RETOUR A «0»
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Stefan Wul est un ?crivain de Science Fiction fran?ais n? en 1922 (c'est donc maintenant un vieux monsieur de presque 80 ans). Il se mit assez tard ? la SF, vers 1950. Il avait ?crit avant cette date, mais se lance dans le genre presque par hasard. Son premier roman "Retour ? 0" propose l'id?e de m?decins r?duits en taille introduits dans le corps du patient... id?e qui sera reprise dans le film "Le voyage fantastique".
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CHAPITRE XII
Jâ avait été roulé dans un infernal torrent de roches fondues. Il s'était senti entraîné à toute vitesse et n'avait eu que le temps de pousser son réfrigérateur au maximum. Malgré cette précaution, une chaleur suffocante régnait à l'intérieur du scaphandre. Aucun homme avant lui, certainement, n'avait dû connaître une pareille aventure. Si certains l'avaient subie, aucun ne l'avait vécue. A travers la paroi de son casque, il avait l'impression de contempler de tout près l'intérieur d'un four chauffé à blanc. Des grumeaux éblouissants s'écroulaient les uns sur les autres autour de lui dans une débâcle silencieuse, tandis qu'il tournoyait comme une épave.
Il lui sembla soudain que la vitesse s'accélérait prodigieusement et un choc fit retentir le scaphandre. Se félicitant que celui-ci ait été conçu pour subir les pires épreuves, il eut l'impression d'être coincé contre un corps solide par la pression de la lave. Ses bras explorèrent autour de lui. Un mur de roc l'empêchait d'aller plus loin. Il se hissa le plus haut possible, toucha un plafond inébranlable: le roc surplombait. Alors, il lui fallut se contraindre à des gestes calmes pour ne pas perdre son sang-froid. Un sourire artificiel crispa sa bouche tandis qu'il se répétait à haute voix
– Voyons, aucune raison de s'inquiéter. Mon scaphandre est une merveille de perfection. Je ne cours aucun danger. Ma situation est particulièrement excitante.
Le fleuve de lave continuait à couler devant lui avec une telle force qu'il lui fut impossible, malgré ses efforts, de vaincre le courant. A chaque fois qu'il essayait de sortir de l'espèce de grotte dans laquelle il était prisonnier, il se sentait violemment repoussé en arrière. Il fallut se résigner à l'attente. Se laissant couler, il s'accroupit sur le sol dur et patienta pendant des heures qui lui parurent des siècles.
Enfin, la nappe brûlante qui l'enveloppait sembla stagner. Jâ avança lentement dans l'enfer, frôlant de son gantelet levé le plafond de sa prison. Celui-ci parut s'élever. Bientôt sa présence ne fut plus perceptible, mais en admettant qu'il s'arrêtait là, Jâ n'en était pas plus avancé. Il était impossible de remonter, la viscosité de la lave retenant le scaphandre en bas. Jâ se résigna à avancer au hasard. Penché en avant, il poussait fortement des semelles sur le sol, tandis que ses bras effectuaient un mouvement de brasse au ralenti.
Une pensée l'effraya: et si la lave se solidifiait? Certes, la rapidité du torrent qui l'avait emporté indiquait qu'il était formé de laves basiques, devant en principe rester très longtemps fluides. Mais si la nuit tombait sur cette région de la lune, la surface pouvait très bien se figer sous l'action d'un froid terrible de moins cent degrés. Et il serait condamné à une mort lente dans une poche de feu, sous une gangue de roc: un fossile idéal à découvrir pour les générations futures.
Sous l'action de la fatigue, ses gestes devenaient plus lents. Quoique cette idée fût absurde, il s'imagina que la lave devenait pâteuse et lutta pour avancer le plus vite possible et trouver une issue quelque part. Sa marche provoquait des remous donnant naissance à de grosses bulles gazeuses, de l'hydrogène sulfuré sans doute, qui lui montaient le long des jambes.
Bientôt, il entendit crever ces bulles au-dessus de lui et en déduisit que la surface n'était pas loin. Redoublant d'ardeur, il parvint à grimper sur un renflement plus élevé du sol et son casque émergea. A cet endroit, la lave beaucoup moins liquide le retenait de toutes parts. Il eut à fournir de gros efforts pour s'extirper de la pâte gluante et réussit enfin à en sortir en faisant craquer des croûtes solides dans une poussée désespérée. Une fraîcheur délicieuse envahit le scaphandre. Mais elle se mua rapidement en un froid vif et Jâ coupa son réfrigérateur. Il s'étendit à quelques mètres de la coulée infernale et reprit son souffle.
Quand il fut plus calme, il se gorgea de Drinil et absorba deux pastilles. Il s'assit et alluma son phare pour observer les environs, car la nuit était très sombre. Sa déception fut vive de se trouver dans une grotte spacieuse. Une fatalité le ramenait toujours à explorer les entrailles de la Lune, alors qu'il n'aspirait qu'à la surface.
Il regarda la lave dont il était sorti, qui paraissait former un bouchon à l'entrée de la grotte et un phénomène qui lui avait échappé le frappa. Des bulles s'en dégageaient et montaient vers les hauteurs. Et celles-ci ne se dégageaient pas seulement de la lave mais prenaient également naissance aux endroits qui voisinaient avec celle-ci. Jâ comprit qu'il était dans une poche d'eau, et non dans le vide ou l'oxygène. Et cette eau bouillait au contact des matières surchauffées vomies par le volcan.
La chose était normale d'ailleurs, car si la lave avait rencontré des gaz ou du vide, elle aurait envahi la grotte sans difficulté, alors que l'eau avait constitué un barrage efficace.
Il fallait sortir de là. Les parois étaient assez accidentées pour permettre une ascension. Jâ monta lentement, profitant des moindres aspérités. Par endroits, la tâche était relativement facile. A d'autres places, le jeune homme manqua plusieurs fois de glisser par le fond et de perdre ainsi le chemin parcouru. Il lui sembla bientôt que le liquide qui l'entourait devenait verdâtre et opaque et s'ahurit de constater qu'il se trouvait vraisemblablement dans une poche pétrolifère.
«Ce serait la preuve qu'il a existé des mers sur la Lune, se, dit-il». Il continua son ascension à tâtons, gêné par l'opacité et par la viscosité qui rendait les roches très glissantes. Enfin il émergea. La peine de persévérer lui fut épargnée. Un craquement terrible ébranla le sous-sol lunaire. Jâ retomba dans le liquide, accompagné de gros blocs de roche. Il se sentit tournoyer, puis aspiré par un courant ascendant, fut projeté par une force terrible dans l'espace. Il jaillit à une trentaine de mètres au-dessus de la surface, soulevé comme une plume par un puissant jet de pétrole, et retomba lourdement dans l'épaisse couche de cendres qui amortit sa chute. Le sol frémit encore deux ou trois fois, sans que Jâ s'en effrayât le moins du monde, ayant subi de plus terribles épreuves qui l'avaient vacciné contre la peur.
Il fut aussitôt entouré d'êtres revêtus de combinaisons gonflées comme des ballons. Il s'inquiéta sur le moment, mais reconnut des visages humains derrière la membrane transparente qui protégeait leur figure. Il leur fit un signe de la main, voulut se redresser et réprima un gémissement; sa jambe gauche ne le portait plus, sans doute brisée dans la chute. Il se laissa traîner dans un bizarre appareil en farine d'œuf et s'évanouit.