Франция в эпоху позднего средневековья. Материалы научного наследия
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Юрий Павлович Малинин (1946-2007) — один из ведущих российских историков-медиевистов, блестящий специалист по истории средневековой Франции, ученик А.Д. Люблинской. Выпускник Санкт-Петербургского государственного университета (1970), он долгое время работал на кафедре всеобщей истории Российского государственного педагогического университета им. А. И. Герцена и на кафедре истории средних веков Санкт-Петербургского государственного университета. Автор многочисленных трудов по истории западноевропейского средневековья, переводов известных французских историков — Ж. Ле Гоффа, Ф. Контамина, Р. Перну, издатель «Мемуаров» Филиппа де Коммина (1986) и «Сомюрской джостры 1446 г.» (1998), комментатор многотомного издания читательских помет Вольтера, научный редактор хроник Жуанвиля и Фруассара (2008). В настоящей книге представлены лучшие работы историка.
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La deuxième légende fut lancée par Vulson de la Colombière, qui affirme que le roi René avait fait construire, spécialement pour cette joute, un château factice en bois. {632} Quatrebarbes s'empara de cette version, et de Quatrebarbes elle alla voyager jusqu'à I. Huizinga. {633} En réalité il n'y eut jamais de château en bois. G. Bianciotto fut le premier à le faire remarquer, en indiquant que la fête fut organisée au château de Saumur. {634} Vulson avait mal interprété les mots de l'auteur du manuscrit de Pétersbourg, qui parle du château de Saumur comme d'un «chastel fait par artifice» (str.31), pensant, sans aucun doute, au grand art avec lequel il avait été construit. Dans un autre passage, il note la magnificence du château (str. 3), qui était en effet à cette époque l'un des plus beaux châteaux de France. Devenu en 1360 la principale résidence de l'oncle de René, le duc Louis Ier d'Anjou, il fut restauré à si grands frais qu'il pouvait rivaliser en luxe avec les plus beaux châteaux de ses frères, le roi Charles V et le duc Jean de Berry.
Les festivités se déroulèrent donc dans ce magnifique château et c'eût été une fantaisie extravagante et inutilement coûteuse de construire tout à côté un château en bois. À la distance d'une demiportée de flèche, on avait suspendu sur une colonne de marbre un écu que gardaient deux lions flanqués de deux «sarrazins». A côté se déployait une tente où se tenait un nain, chargé, à chaque fois que quelqu'un frappait l'écu de la lance pour défier ainsi un des «tenants du pas», de le faire savoir au château, où se présentait un «assaillant» en compagnie de sa dame. Comme dans les autres joutes du Moyen Âge tardif, on utilisait ici une sorte de livret dont les motifs étaient tirés des romans de chevalerie. Le nain aussi bien que le sarrazin en sont des personnages assez habituels. Dans la joute de Saumur, ils composent la «joieuse garde», et l'auteur de notre texte écrit en manière d'explication:
Les assaillants, qu'on appelait les «estrangers», étaient installés non loin de là dans un monastère, où ils s'équipaient pour le combat et recevaient instructions et recommandations de l'ermite qui y vivait.
Cet ermitage faisait sans aucun doute aussi partie de la mise en scène, cela sous l'influence des mêmes romans, où les ermites jouent le rôle de conseillers spirituels et même parfois de médecins des chevaliers errants. Tout cela était lié avec la représentation qu'on se faisait de l'époque des chevaliers de la Table Ronde, à propos de laquelle Thomas Malory, dans son arrangement des romans français du cycle arturien, écrit:
«… for in these days it was not the guise of hermits as in nowadays, for there were none hermits in those days but they had been men of worship and of prowess; and those hermits held great household, and refreshed people that were in distress» {635}
Aux combattants déclarés les plus heureux dans les différents duels par la décision des juges, parmi lesquels se trouvait Antoine de la Salle, célèbre écrivain du XVe siècle, resté longtemps au service de la maison d'Anjou, on distribua des prix: des brillants aux «tenants», des rubis aux assaillants. Ces prix étaient d'égale valeur. Les rubis aussi bien que les brillants, selon la remarque de G. Bian-ciotto, «restent avant tout essentiellement symboliques, et reviennent d'ailleurs aux dames, non aux combattants». {636} Les chevaliers reçurent en tout 36 rubis et 54 brillants (str. 218).
À la fin de la joute les juges désignèrent les deux meilleurs combattants, un parmi les «défendants», et ce fut le gendre du roi, Ferry de Lorraine, l'autre parmi les assaillants, et cet honneur revint au seigneur de Florigny. Le premier reçut «un fermaillet d'or tout mar-sis, semé de diamans et rubis», dont l'auteur nous dit qu'il valait «mille francs», ajoutant:
Mais laissons de côté la joute, qui est décrite en détail dans le manuscrit, et tournons-nous vers l'auteur du texte. Il faut tout de suite dire que son nom, qui n'est pas indiqué dans le manuscrit, ne nous est pas connu, et il y a bien peu de chance que l'on puisse un jour l'établir. Il faudrait un document d'époque où l'origine du texte serait précisée, mais dans les comptes et autres papiers du roi René que nous connaissons, il n'y a rien de tel, ce qui laisse peu d'espoir.
Mais même si nous savions son nom, il n'ajouterait presque rien à son portrait, tel qu'il est dépeint dans l'œuvre. Et ce portrait est suffisamment précis et clair pour connaître cet homme et appréhender son univers mental. Sous ce rapport, notre texte est bien supérieur à la description poétique de la joute de Tarascon dont l'auteur est Louis de Beauvau. Le nom de celui-ci est connu, puisqu'il est indiqué au début du texte, mais sa personnalité reste, à la lecture de son œuvre, terne, sans relief. Et il est impossible de dire à son sujet quoi que ce soit, en dehors de ce qui est déjà connu par d'autres sources.
Il est clair que notre auteur était un moine, et plus précisément un moine augustin. C'est ainsi qu'il est représenté dans une miniature montrant la scène de la présentation du manuscrit au roi René et c'est ainsi qu'il se présente lui-même quand il dit:
Il souligne très expressivement la vaillance d'un des participants à la joute en disant que:
À ses yeux ces deux dignités ecclésiastiques sont les plus hautes dont il puisse rêver, et le fait qu'il mentionne justement celles-là prouve qu'il est Angevin.
La description poétique de la joute a été composée selon les propres mots de l'auteur «soubs la noble obéissance», c'est-à-dire sur l'ordre du roi René (str. 9). Ici se posent deux questions: quand l'œuvre fut-elle commandée et quand fut-elle achevée? Il n'arriva à Saumur, écrit-il, que pour la fin des festivités, le 3 août (str. 8). Et bien qu'il dise qu'il se rendit là pour recueillir des témoignages dignes de foi et «au vray escripre» les événements, comme s'il avait reçu la commande avant son arrivée il semble bien qu'il ne la reçut qu'à son arrivée à Saumur. Sinon, il aurait dû venir plus tôt.