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RETOUR A «0»

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RETOUR A «0»
Название: RETOUR A «0»
Автор: Wul Stefan
Дата добавления: 16 январь 2020
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RETOUR A «0» - читать бесплатно онлайн , автор Wul Stefan

Stefan Wul est un ?crivain de Science Fiction fran?ais n? en 1922 (c'est donc maintenant un vieux monsieur de presque 80 ans). Il se mit assez tard ? la SF, vers 1950. Il avait ?crit avant cette date, mais se lance dans le genre presque par hasard. Son premier roman "Retour ? 0" propose l'id?e de m?decins r?duits en taille introduits dans le corps du patient... id?e qui sera reprise dans le film "Le voyage fantastique".

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CHAPITRE V

Le choc attendu fut à peine sensible. Un fracas assourdissant environna Jâ comme s'il crevait des milliers de cerceaux en papier placés les uns derrière les autres. Le bruit d'eau qui bout multiplié par un milliard. La chute continua pendant une bonne minute dans une obscurité totale. Enfin le bruit diminua d'intensité, puis tout s'arrêta.

Jâ se demanda un instant s'il était mort, si c'était cela la mort. Enfin, quoi! Il s'était vu arriver comme la foudre sur le flanc d'une montagne. Ensuite ce vacarme effrayant, et puis, maintenant, cette tranquillité.

Il tâta prudemment autour de lui et perçut le contact d'une masse élastique qui l'environnait. Il pensa brusquement à son phare et s'empressa de l'allumer. Devant le spectacle brusquement apparu, une pensée comique l'assaillit: «Je suis dans un fromage de gruyère».

Entièrement plongé dans un corps criblé de bulles allant de la taille d'un petit pois à celle d'un ballon de football, son idée était assez juste, dans sa stupidité. Allongé sur le dos, il essaya de s'asseoir et retomba en arrière, retenu de toute part par l'élasticité de cette matière poreuse. Il resta couché un instant et fut secoué d'un rire silencieux qui fit tout trembloter autour de lui. Ses nerfs épuisés le lâchèrent et son rire augmenta jusqu'à la souffrance tandis qu'il se répétait:

«C'est très confortable, un fromage de gruyère». Ses hoquets secouaient spasmodiquement des étages de bulles.

Enfin, il se calma et fit sortir une lame coupante de son gantelet droit. Il taillada assez largement les alentours pour se mettre debout et remonta lentement dans le puits grossier qu'il pratiquait au-dessus de lui. Il sourit encore en pensant au gruyère et se dit que le terme «éponge» eût été plus juste, une éponge très légère et très molle.

Il chercha son chemin en repérant les endroits déchirés par sa chute. La tâche était difficile, car cette immense éponge avait immédiatement refermé ses plaies derrière lui. De plus, cette difficile ascension le fatiguait énormément. Utilisant les bulles comme des marches d'escalier, il s'agaçait d'y enfoncer à mi-jambe et de perdre les neuf-dixièmes de ses efforts à tasser derrière lui les débris coupée. Il montait à peine d'un mètre tous les quarts d'heure.

Au bout d'un temps, il s'arrêta. Se laissant aller en arrière, appuyé au mur plastique et confortable, il absorba un peu de Drinil et décida de se reposer.

Après plus de trois jours de solitude dans l'espace, après des moments d'une angoisse insupportable, il se sentait en parfaite sécurité. Sa dangereuse mission lui paraissait facile. Et cet étroit entourage de matière tangible, quoique inconnue, constituait un antidote moral parfait à la nausée du vide, qu'il avait pris en horreur pendant le voyage. Il avait l'impression de se trouver dans une chambre familière et rassurante. Le sommeil le surprit.

* * *

Un vieillard grand et sec, au visage tourmenté de rides, était allongé sur une espèce de hamac transparent, dans un angle de la pièce. Ses membres nus étaient étayés par de minces barres métalliques qui s'articulaient parfaitement à toutes les jointures, comme des tuteurs soutiennent le tronc d'un jeune arbre. Une tunique jaune d'or cachait son torse et ses reins.

Le son discret d'un gong se fit entendre. Le vieillard se redressa lentement et fixa un point du mur opposé. Le mur parut quelques instants frémir comme une toile et l'image d'un homme apparut comme sur un écran. L'homme s'inclina et attendit. Il paraissait à peu près nu sous un maillot collant et diaphane comme un bas, qui l'enveloppait depuis sa tête rasée jusqu'à ses pieds surélevés par de bizarres cothurnes. Un simple triangle d'étoffe rouge marquait son ventre.

– Eh bien? demanda le vieillard.

– Ancêtre vénéré, dit l'homme en s'inclinant de nouveau. Nos observateurs nous signalent l'arrivée de Jâ Benal. Il est tombé sur le Mont Circé.

– Alors?

– Étant donné la valeur exceptionnelle de ce savant, le Conseil a voté une motion projetant de vous demander de faire une exception pour lui. C'est un miracle qu'il ait réussi à alunir indemne, ses réacteurs étant hors d'usage. Il est actuellement enfoncé à deux cents mètres dans la couche spongieuse. Nos bio compas ne le quittent pas. Mais il n'a aucune chance contre les gôrs.

Le vieillard resta impassible quelque temps. Puis, il parla d'une voix lente et sèche.

– Je m'étonne que le Conseil ait songé une seconde à forfaire à la loi. C'est une réaction de primitifs imbéciles. Ce Jâ Benal doit faire ses preuves comme les autres.

Il y a cinquante ans, nos spécialistes ont mis en évidence que chaque homme était plus ou moins réceptif à la chance. Les progrès de la cryptobiologie en sont même à la mensuration mathématique de cette réceptivité. Résultat qui n'a malheureusement pas encore dépassé les expériences de laboratoire.

«Je ne veux pas, sur la Lune, accueillir un troupeau d'inutiles. La valeur intellectuelle et physique de cet homme ne m'intéresse en rien s'il n'est pas réceptif. Il a fallu que nous le soyons, nous, premiers convicts, pour organiser notre séjour ici, dans des conditions alors atroces. Il a fallu que je le sois encore plus que les autres, puisque je suis encore là aujourd'hui, seul survivant des temps héroïques, pour diriger vos destinées».

«Si cet homme meurt, je ne regretterai pas de l'avoir perdu, je regretterai d'avoir espéré un instant qu'il existait un individu de plus joignant les trois qualités: intelligence, force, réceptivité à la chance.

«Je sais que l'endroit de sa chute est le moins hospitalier de la planète: tant pis pour lui, c'est qu'il n'a pas de chance! Après tout, quand je suis arrivé ici, il y a cent quatre-vingt-dix-sept ans, j'ai touché la Lune dans la plaine des Rass, où les conditions de survie étaient beaucoup plus favorables qu'au Mont Circé, j'en conviens. Mais j'ai dû végéter plus de deux ans avant de me créer une retraite d'un hectare où j'ai pu subsister dans l'état de misère relative d'un contemporain du vingtième siècle. Les compagnons que j'ai accueillis, que j'ai sauvés, m'ont tous déçu. C'est alors que j'ai pris la résolution de ne leur prêter main-forte qu'après un mois de débrouillage personnel. Ce délai a été ramené à quinze jours terrestres pour d'autres raisons…»

«Non, quand je pense à tout cela, je considère que ces quinze jours, même dans l'enfer de Circé, constituent une épreuve à peine égale, sinon inférieure à ce que les premiers arrivants ont subi… Maintenant, laissez-moi».

Sur le mur-écran, l'envoyé du Conseil s'inclina profondément et disparut.

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