pardon… pardon!… sa mère!…» J’écoutais plus attentivement, mais tout ce que je pus saisir au milieu d’un murmure presque inintelligible, fut mon nom… Mme Armand… prononcé avec un soupir.
– Elle se repentait pendant son sommeil d’avoir injurié votre mère…
– Je l’ai cru… et cela m’a rendue moins sévère. Sans doute, aux yeux de ses compagnes elle avait voulu, par une déplorable vanité, exagérer encore sa grossièreté naturelle; peut-être un bon instinct la faisait se repentir pendant son sommeil.
– Et le lendemain, vous témoigna-t-elle quelque regret de sa conduite passée?
– Aucun; elle se montra, comme toujours, grossière, farouche et emportée. Je vous assure pourtant, madame, que rien ne dispose plus à la pitié que ces observations dont je vous parle. Je me persuade, illusion peut-être! que pendant leur sommeil ces infortunées redeviennent meilleures, ou plutôt redeviennent elles-mêmes, avec tous leurs défauts, il est vrai, mais parfois aussi avec quelques bons instincts non plus dissimulés par une détestable forfanterie de vice. De tout ceci j’ai été amenée à croire que ces créatures sont généralement moins méchantes qu’elles n’affectent de le paraître; agissant d’après cette conviction, j’ai souvent obtenu des résultats impossibles à réaliser si j’avais complètement désespéré d’elles.
Mme d’Harville ne pouvait cacher sa surprise de trouver tant de bon sens, tant de haute raison joints à des sentiments d’humanité si élevés, si pratiques, chez une obscure inspectrice de filles perdues.
– Mon Dieu, madame, reprit Clémence, vous avez une telle manière d’exercer vos tristes fonctions qu’elles doivent être pour vous des plus intéressantes. Que d’observations, que d’études curieuses, mais surtout que de bien vous pouvez, vous devez faire!
– Le bien est très-difficile à obtenir: ces femmes ne restent ici que peu de temps; il est donc difficile d’agir très-efficacement sur elles; il faut se borner à semer… dans l’espoir que quelques-uns de ces bons germes fructifieront un jour… Parfois cet espoir se réalise.
– Mais il vous faut, madame, un grand courage, une grande vertu pour ne pas reculer devant l’ingratitude d’une tâche qui vous donne de si rares satisfactions!
– La conscience de remplir un devoir soutient et encourage; puis quelquefois on est récompensé par d’heureuses découvertes: ce sont çà et là quelques éclaircies dans des cœurs que l’on aurait crus tout d’abord absolument ténébreux.
– Il n’importe; les femmes comme vous doivent être bien rares, madame.
– Non, non, je vous assure; ce que je fais, d’autres le font avec plus de succès et d’intelligence que moi… Une des inspectrices de l’autre quartier de Saint-Lazare, destinée aux prévenues de différents crimes, vous intéresserait bien davantage… Elle me racontait ce matin l’arrivée d’une jeune fille prévenue d’infanticide. Jamais je n’ai rien entendu de plus déchirant… Le père de cette malheureuse, un honnête artisan lapidaire, est devenu fou de douleur en apprenant la honte de sa fille; il paraît que rien n’était plus affreux que la misère de toute cette famille, logée dans une misérable mansarde de la rue du Temple.
– La rue du Temple! s’écria Mme d’Harville étonnée, quel est le nom de cet artisan?
– Sa fille s’appelle Louise Morel…
– C’est bien cela…
– Elle était au service d’un homme respectable, M. Jacques Ferrand, notaire.