Lagent secret (Секретный агент)
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продолжение серии книг про Фантомаса
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Soudain, rompant le silence on entendit dans la salle :
— Moi !
Les membres du Conseil se regardèrent interdits. Le colonel-président fronça les sourcils et, scrutant de ses yeux clairs l’auditoire houleux :
— Qui a parlé ?
— Moi !
Cependant, fendant avec peine l’assistance, quelqu’un se rapprochait du tribunal militaire et contournant le poêle qui marque le milieu de la salle, pénétrait dans l’enceinte réservée aux témoins.
Un murmure d’émotion monta de la foule.
— Silence ! hurla le colonel, qui n’avait pas perdu la tête et qui, promenant un regard courroucé sur le public, ajouta, menaçant :
— Je vous préviens qu’à la moindre manifestation, favorable ou non, je fais immédiatement évacuer la salle.
Cependant, le colonel, ayant obtenu un calme relatif, regardait la personne qui venait de s’approcher de la barre des témoins et à laquelle Juve, s’écartant un peu, par discrétion et aussi sans doute par galanterie, avait laissé la première place, face au tribunal de justice militaire.
C’était une jeune femme élégamment vêtue d’un grand manteau de fourrure noir. Un voile sombre dissimulait ses traits, toutefois la transparence de ce voile permettait d’apercevoir un visage d’une étrange pâleur.
— C’est vous qui avez dit : « moi » ? interrogea le colonel.
— Oui, monsieur, en effet.
— Qui êtes-vous, madame ?
— Je m’appelle Berthe, M lleBerthe, je suis plus connue sous le sobriquet de Bobinette !
En dépit des menaces du président, les chuchotements recommencèrent dans la salle.
Lorsqu’on fut remis de la première émotion occasionnée par l’intervention inattendue de Bobinette, le colonel l’interrogea :
— Que prétendez-vous faire, mademoiselle, et pourquoi vous êtes-vous permis d’interrompre l’audience ?
— Vous avez demandé, monsieur, qui débrouillerait cette malheureuse affaire, et j’ai répondu : « moi ». Car je suis prête à tout vous dire. Cela, non seulement c’est un devoir que m’impose ma conscience, mais c’est le vœu le plus cher que je puisse formuler à l’heure actuelle.
L’avisé défenseur de Fandor, M eDurul-Berton, soupçonnant les hésitations des membres du Conseil intervint avec autorité :
— Monsieur le président, déclara-t-il en se levant, j’ai l’honneur de solliciter l’audition immédiate de ce témoin bénévole.
Et, pour rassurer le colonel, l’avocat ajoutait :
— C’est votre droit absolu, monsieur le président, vous pouvez ordonner cette audition en vertu de votre pouvoir discrétionnaire…
— Et si je m’y oppose ? grogna de derrière son bureau le commandant Dumoulin, qui jetait un coup d’oeil hargneux au défenseur, son adversaire.
— Si vous vous y opposez, monsieur le commissaire du gouvernement, j’aurai l’honneur de déposer immédiatement sur le bureau du tribunal des conclusions tendant à ce qu’il soit statué séance tenante sur le cas.
Le colonel, plein d’animation, discuta avec ses assesseurs. Ceux-ci tombèrent d’accord pour ne pas susciter d’incidents de procédure. Le colonel approuva :
— Nous entendrons donc ce témoin.
Puis, s’adressant à Bobinette :
— Vous avez la parole, mademoiselle ; mais, auparavant, jurez de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite, et dites : « Je le jure. »
— Je le jure.
Timide au début, troublée par l’émotion, mais peu à peu s’enhardissant, haussant le ton de sa voix. M lleBerthe faisait à l’auditoire, curieusement attentif, tout d’abord le récit de son enfance.
Elle était fille du peuple, mais bien élevée, honnêtement. Puis, peu à peu, au fur et à mesure qu’elle grandissait, les tentations de toutes sortes l’avaient arrachée du droit chemin. Intelligente et désireuse de s’instruire, Bobinette, qui avait reçu une éducation soignée, supérieure à celle de ses compagnes, avait fait de véritables études masculines, obtenu le diplôme de bachelière et pris ses inscriptions d’étudiante à la Faculté de médecine. Malheureusement, la promiscuité des hôpitaux, l’innombrable variété de gens que l’on y rencontre et aussi le besoin d’argent devaient détourner Bobinette des saines satisfactions du travail… Après quelques années entremêlées de sérieuses études et d’ères de paresse, elle devait renoncer à obtenir le diplôme de docteur et se contenter de son métier d’infirmière.
Par deux ou trois reprises, le colonel l’avait interrompue :
— Que nous importent ces détails, mademoiselle ? avait-il déclaré. Ce que nous désirons connaître, c’est, non pas votre histoire, mais celle de l’existence du coupable.
— Vous voulez connaître l’existence du coupable ?… Écoutez !
Et la jeune femme dès lors poursuivait, racontant encore les étapes de sa vie mouvementée jusqu’au jour où le hasard l’avait mise en rapport avec le baron de Naarboveck. Les soins dévoués prodigués à la jeune Wilhelmine lui avaient gagné la reconnaissance du riche diplomate et de sa fille, et elle était entrée dans leur intimité.
— Ah ! maudit soit ce jour.
— Que voulez-vous dire ?
— Je veux dire, expliqua la jeune femme, que si le capitaine Brocq est mort assassiné, c’est de ma faute ; je veux dire que si un document confidentiel a disparu de chez lui, c’est parce que je l’ai pris… j’étais sa maîtresse… je suis responsable de sa mort !
Un grand silence succédait à cette déclaration sensationnelle.
Les juges, le commissaire du gouvernement, l’avocat de Fandor et Fandor lui-même ne savaient que penser. L’auditoire était haletant. Mais Bobinette poursuivait :
— Mon mauvais génie, messieurs, fut un bandit de la pire espèce, que vous connaissez tous sous le sobriquet de Vagualame. Vagualame, agent du Deuxième Bureau de l’état-major, et faisant officiellement du contre-espionnage ?… soit. Mais, messieurs, Vagualame était également un espion de la France, un traître au service de l’étranger… pis encore : c’est lui qui a assassiné Brocq, vous savez qu’il est le meurtrier de la chanteuse Nichoune. Vagualame a fait de moi sa chose, son esclave. Hélas ! je ne puis cependant pas tout rejeter sur lui ni prétendre que c’est sous la perpétuelle menace de ce monstre que j’ai trahi de toutes les façons : trahi mon pays, trahi l’amour qu’éprouvait pour moi le capitaine Brocq, que j’ai volé de toutes les manières, volé le document relatif à la mobilisation et volé aussi de l’argent, – des billets de banque, – sous prétexte de donner le change à la police et de faire croire à un vulgaire cambriolage. Ces billets, messieurs, vous les avez retrouvés entre les mains de l’infortuné Jérôme Fandor. Ils constituent, paraît-il, une charge accablante pour lui… Or, sachez qu’après avoir été volés de ma main, ils lui ont été remis par un de nos agents qui savait que de la sorte on compromettrait le faux caporal Vinson. Mais si j’ai agi ainsi, c’est non pas tant par désir de l’argent qu’on me donnait, non pas tant pour les promesses fallacieuses de fortune éventuelle que faisait à mes yeux miroiter Vagualame…, c’est… par rancoeur, par dépit, par haine, par amour !
M eDurul-Berton s’était soudain levé, se penchant vers la jeune femme :
— Parlez, parlez, mademoiselle, s’écria-t-il.
Bobinette lentement reprit :
— Par amour, oui, et c’est l’aveu qui me coûte le plus. Oui, si j’ai cédé aux propositions de l’ignoble Vagualame, si je me suis laissée entraîner par lui dans les sentiers affreux de l’espionnage et de la trahison, c’est par dépit d’un amour incompris, d’une passion intense, inimaginable, que j’éprouvais pour un homme… un homme dont le cœur était pris ailleurs… pour le fiancé de M lleWilhelmine, pour le lieutenant Henri de Loub…
Le colonel-président, d’un geste brusque, interrompit la jeune femme :
— Il suffit, mademoiselle, il suffit… Vous n’avez pas de nom à prononcer ici. Veuillez continuer votre déposition relative aux faits d’espionnage…